Shrem שְׁכֶם (Sichem), ville de l’unité

Naplouse, نابلس = Shrem שְׁכֶם (Sichem)

וַיֶּאֱסֹף יְהוֹשֻׁעַ אֶת כָּל שִׁבְטֵי יִשְׂרָאֵל שְׁכֶמָה
« Josué rassembla toutes  les tribus d’Israël à Sichem »
Josué 24,1

« Abram parcourut le pays jusqu’au lieu nommé Sichem »
Genèse 12,6

C’est à Sichem qu’a eu lieu le viol de Dina la fille unique de Jacob. Sans Dina, l’histoire d’Israël ne peut pas commencer puisque sans elle, Israël n’est pas UN (e’had = 13).

« Dina est la fille charnière entre l’identité d’Israël et l’universel humain. C’est à travers elle que se fonde la treizième tribu d’Israël qui fait l’unité d’Israël mais en même temps le lien avec l’universel humain. » (Léon Ashkénazi, Vayishlah–Vayé’hi ,1984)

Dina, septième enfant de Léa et Yaakov, aurait dû être mariée à son oncle Esav pour remplacer sa mère Léa qui ne l’a pas été puisque c’est Yaakov qui l’a épousée. Ce dernier ayant caché Dina lors de la rencontre avec son frère Esav (selon ce que dit le midrash), Dina n’a pas pu se marier avec lui. Elle n’a pas pu faire ce qu’elle était destinée à faire, changer le cœur d’Esav. Dina était destinée à répandre la spiritualité d’Israël dans le pays pour que Yaakov et ses enfants puissent s’y installer paisiblement. Cela a échoué car elle a été violée par Shrem (Sichem).

Discrète dans la Torah et plus ou moins oubliée (par honte ou parce qu’elle est essentiellement femme, cachée, pudique, ou bien plutôt parce que ce qui est le plus voilé dans la Torah est en réalité ce qui est le plus important), elle a pourtant un rôle essentiel, celui de relier Israël aux Nations. Sans ce lien, sans cette réconciliation, Israël ne peut pas être Israël ; sans Dina, Yaakov ne peut pas devenir Israël.

« Or, Dina, la fille que Léa avait enfantée à Yaakov, sortit pour voir les filles du pays. » (Genèse 34,1) וַתֵּצֵא דִינָה

Lorsqu’elle sort de chez son père pour fréquenter (voir) les filles du pays, Dina est remarquée par Shrem (Sichem). Ainsi, lorsque la spiritualité juive est confrontée aux autres spiritualités, elle est remarquée par les non-juifs qui la trouvent belle et la désirent. Dina risque de se faire violer dans le sens où la spiritualité d’Israël risque d’être « volée » par des non-juifs qui la séparent de sa famille, de son père Israël. On ne peut pas aimer la spiritualité juive sans aimer Israël (le peuple juif et la Terre d’Israël). Ce serait violer, usurper l’identité profonde d’Israël. De même que Dina a été violée par Shrem, la spiritualité d’Israël a été récupérée par les Nations et dénaturée, étant coupée de sa famille (de sa source). Dina est partout et nulle part, entre deux et dans les deux. Elle est insaisissable. Elle est l’âme d’Israël, son cœur, sa spiritualité. Dina est le fondement d’Israël à partir duquel tout peut renaître.

Dina a été violée à Sichem, et Yossef a été vendu à Sichem. L’un et l’autre ont subi à Sichem l’humiliation ultime que peuvent subir un homme et une femme. « La ville de Sichem avait été offerte en présent à Dina par le seigneur de la cité, Sichem, et étant donné qu’Osnath fille de Dina était l’épouse de Joseph, la possession de cette ville lui revenait de plein droit. » (commentaire de Berechit, La voix de la Torah, Elie Munk)

Cette ville donnée à Dina est le lieu où le Messie d’Israël et de l’humanité se révèle en tant que Messie de humanité et d’Israël UN, unis, ensemble. Ce n’est pas le lieu d’où rayonne le Messie (qui est Jérusalem), c’est le lieu de l’unité entre Israël et l’humanité. C’est à cet endroit-là que toutes les Nations se tournent ensemble dans la même direction. Cette unité des Nations se passe dans le lieu qui a le même nom que celui qui a à la fois violenté et aimé l’âme d’Israël, Dina. Sichem est la part de Joseph (celui qui rassemble Israël et les Nations). Sichem est lieu (spirituel) de la connexion entre Israël et les Nations. C’est à Sichem que l’exil a commencé (Yossef vendu) et que l’exil se terminera.

C’est à Sichem que Josué convoqua l’assemblée des Tribus d’Israël, qu’il les encouragea à réaffirmer leur attachement à la Torah, et qu’elles ont reconnu le Dieu d’Israël comme étant leur Dieu. Josué 24,1 : « Josué réunit toutes les tribus d’Israël à Sichem … ». La ville de Dina, Sichem, est une ville de feu ; en hébreu, Shrem a la même gematria (360) que le mot feu. Le violeur Shrem est amoureux (d’un amour de feu) de Dina et est prêt à devenir hébreu (à être circoncis) pour se marier avec elle. Dina rend fou celui qui tombe amoureux d’elle : le fils de Hamor, Shrem éprouve envers elle de la « dvekout ». (s’attacha = תִּדְבַּק) « Son cœur (son âme) s’attacha à Dina fille de Yaakov, il aima la jeune fille, et parla au cœur de la jeune fille. » Genèse 34,3 (traduction Chouraqui : « Son être colle à Dina »). Habituellement ce verbe ne concerne que l’amour maximum (passionné) que l’on peut éprouver envers HaChem (la « dvekout » des mystiques). C’est pour un homme envers une femme un sentiment excessif, une sorte de maladie d’amour. C’est ce sentiment que suscite Dina. Sichem est attaché ou en quelque sorte « enchaîné » à Dina. Et pourtant, avant de l’aimer, Sichem a violé son corps, il a été violent avec elle, brutal (comme l’ont été les Chrétiens avec l’âme d’Israël). Ensuite le violeur tombe amoureux de la violée. L’agresseur aime sa victime. Sa victime prend le dessus. Et peut-être qu’elle aussi aime celui qui l’a brutalisée ?

Dina et Shrem ont eu ensemble une fille, Osnath, qui est l’épouse de Yossef et par conséquent la mère d’Ephraïm de qui provient Josué. Josué descend donc de Dina et Shrem ! Pour qu’advienne la royauté du fils de David à Jérusalem il faut auparavant qu’advienne la « vice-royauté » ou « première royauté » du fils de Yossef à Sichem. Ephraïm, le petit-fils de Dina est celui qui a pour symbole le poisson (il « poissonne », se répand dans l’océan), il est celui qui unifie toute l’humanité dans une même spiritualité.

Aujourd’hui Israël en tant que spiritualité a commencé à sortir : וַתֵּצֵא דִינָה « Dina est sortie » (Genèse 34,1) Enfin la spiritualité, l’âme, l’esprit d’Israël sort ! Et nous, comme Shrem, nous l’aimons : « Son âme s’attacha à Dina fille de Jacob, il aima la jeune fille, et parla au cœur de la jeune fille. » (Genèse 34,3) La nouvelle relation entre Shrem et Dina est une relation qui répare ce viol, qui guérit de cette fusion brutale (manger l’autre). La relation entre Shrem et Dina ne peut qu’être chaste ou néfaste. S’il y a projet de mariage, cela ne peut se réaliser que dans une extrême délicatesse, lenteur et prudence et dans le cadre de la Torah.

Le Baal Chem Tov dit qu’il n’y aura qu’un seul Messie qui portera en lui les deux structures, avec une âme (essence) de type Yossef, dans le corps de Yéhouda. C’est Dina qui réalise cette union entre Yessod et Mal’hout, entre le masculin et le féminin. C’est Dina qui spiritualise la matérialité de Yossef, et lui apporte la part féminine qui lui manque. Dina est le « hé » (ה) ajouté au nom de Yossef dans le Psaume 81,6 : « c’est un témoignage qu’il établit dans Yhossef (יהוֹסֵף) quand il marcha contre l’Egypte. ». Le Messie est l’union féminin/masculin et l’être qui en découle. Le Messie est l’amour entre deux frères ou entre un homme et une femme. La personnification de l’amour est « « La Femme, הָאִשָׁה.

Aujourd’hui de plus en plus de Goyim se situent entre l’amour des Israéliens et l’amour des Palestiniens (comme les Samaritains). Cette situation est inconfortable, certes, mais c’est leur identité. Une identité dans le désert. Une identité en chemin, en marche, à dos de chameau. Une tente, mais pas une maison. Ce n’est pas une identité figée, c’est plutôt une identité en germe, une identité cachée. Nous nous sentons « enfants de Dina » de la même manière qu’il y a les Bnei Adam, les Bnei Noah, les Bnei Israël, les Bnei Manashé, les Bnei Dan, les Bnei Yossef, les Bnei David…, il y a aussi les Bnei Dina.

Dina incarne la dimension féminine du Messie. Elle représente la 13ème tribu, LA femme (en plus des deux hommes). C’est la tribu qui « envahit » (conquiert, séduit) toute l’humanité tandis que les 12 autres tribus ne concernent que Israël. Israël est « femme », récepteur (l’épouse du Cantique des cantiques) par rapport à HaChem, et émetteur (homme) par rapport à la 13ème tribu qui est « la Femme » (réceptivité). Mais en même temps cette tribu cachée à l’intérieur de l’humanité est aussi émettrice, elle diffuse le parfum du Messie, le parfum d’Israël (comme Rahav qui était vendeuse de parfums).

Grâce à Dina, le Dieu d’Israël peut petit à petit devenir le Dieu de toute l’humanité, chacun gardant sa religion et son identité propre. Dina porte en elle une part de la flamme messianique de Yossef. Aujourd’hui, serions-nous dans « le temps de Dina » ?

à propos de l'auteur
Passionné de judaïsme et d'Israël, Pierre Orsey est né en 1971 et habite près d’Avignon.
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