La Mort de l’Auteur

Roland Barthes
Roland Barthes

Tandis que viennent d’être publiées la Revue Roland Barthes, n° 6 : « Barthes et les photographes » (Rodrigo Fontanari & Magali Nachtergael, dir.) et les Figures du Neutre, Benjamin Leymarie, historien et marchand d’art, analyse comment le sémiologue proclame la mort de l’Auteur pour défendre un point de vue structuraliste du texte littéraire, dans « La mort de l’auteur », publié en 1968, rééd. dans Le bruissement de la langue, Point Essais, 1984.

Roland Barthes, sémiologue français, est le chef de file du structuralisme, ou post- structuralisme, doctrine pouvant être définie comme un enjeu de pensée interdisciplinaire fondé sur le concept de structure. Il s’agit bien là d’une philosophie à part entière, la figure de Merleau-Ponty en témoigne. Il s’agit également d’un espoir, celui d’une unité des travaux en sciences humaines, voire d’une recomposition majeure de tous les savoirs. C’est ce que Ferdinand de Saussure appelle dans son Cours de linguistique générale, « une science des signes au sein de la vie sociale » (1). Roland Barthes occupe la chaire de sémiologie au Collège de France de 1977 à 1980.

« La mort de l’auteur » (2), est publié en 1968 dans la revue littéraire Manteia (prédiction, oracle) à la suite d’un texte de Francis Ponge, « Deux récents manifestes indirects. » (3)

L’année 1969 voit la parution d’un article de Michel Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur? » (4), transcription d’une conférence donnée à la Société Française de Philosophie. Ces deux articles fondent dès lors la théorie littéraire des années soixante-dix, diffusée sous le nom de post-structuralisme ou déconstruction, plus actuel. Les notions principales sont l’intention, la signature, la propriété, le droit d’auteur.

Réédité en 1984 dans le recueil posthume Le bruissement de la langue, « La mort de l’auteur » vient après un court texte, « Accordons la liberté de tracer » et s’intègre en préambule d’une partie intitulée « De l’oeuvre au texte », titre d’autant plus évocateur qu’il désigne et résume le propos et l’intérêt de l’article étudié.

Par ailleurs, et pour suivre l’essence de la démonstration barthesienne, le commentaire de ce texte s’attachera à suivre scrupuleusement sa structure, voire son écoulement. De fait, une autre voie apparaitrait à ce titre rapidement comme une gymnastique sans fondement tant chaque argument avancé puise sa source dans le précèdent.

Passage de l’oeuvre au texte, de l’auteur au scripteur, de la littérature à l’écriture, clés de voûte de la démonstration, s’articulent en deux temps correspondant à l’obsolescence de la vision autoriale de l’Oeuvre d’une part et au renouveau de l’écriture par la lecture du texte d’autre part. Ainsi peut-on rassembler, sans trahir la pensée barthesienne, l’idée générale du texte, qui suscite une question simple : comment Roland Barthes en vient-il à proclamer la mort de l’Auteur pour défendre un point de vue structuraliste du texte littéraire?

L’obsolescence de la vision autoriale de l’oeuvre est abordée en trois temps successifs. Un premier temps est celui de l’exposition d’un paradigme de l’intention littéraire : l’impossibilité de connaitre celle-ci faisant surgir, positivement, une définition de l’écriture. Un deuxième temps, consacré à l’histoire de la notion d’auteur étend sa voilure depuis les sociétés ethnographiques vers l’émergence de l’individuation de la figure autoriale. Une troisième partie expose la portée contemporaine, étudie le ou les champs d’application de l’auteur constitué pour en montrer ou plutôt en dénoncer les répercussions culturelles.

L’exposition du paradigme de l’intention littéraire prend corps dans la monstration de son impossibilité à être connue ; Barthes cite la nouvelle Sarrasine de Balzac : « C’était la femme, avec ses peurs soudaines, ses caprices sans raison, ses troubles instinctifs, ses audaces sans cause, ses bravades et sa délicieuse finesse de sentiments. »(5) S’ensuit une question : « Qui parle ainsi? » (§1l.5) Le constat est alors fait de l’impossibilité de le savoir, « l’écriture est destruction de toute voix, de toute origine » (p.61§1l.11), en effet, il est tout à fait permis d’imaginer différents locuteurs possibles, du héros de la nouvelle à Balzac – individu ou auteur – témoin ou artisan de la « psychologie romantique » (§1l.10) ou de la « sagesse universelle » (§1l.9).

De ce constat, Barthes fait découler une définition de l’écriture. Ce début de deuxième chapitre mérite une attention particulièrement soutenue pour être le lieu de délimitation de la démonstration, aussi est-il nécessaire de reproduire ledit passage in extenso : « Sans doute en a-t-il toujours été ainsi : dès qu’un fait est raconté à des fins intransitives, et non plus pour agir directement sur le réel, c’est-à-dire finalement hors de toute fonction autre que l’exercice même du symbole, ce décrochage se produit, la voix perd son origine, l’auteur entre dans sa propre mort, l’écriture commence. » (§2l.15-20). Si on se réfère à la grammaire, un verbe transitif est un verbe qui appelle un complément, un verbe orienté vers un but pourrait-on dire ; dans la formule barthesienne, un fait raconté « à des fins intransitives » apparait dès lors comme dénué de finalité précise, dans l’horizon du « réel » pour le moins. Cet hors-réel, ce « raconté » que vise Barthes constitue sans doute moins une limite qu’un cadre à la démonstration, néanmoins, celle-ci ne saurait s’appliquer dès lors aux textes sujets à interprétation téléologique, ce qui semble exclure toute publication scientifique, au sens le plus large du terme. Cette délimitation restreint drastiquement le propos du texte à l’espèce fustigée : l’Oeuvre littéraire, qui n’est définie qu’en creux comme étant celle « hors de toute fonction autre que l’exercice même du symbole », celle où « la voix perd son origine », celle où l’intention littéraire peut disparaitre.Une ultime remarque concernant cette délimitation est d’évoquer la correspondance entre les arts que l’historien de l’art cherchera dans la théorie de ce texte ; le fait de circonscrire le sujet à l’oeuvre littéraire permet une lecture comparée moins sujette à caution, mais spéculer sur l’intention littéraire de Barthes nécessiterait de s’éloigner par trop de la lettre du texte.

Le deuxième mouvement du texte, consacré à l’émergence de la notion d’auteur individué expose une remise en perspective historique des modes narratifs.

L’histoire de la notion d’auteur est abordée par celle des « sociétés ethnographiques » (§2l.21) dont la prise en charge du « récit » (§2l.21) est assurée par un « médiateur, shaman ou récitant » (§2l.22) qui performe mais ne crée pas. Cette description d’une re-transmission orale pourrait sans doute être assimilée au travail du copiste dans la mesure où elle élude tout à fait la personne qui transmet le contenu narratif.

La figure de l’auteur, émergeant « au sortir du Moyen Age »(§2l.26) est alors présentée au carrefour de l’empirisme anglais, du rationalisme français et du positivisme, prenant pied dans la découverte du « prestige de l’individu » (p.62§2l.2) logiquement induite par ces doctrines de l’expérience.

La personne de l’auteur ainsi constitué est portée aux nues, Roland Barthes s’attache alors à montrer les territoires conquis et les répercussions sur la « culture courante » (§2l. 11).

Corroborant la délimitation du propos évoquée, le champ d’application de la figure autoriale est présentée à l’aune de la littérature sujette à faire oeuvre. Le « règne » (§2l.7) de l’auteur trouve ainsi occurence dans « les manuels d’histoire littéraire, les biographies d’écrivains, les interviews des magazines » (§2l.7) et jusque dans « la conscience même des littérateurs » (§2l.8) dont Barthes critique sans doute, ironiquement, le manque de conscience ou d’honnêteté intellectuelle, assurément le peu de génie quand ceux-ci se contentent « de joindre, grâce à leur journal intime, leur personne et leur oeuvre » (§2l.9). On connait à ce titre le point de vue particulièrement réfractaire de Barthes quant à la forme du journal intime, dont il usera pourtant, comme le signale Eric Marty dans son ouvrage, Roland Barthes, la littérature et le droit à la mort. (6)
Dès lors, ce centrage sur la personne de l’auteur est montré comme la cause d’une culture courante oublieuse du véritable génie pour y préférer le spectaculaire, l’artifice, l’accessoire. Il s’agit ainsi de montrer l’effacement de l’oeuvre de Baudelaire, Van Gogh ou Tchaïkowski derrière l’échec de l’homme, sa folie ou son vice ; comme si une oeuvre ne pouvait s’expliquer qu’à la lumière d’éléments biographiques découverts dans l’obscénité de ce qui semble être une « confidence » (§2l.19).

Le renouveau de l’écriture par la lecture du texte obéit également à trois temps distincts. Le premier temps est celui du passage de la notion d’auteur à celle de scripteur, d’une « préhistoire de la modernité » (p.63§3l.19) à l’anéantissement de l’Auteur. Un deuxième temps concerne l’étude du texte moderne, envisagé comme le renoncement à la littérature au profit de l’écriture, affranchie de la critique traditionnelle. Le troisième temps, consacré à la lecture montre comment celle-ci unifie les sens du texte où l’auteur disparu voit la naissance du lecteur.

La conversion de l’auteur en scripteur trouve son origine pour Roland Barthes dans une « préhistoire de la modernité » où s’inscrivent Mallarmé, Valéry, Proust, le surréalisme et la linguistique. Concession faite à la puissance toujours actuelle de « l’empire de l’Auteur » (§3l.20), Barthes admet les tentatives de certains auteurs, dont il se réclame, à l’instar de Mallarmé, de saper cette omnipotence. En effet, Barthes explique que Mallarmé, « sans doute le premier » (§3l.23) a été l’artisan de la substitution du langage « à celui qui jusque-là était censé en être le propriétaire », c’est à dire l’auteur. Cette prééminence du langage, donc du texte doit passer par une « impersonnalité préalable » (§3l.27) qui doit laisser le moi de l’écrivain de côté au profit d’un langage agissant, qui « performe » (§3l.30) : « supprimer l’auteur au profit de l’écriture » (§3l.31). La mort de l’auteur annoncée trouve ici sa première occurrence textuelle. Pour Valéry, « tout recours à l’intériorité de l’écrivain [lui] paraissait pure superstition » (p.63§3l.3), la littérature étant pour lui « essentiellement verbale » (§3l.2). La lecture barthesienne de Proust, saisissante, est celle d’un écrivain qui, « au lieu de mettre sa vie dans son roman […] fit de sa vie même une oeuvre dont son propre livre fut comme le modèle. » (§3l.13) Ce « rapport d’antécédence » (§4l.14) du livre sur l’écrivain va au-delà des espérances de Barthes qui milite dans le quatrième paragraphe pour une concomitante maïeutique. Le surréalisme milite également dans la même direction dans sa dimension déconstructrice de tout système, donc du langage, par le procédé de l’écriture automatique notamment ; plus, les surréalistes expérimentent l’écriture à plusieurs et, – en théorie – désacralisent ainsi « l’image de l’Auteur » (§3l.30). A ce titre, le principe de groupe a sans doute été générateur d’ « étoiles inconnues » (7) par la prééminence d’égos qualifiés – ceux de Breton et Bataille pour ne pas les citer – plus que d’effacement des individualités au profit de l’écriture. Concernant la linguistique, Barthes s’attache à montrer que « l’énonciation dans son entier est un processus vide, qui fonctionne parfaitement sans qu’il soit nécessaire de le remplir par la personne des interlocuteurs » (§3l.33) où « l’auteur n’est jamais rien de plus que celui qui écrit » (§3l.36).
L’anéantissement de l’auteur, ou son « éloignement » (p.64§4l.3) initial se réalise dans le texte moderne où, « à tous ses niveaux, l’auteur s’absente » (§4l.8) et ce pour une raison tenant à une nouvelle conception de l’écriture fondée sur l’absence d’antériorité du scripteur moderne sur le texte qu’il produit. De fait, le scripteur moderne « nait en même temps que son texte » (§4l.16). Le temps, au coeur de l’argumentation, est désormais celui de l’énonciation, « tout texte est écrit éternellement ici et maintenant » (§4l.20). A ce titre, le parallèle est fait entre l’action d’écrire et la forme verbale performative (à la première personne et au présent exclusivement) dans laquelle l’énonciation n’a d’autre contenu que l’acte par lequel elle se profère, à l’instar du Je déclare des rois. Ainsi, Barthes affirme que « le scripteur moderne, ayant enterré l’Auteur » (§4l.29) connait désormais une écriture détachée de toute origine sinon le langage lui-même, « c’est-à-dire cela même qui sans cesse remet en cause toute origine. » (p.65§4l.1).

Cette argumentation, à la frontière du syllogisme, permet d’établir la réalité du texte moderne, lieu de renoncement de la littérature au profit de l’écriture, écriture désormais affranchie d’une critique devenue obsolète.
La théorie barthesienne du texte moderne, cette mise en avant de l’écriture au détriment de la littérature trouve ses fondements dans une polysémie textuelle, se faisant, le scripteur moderne se trouve dans une recitation perpétuelle du matériau, pratiquant un art de la combinatoire. Le texte apparait ainsi comme « un tissu de citations, issues de mille foyers de la culture » (§5l.7) et l’écrivain a pour « seul pouvoir […] de mêler les écritures » (§5l.12). Citant Baudelaire, Barthes narre l’histoire de Thomas de Quincey qui traduisait en grec ancien des images absolument modernes à l’aide d’un dictionnaire de sa conception extrêmement complexe et étendu. Ainsi, « le scripteur n’a plus en lui passions, humeurs, sentiments, impressions, mais cet immense dictionnaire où il puise une écriture qui ne peut connaître aucun arrêt » (§5l.24).

Le primat de la critique traditionnelle qui cherche à « découvrir l’Auteur […] sous l’oeuvre » (§6l.34), – découverte jusqu’alors suffisante pour expliquer le texte – s’estompe à mesure que l’auteur disparait. Le « cran d’arrêt », le « signifié dernier » (§6l.31) de l’attribution d’un auteur à un texte n’a plus de réalité dans « l’écriture multiple » où tout dès lors « est à démêler, mais rien n’est à déchiffrer »(p.66§6l.6).

Une lecture comparée de ce point précis est possible : cette identification de l’auteur qui aurait pour conséquence de « fermer l’écriture » pour lui attribuer un sens restreint se retrouve on ne peut plus évidente dans la situation du spectateur de musée s’écriant dans un soupir d’accomplissement – se contentant de l’identifiable et oubliant jusqu’au visible – de reconnaitre l’artiste. Par ailleurs, Roland Barthes file la métaphore théologique de l’Auteur-Dieu au texte univoque pour montrer que refuser « d’assigner au texte (et au monde comme texte) un secret, c’est-à-dire un sens ultime, libère une activité que l’on pourrait appeler contre-théologique, proprement révolutionnaire, car refuser d’arrêter le sens, c’est finalement refuser Dieu et ses hypostases, la raison, la science, la loi » (§6l. 13). On note à ce titre que ce combat barthesien contre Dieu, la raison, la science et la loi correspond tout à fait à la délimitation du sujet qui exclut du débat tous les textes soumis à un interprétation téléologique : les écrits religieux, scientifiques (et juridiques, à les différencier).

S’il n’y a « rien d’étonnant à ce que, historiquement, le règne de l’Auteur ait été aussi celui du Critique » (§6l.3), montrer la polysémie textuelle a permis à Roland Barthes de destituer l’un et l’autre. Aussi, la dernière partie, en l’espèce le dernier chapitre du texte, s’attache à unifier cette pluralité de sens inhérent au texte dans l’espace de la lecture où siège le nouvel homme de la littérature : le lecteur.

Dans un mouvement de circularité du texte, Barthes revient à l’exemple initial de la phrase de Balzac pour énoncer l’accomplissement de la démonstration : « Personne (c’est-à-dire aucune « personne ») ne la dit : sa source, sa voix n’est pas le vrai lieu de l’écriture, c’est la lecture. » (§7l.18) En effet, le vrai lieu de l’écriture est la lecture car celle-ci est le lieu d’unification des sens de celle-là. La démonstration atteint son climax par un exemple particulièrement probant, celui de la tragédie grecque, où le texte, « tissé de mots à sens double » (§7l.23) est compris unilatéralement par chaque personnage, générant un malentendu que seul l’auditeur peut « démêler », pour entendre chaque mot « dans sa duplicité » (§7l.26). La multiplicité des sens se rassemble en un lieu, « et ce lieu, ce n’est pas l’auteur, comme on l’a dit jusqu’à présent, c’est le lecteur : le lecteur est l’espace où s’inscrivent, sans qu’aucune ne se perde, toutes les citations dont est faite une écriture » (§7l.22). Ainsi, Roland Barthes oppose à l’écriture, « destruction de toute voix, de toute origine » (§1l.11), l’unité du texte retrouvée « dans sa destination » (§7l.36) : le lecteur ; lecteur présenté comme « un homme sans histoire, sans biographie, sans psychologie » (p.67§7l.1) pour mieux appuyer la dépersonnalisation de l’écriture dès lors qu’elle réside dans le lecteur. On imagine ici très clairement que Barthes écarte l’écueil catastrophique que constituerait le fait de lui opposer une ré-individuation du texte par un Lecteur qui écrirait son propre texte lors d’une lecture qui ne saisirait qu’un des rayons du spectre polysémique du texte, celui qui apparaitrait précisément à la lumière de son histoire, de sa biographie, de sa psychologie.

La revendication finale du texte, dénonciation de la « critique classique »(§7l.7) pour qui « il n’y a pas d’autre homme dans la littérature que celui qui écrit » (§7l.8) trouve ainsi force – et vertu – dans le renversement d’un mythe : « la naissance du lecteur doit se payer de la mort de l’Auteur. »

En conclusion, plusieurs remarques peuvent être formulées.

De fait, la théorie barthesienne est de concevoir la capacité du lecteur à tenir « rassemblées dans un même champ toutes les traces dont est constitué l’écrit ». La question qui se pose à ce stade est la suivante : si on peut difficilement réfuter la polysémie textuelle, il semble plus discutable le fait que le lecteur rassemble, unifie les sens – sans en oublier – et on peut se demander si la lecture n’est pas certes un moment d’écriture, au sens barthesien, mais aussi, en ce sens, un moment d’interprétation indissociable de la personne du Lecteur. A ce titre, on remarque que refuser la personnalité, ou l’historicité du lecteur empêcherait sans doute dans une certaine mesure l’actualisation d’un texte, ou ce que l’on pourrait appeler une lecture contemporaine.

Par ailleurs, et dans une approche propre à l’historien de l’art, on peut noter assez simplement que « La mort de l’auteur » pose la question de savoir si et à quel moment l’oeuvre échappe à l’artiste.

En outre s’il est peu aisé de saisir les limites que le texte porte en lui, on remarque que rares sont les oeuvres que la « culture courante » connait plus que leurs auteurs, à exclure la Joconde, Le déjeuner sur l’herbe, certains bâtiments et un grand nombre de productions cinématographiques.

Enfin, et pour faire le lien avec la première remarque, certains ouvrages comme Postproduction de Nicolas Bourriaud font droit à une forme d’historicité du lecteur, ou du regardeur, qui, au-delà de la traditionnelle citation de Marcel Duchamp (« ce sont les regardeurs qui font les tableaux ») évoque une culture de l’usage « que l’on pourrait se hasarder à nommer communisme formel. » (8)

Notes:
(1) Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale [1916], Paris, Editions Payot, 1975
(2) Roland Barthes, « La mort de l’auteur », Manteia n°5 (1968), p.12-17
(3) Francis Ponge, « « Deux récents manifestes indirects », Manteia n°5, op. cit. (1968), p.7-11
(4) Michel Foucault, Qu’est-ce qu’un auteur? Séance du samedi 22 février 1969, Paris, Armand Colin, 1970
(5) Honoré de Balzac, Sarrasine [1830], Paris, Editions Allia, 2000
(6) Eric Marty, Roland Barthes, la littérature et le droit à la mort [conférence prononcée le 9 février 2010 au Collège de France], Paris, Seuil, 2010
(7) Christian Limousin, « Boiffard », dans Georges Bataille et Raymond Queneau, 1930-1940, Billom, Salle Saint Loup, 1982, p.12
(8) Nicolas Bourriaud, Postproduction, Paris, Les presses du réel, 2009

à propos de l'auteur
Alexandre Gilbert, directeur de la galerie Chappe écrit pour le Times of Israël, et LIRE Magazine Littéraire.
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