Derrida pris au « piège »
Stéphane Domeracki, lycée Galatasaray, extrait de « 100 Reproches à Jackie Derrrida. Spectres métapolitiques de Heidegger », à paraître.
Nous l’avons vu à des moments clés de nos analyses touchant aux enjeux militants, féministes et indigénistes : « celleux » qui se revendiquent de la déconstruction ont une tendance navrante, entre deux textes chargeant les phallocrates pour les clouer au pilori, à larmoyer dés que possible en sombrant dans un certain victimisme. Cette pose victimaire a exactement la même allure que celle du « pauvre » Martin de 1946, feraillant avec les autorités chargées de la dénazification – alors que sa place était à Nuremberg avec Rosenberg et Frank. Sans surprise (voir notre entrée « fissure »), les écrivains singeant Heidegger se complaisent à leur tour dans cette pose sitôt que les polémiques qu’ils occasionnent eux-mêmes avec leur élitisme et leur mépris leur revient violemment en pleine figure, comme pendant l’affaire Sokal ; alors le ton se veut très amer, voire quasiment complotiste en certains cas: sont pointées les connivences avec le pouvoir, les institutions ; discutez avec un admirateur de Derrida en lui montrant que vous ne l’appréciez pas : il ne faudra pas quelques minutes seulement pour que l’accusation de connivence, complicité ou prostitution avec le néolibéralisme et les dominations phallocrates vous tombent dessus. Quiconque n’est pas avec Derrida est contre lui. Savoir se constituer victime est donc essentiel dans le dispositif verbeux de « la déconstruction ». Reiner Schürmann exhibait déjà un victimisme similaire, lui qui rappelait toutefois l’évidence en décrétant que les critiques s’opposant aux admirateurs d’auteurs nazis avaient forcément des objectifs politiques :
« Rorty, himself one of the names in analytic philosophy, sees no political trace in this displacement (while writing that « on the other side of the street », « unscientific » European philosophy predisposed Heidegger to Nazism and Sartre to Stalinism, just as it prevented Foucault from sharing in « the ordinary civilized hope for the rule of law » ( in Consequences of pragmatism, University of Minnesota press, 1982, p. 229). The takeover in question cannot be dissociated from the governmental and academic « witch hunt ». » (Reiner Schürmann,, « Concerning Philosophy in the United States » p. 95.)
Il parle donc carrément de « chasse aux sorcières » pour désigner ceux qui refuseraient de s’adonner compulsivement à la répétition des linéaments de métapolitique de l’extermination. Que Heidegger ait pu lui, réellement, balancer tel collège juif aux autorités universitaires mises au pas – cette « chasse au sorcière » là, autrement plus sinistre, ne semble pas avoir amené de sa part un texte tançant son cher professeur de Fribourg : pas un mot de Schürmann à ce sujet. Les heideggerolâtres passent leur temps à insulter les tenants de la philosophie politique, analytique, humaniste, voire même parfois ils s’insultent entre eux : mais le simple fait d’étudier le surnazisme heideggerien qui leur a servi de source principale est vécu par eux comme une insupportable inquisition. Le seul bûcher qui peut pourtant éventuellement être consumé par de telles recherches tranquilles et renouvelées, c’est celui des vanités. Et pourtant ! Le simple fait d’appeler à un nouvel examen des textes est vécu à chaque fois comme une déclaration de guerre, y compris lorsque ces appels sont timides, sobres, comme ceux de bon aloi menés par Emmanuel Faye ou Sidonie Kellerer : alors, autant y aller de bon cœur. Même l’interlocuteur de Jacques Derrida, pourtant bienveillant, Antoine Spire, dans leur entretien de 2002, s’interroge :
« J’ai l’impression que chaque fois qu’une référence ou qu’une appartenance semble soit vous circonscrire, soit circonscrire ce qui a été l’objet de votre attention, vous criez au piège ! » (p.38)
De fait, une telle question lui tend la perche, puisque « circonscription » suggère « clôture », et la pensée qui cherche à se rendre incoercible peut se plaire à voir là un motif tout désigné de réponse indignée, en exhibant celui qu ose poser la moindre question pour une sorte d’agresseur malpoli :
« Je voudrais reprendre un autre mot – vous me le tendez – celui de « piège » . Mais oui, cher ami, il y a des pièges, et vous les placez sous mes pas.» (Spire p.40)
Jacques Derrida se sentirait-il en cette insécurité qu’il appelle pourtant de ses vœux partout où la pensée de la différence devrait se déployer ? Il faut remarquer qu’il accuse son interlocuteur du jour, pourtant coopté, de lui imposer ces « pièges », terme à réinscrire dans la sémantique heideggerienne antisémite d’après-guerre où il décrit (notamment dans Was heisst Denken ?) l’enjuivement de la volonté de volonté comme rien de moins qu’une « traque » nihiliste se traquant elle-même ; lors des années hitlérienne, la thématique arachnéenne peu flatteuse consistant à accuser la « juiverie de « prendre dans ses filets » pour tout emmêler dans la Mischung était la thématique antisémite de la « machination », qui calcule tout pour tout capturer, inscrire dans ses mailles et déjouer d’avance tout pour perpétrer le même crime ancestral :
« La dangerosité d’un combat « spirituel » ne consiste pas dans la défaite ou l’anéantissement, mais dans la certitude d’une dépendance inévitable vis-à-vis de l’opposant, l’adoption de son essence et de sa non-essence. » (GA 95, p.326)
Ce thème paranoïaque et complotiste visant des sortes d’araignées juives passées maîtresses dans l’art occulte de tout prendre dans ses mailles métaphysiques trouve aussi sa source dans les textes de Nietzsche tournés contre Spinoza (1) et la volonté de système, lesquels inspirent la derridienne Sarah Kofman. Celle-ci, nous l’avons vu, qui n’hésite pas à thématiser quelque complot ancien du judéochristianisme visant par ce venin logique à invisibiliser les présocratiques : l’histoire de la philosophie elle-même. Jackie Derrida, qui accuse aussi bien son phallogocentrisme, reprend en l’euphémisant ce texte de Heidegger sur la manigance calculatoire arachnoïde, pour que le lecteur comme lui se constitue en victime de la rationalité :
« Je me retrouve devant les mots de la tradition (…) comme une mouche (2) qui aurait compris le danger. Je me rappelle ce que je voyais dans mon enfance, dans les maisons chaudes d’Algérie , où, dans le combat quotidien contre les mouches, on laissait pendre un rouleau de papier plein de miel, où les mouches venaient et se laissaient prendre ; elles se laissaient engluer à jamais. Eh bien moi, devant tous ces grands concepts philosophiques de la tradition, (…) j’ai toujours eu le réflexe de fuir, comme si j’allais, au premier contact, à nommer seulement ces concepts, me trouver, comme la mouche, les pattes engluées : captif, paralysé, otage, piégé par un programme » (in « Responsabilité – du sens à venir. », op cit., p. 168)
L’idée même de « programme » renvoie à ce calcul « technique », cybernétique, par laquelle la machination ancienne perpétrerait ses malversations ; en termes heideggeriens des cahiers noirs, une faction manipulée de façon à pouvoir court-circuiter toute résistance en opérant au plus profond de la conceptualité occidentale : « la « Juiverie mondiale » peut aussi se servir des deux, proclamer et accomplir l’une au service de l’autre – cette fabrique de « l’histoire » par le biais de manigances prend tous les acteurs dans ses filets de la même façon » (GA96, p. 243). L’auteur ayant élaboré, comme contre-mesure négationniste, sa métapolitique de l’auto (sic) anéantissement, celle-ci s’instille et s’inscrit profondément dans la pensée derridienne qui prétend pourtant pouvoir lui résister de l’intérieur. La paranoïa est de mise, les pièges et les ennemis sont partout. Comme celle de la différence et de la déconstruciton, la pensée de l’être n’a eu de cesse de se tenir sur ses gardes, la méfiance étant de rigueur contre les schwartzen catholiques et leurs manigances, puis au milieu des néo-kantiens et phénoménologues qui auraient pu écourter aussi sa carrière, puis contre la politique de Weimar qu’il exécrait en particulier dans ses manifestations « culturelles berlinoises », ensuite contre les manigances internes d’étudiants et de collègues à l’université, contre les nazis concoctant des critiques dangereuses contre lui, ensuite contre l’enjuivement même du nationalsocialisme qu’il a appris à repérer – ensuite contre les alliés, l’Américanisme, puis contre ses propres disciples ( « Les pires ennemis sont les admirateurs encombrants. L’effronterie de leur bienveillance…» , GA97, p. 503) et caetera, et caetera…Le professeur surnazi qui se plaignait pourtant à l’occasion de ne pas avoir assez d’ennemis (!) exhortant même à s’en inventer pour garder une sorte de vigueur, alors qu’il passait déjà son temps à vitupérer contre les « esprits comptables » et les « traîtres à la pensée » qui selon lui ne ratent aucune occasion d’ourdir des plans diaboliques – au sens littéral- contre lui, c’est-à-dire contre « la » « pensée ». Son (res)sentiment délirant ou bien parfois légitime -renvoyons encore à l’essai Le piège, de Jean-Pierre Faye- d’être à la merci de périls politiques et polémiques divers crée une atmosphère trouble prompt à séduire tous les lecteurs développant eux aussi, dans d’autres domaines – néoféministes en roues libres, eurasiens incitant le Kremlin à vitrifier l’Occident, indigénistes haineux et vengeurs- des formes de paranoïas aigües, bénissant leur propension marquée à s’abandonner au pire manichéisme. De tels lecteurs se plaisent surtout à chercher à les confondre par une pensée du soupçon renouvelée, où les « pièges » prolifèrent. Alors que Jacques Derrida avait surtout été sobrement renvoyé aux textes par Bouveresse, Bourdieu, Adorno et ce avant toute polémique jugée superficielle, il n’a eu de cesse de prendre la pose indignée de celui qui s’estime en droit de se montrer à chaque fois sur la défensive – ce qui ne manque d’ailleurs pas d’ironie pour quelqu’un qui n’a eu de cesse de pointer des tendances à la maîtrise, à la sécurisation. Pourquoi ne pas avoir laissé un peu plus de chances à une authentique traversée de cet autre pour lui qu’était la critique de ses travaux ? À la place, des gémissements du plus mauvais aloi, voyez plutôt :
« Chaque fois (et cela ne manque jamais d’arriver) que s’adressant à moi pour une interview on m’interroge sur Heidegger, puis qu’on y associe mon ami De Man (…), ce sont des pièges pour moi. On veut limiter ou neutraliser mon travail (très différent au demeurant de celui de De Man qui ne m’a pas lu et que je n’ai rencontré qu’assez tard, en somme, autour des années 70, moi qui n’étais pas en Belgique en 1940 mais expulsé de mon lycée à l’époque parce que Juif). » (ibid.)
Ici Derrida ne recule pas devant le caractère obscène d’une mise en scène commode de sa judéité pour défendre des antisémites contre des questions pourtant tout à fait pertinentes, qu’il entend décrédibiliser plutôt que de leur accorder leur sérieux. Il donne donc le signal à tous les heideggerolâtres des décennies suivantes : surtout, ne pas travailler la dimension politique des textes inédits, voire, ne pas les lire du tout ; juste : geindre. « Piège donc, oui, et un peu gros. Pour Heidegger, c’est encore plus énorme. » (ibid.) La tentation de faire passer les positions, disons, « humanistes », pour balourdes et incompétentes est le cliché le plus éculé des postures derridiennes et de leurs esquives peu glorieuses. Se dessine en une telle attitude l’influence décisive de Heidegger, mais aussi des traits idiotiques du penseur algérien ; son biographe trouve ainsi important de restituer tel extrait qui n’est pas sans rappeler le gnosticisme exécrable du penseur de Messkirch:
« Les carnets accueillent aussi quelques récits de rêves, accompagnés d’un début d’analyse : « Rêve. Participation à réunion politique nationale. Je prends la parole. Fais le procès de toute le monde. (Comme d’habitude : je ne m’allie jamais et tire tous azimuts : tout seul. La peur, c’est l’alliance, et ce sentiment de sécurité qui tient l’alliance. J’en ai vraiment peur, ce qui ne donne rien d’héroïque à ma solitude, quelque chose d’apeuré et de lâche, plutôt : « on ne m’y prendra pas » – et cherche du côté « fuite de l’alliance » et dégoût de la « communauté » (Ce mot même m’écœure) » (Peeters, p.361)
Il ne l’écœurera pas au point de prendre des distances marquées avec les développements para-heideggeriens de Jean-Luc Nancy sur le sujet, la Gemeinschaft, pourtant, allant même presque jusqu’à présenter ce « philosophe », sur la fin, comme, en quelque sorte son successeur (ce qu’il ne fera jamais de Lacoue qui avait déjà soulevé trop de problèmes gênants). Mais le sens de ses témoignages faisaient plutôt état d’une acrimonie ancienne, jamais démentie, envers sa propre communauté juive d’Algérie, qui le débectait, ce qui n’est pas en question ici. La paranoïa de ce récit donne peut-être un indice de la tendance de la déconstruction à mépriser les éthiques de la discussion, toujours jugées iréniques, conciliantes par la compromission et hypocrites, à la Habermas voire Gadamer – ce qui nous rappelle les difficultés voire impossibilités propres à toute écriture para-heideggerienne à correspondre aux exigences dialectiques et démocratiques, sa radicalité intransigeante s’érigeant en effet en posture inquisitrice, jugeant tout le monde exactement au même titre que l’acrimonie misanthrope nazie qui l’inspire. Mais, en prenant la pose aristocratique, c’est Nietzsche qui est généralement mobilisé, et on préfère parler de « moraline » chaque fois qu’une éthique de la discussion est de mise, du moins, dans la première partie de la trajectoire de Derrida. La contre-attaque est préférée, et vise rarement les ennemis valeureux comme Faye ou Bouveresse, plutôt les articles de journaux qui ont incommodé, ou bien Ferry et Renaud, comme épouvantail bien commode puisqu’il se situe à droite :
« La pensée 68 : exemple du pire simplisme journalistique. Tout cela est destiné à éviter, voire à empêcher, de penser, d’enseigner, de lire, sans respect pour le lecteur ni pour les penseurs dont on prétend traiter. On fait tout pour dénigrer, blesser, « piéger », justement. Mais vous savez, la manipulation des pièges est parfois dangereuse pour les manipulateurs, sur le champ ou à la longue. » (Spire p.42-43)
Jackie ne croit pas si bien dire ! Lui qui, quoi qu’il en dise, n’a eu de cesse de chercher à capturer ce qui pouvait bien l’arranger dans les pensées heideggeriennes, se retrouve Grosjean comme devant une fois que les écrits explicitant pleinement son rapport au nazisme invalident la plupart de ses interprétations superficielles et forcément incomplètes – et ses inspirations seulement à moitié avouées (et pas pour autant pardonnées.) Le pressentant déjà tout de même un peu, quoi qu’il en dise, à travers les diverses critiques légitimes qui lui étaient adressées lors des affaires Sokal, De Man, Farias, entre autres, il crut même nécessaire de digresser à ce propos lors d’une de ses nombreuses improvisations sur l’improvisation (!) avec lesquelles il savait qu’il épatait la galerie :
« Ce qui compte, c’est ce qui limite les défenses, anticipation ou temps d’écrire – ce que celui qui se défend paie, sans le savoir, pour sa défense, ce dont il se fend pour se défendre, ce qui reste comme trace du paiement, et c’est pourquoi je parle du talon, de chèque autant que d’Achille, avec lequel il devra bien un jour faire ses comptes en recevant l’avis de débit. On interroge quelqu’un qui a pris, croit avoir pris, dans une certaine mesure, le temps d’écrire, d’élaborer des machines codées, surcodées, etc. Pour capitaliser les effets de lecture (les effets de toute sorte, on peut leur donner tous les attributs, socio-politiques, sexuels, etc.), il a paradoxalement raréfié le champ d’efficace immédiate, aux alentours du zéro absolu. On lui pose alors des questions. Telles que, de toute façon, il ne sera pas en mesure d’y répondre à loisir et de façon aussi surveillée que dans le texte publié, après placards et mise en page. » (Points de suspension, p.55)
Se sentant en liberté surveillée dans quelque panopticon ou aquarium où il se sait épié, le déconstructeur surjoue le ton indigné (et chacun sait ce que Nietzsche en dit) de celui qui serait en garde à vue, mais suggère surtout qu’il a élaboré sa propre œuvre comme une sorte de machine de guerre pour mépriser d’avance à toutes les objections – ce qui revient à ne jamais vraiment répondre, en particulier en ce qui concerne le problème principal, celui de la récurrence significative des spectres de Heidegger à relecture de ses œuvres dans nos années vingt. Entre paranoïa, contre-espionnage, et véritable, pour le coup, tendance à la manipulation, Derrida, en fin stratège, élabore autant de moyens qu’il trouve pour pouvoir d’avance dé-jouer les pièges :
« L’intéressant alors, ou du moins le pertinent, ce n’est surtout pas ce qu’il dit, le contenu plus ou moins nouveau ou répétitif, éclairant ou appauvri de ses réponses, mais ce qu’il sélectionne, ce qui se sélectionne (discrimine, crible, choisit, exclut) dans la précipitation, découpant des clichés dans la masse plus ou moins informée des discours possibles, se laissant contraindre par la situation, les interlocuteurs, et qui finalement trahira ses défenses. Trahira ses défenses : aussi bien en un sens (la défense prise en défaut) que dans l’autre (la structure défensive du coup révélée), ce qui se passe en ce moment, ici même, de ma part, puisqu’un protocole sur la nécessité d’improviser donne aussi une mesure de protection, un taux de protection furtive. Ne pas s’exposer trop vite, ni trop, faire durer l’excitation du plaisir par la bande magnétique (question de tape, strip, stripe), ne pas traduire trop vite en symptôme, mais on le voit bien aussi, voilà un motif ou un trait qui me serait plus propre ou qui en tout cas ne relèverait que d’un seul type, celui qui parle ne se défend, avoue, trahit qu’en exposant son système de défense ; au moins, nouvelle ruse supplémentaire, dans son principe, ou dans sa forme, ce qui retarde encore ou réserve la mise à nu la plus vulnérable, ce pour quoi le talon signe alors à blanc. Autre manière de rester exhibitionniste sur les bords. Mais qui a jamais décidé que tout cela méritait publication ou qu’aucune publication le méritait, ou plutôt qu’entre un secret et sa publication il y avait jamais quelque possibilité de code ou de taux commun en ce lieu ? (pp.55-56)
Comment relire ceci aujourd’hui sans songer aux façons dont Heidegger a lui-même façonné l’ordre de sa publication en fonction de ses stratégies sigétiques ? La guerre invisible qu’il entendait mener impliquait autant de « ruse » que de « manière de rester exhibitionniste sur les bords », en faisant un usage crapuleux de cette « publicité » qu’il professait tant abhorrer. Pourtant qui mieux que lui a su se vendre ? Derrida peut-être.
Notes:
(1) Derrida, contrairement à Deleuze, et en bon heideggerolâtre, a beaucoup de mal avec le philosophe portugais : « Alors moi, Spinoza – c’est quelqu’un à qui je n’ai jamais rien compris (…) c’est un penseur – bien qu’il soit marrane portugais comme moi- dont l’entreprise philosophique m’est la plus « étrangère possible » (in « Le dialogue de Strasbourg, op cit., p.145) Qu’il s’avoue interloqué et peu convaincu par une philosophie more geometrico n’étonnera guère, et au pire cela voudra toujours mieux que les tentatives d’accomodement de la pensée nazie avec cet auteur, comme ont pu en proposer ça et là certains auteurs comme Jean-Marie Vaysse. Mais qu’il soit son « impossible » équivaut peu ou prou à l’exécration célèbre et infantile de Deleuze à l’endroit de Wittgenstein.
(2) Ce qui n’empêche pas Derrida de chercher de temps à autre à poser lui-même quelques lacets et pièges ; il se faitmême à l’occasion belluaire, à moins qu’il ne prenne les philosophes de la tradition phallogocentrique pour des poissons ; ainsi de cet passage, où il ne semble pas trop dérangé de dire: « Telle est la question que nous avons voulu poser, au sens où l’on pose un filet, entourant une limite de tout un réseau textuel » (in « La parole soufflée », 1965)
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Articles précédents:
*Dialogue avec Stéphane Domeracki
*Droit d’inventaire des littératures inhumaines
*M.Heidegger, Winke I & II (57-59), GA, IV-101
*M.Heidegger, Vorläufiges (63-70), GA, IV-102
*Misère de la déconstruction des subsomptions
*La chute métaphysique de Marioupol
*M.Heidegger, Engänzungen und Denksplitter (GA91)
*Heidegger, punk ou Charlie Chaplin sans public ?
*Heidegger Babies : G. Granel
*Heidegger Babies: FW von Herrmann