The Sefwoman : « les vrais super-héros, ce sont nos soldats »

Sefwoman
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Virginie Guedj, alias Sefwoman est une super-héroïne ayant évolué dans l’univers Jewpop, créé par le scénariste Alain Granat. Le personnage de fiction apparaît pour la première fois le 29 janvier 2013. Elle vivrait actuellement en Israël.

Tu as fais ton Aliyah après l’attentat de l’école juive de Toulouse et dit il y a huit jours sur Facebook que tu allais rester, tu le penses encore ?
Virginie Guedj: Oui. J’y vis depuis 10 ans. Mes deux filles sont arrivées ici à l’âge de 5 ans et 5 mois. Israël c’est leur pays, leur langue, leur musique, leurs amis, leur monde. Elles sont ancrées en Israël. Moi je suis venue ici en faisant une sorte de placement pour l’avenir pour elles. De ce point de vue là c’est réussi. Concernant la question de rester, Il n’y a plus de débat pour elles. Avant le 7 octobre, il subsistait un questionnement intérieur, entre moi et moi. Pour le moment ce questionnement s’est tu parce que franchement on a autre chose à penser. Faire l’alyah c’est comme une histoire d’amour, vous avez toujours des moments où vous vous demandez ce que vous êtes pour l’autre et ce que l’autre est pour vous. En ce moment, cette question n’existe pas.

Vous étiez où avec les tiens le matin du 7 octobre ?
Virginie Guedj: J’étais seule chez moi. Ma grande était à un Chabbat organisé au bnei Akiva. La petite chez un cousin de son père à Hadera. Ce sont les messages insistants de mes amis en France qui m’ont alertée. J’étais en mode café, petit fond sonore musical et lecture de La prochaine fois tu mordras la poussière, de Panayotis Pascot. Je me suis retrouvée devant la télévision israélienne et oui, j’ai eu peur. Peur parce que je ne pouvais pas joindre mes filles, peur parce que je me disais qu’une grande partie du pays ne savait pas ce qui se passait à cause de Chabbat et Simha Torah.

Le monde s’écroule depuis la fin de Jewpop, Zemmour se prend pour De Gaulle, Poutine pour Staline et le Hamas pour Daesh, c’est le Coronavirus (Covid-19) et le confinement qui a provoqué ces états de dissociations aggravés chez tous ces gens ?
Virginie Guedj: Le hamas n’a pas attendu le 7 octobre 2023 pour se prendre pour Daesch. Pour le reste je t’avoue que je ne sais pas. C’est peut être l’âge mais oui, j’ai l’impression que le monde ne tourne pas rond. Plus j’avance, plus je lis, plus je m’informe et moins je comprends ce qui se passe. Et si finalement, il fallait arrêter de comprendre et juste se fier à son instinct, en l’occurrence son instinct de survie.

Tu as écrit avoir du mal à trouver ta place dans cette société israélienne très polarisée. N’y-a-t-il pas un resserrement des liens depuis quelques jours ?
Virginie Guedj: Indubitablement. Nous nous sommes beaucoup déchirés ces derniers mois. La réforme judiciaire, le résultat des élections, les laïcs versus les religieux. Ces attentats ont touché tout le pays sans distinction. Les victimes n’ont pas de couleur politique. Les soldats appelés sont issus de tous les milieux. Dans l’adversité, on retrouve notre dénominateur commun, notre adn, et la nécessité impérieuse, vitale de ne faire qu’un.

Tu parles de « malheur, sidération ou effroi », d’autres de « pogroms » et certains d’un scénario à la Oradour-sur-Glane. Tu en penses quoi ?

Virginie Guedj: Les comparaisons c’est toujours casse-gueule et puis c’est stérile. On peut discuter pendant des jours de telles ou telles références à un épisode historique. Moi je n’ai pas la force. Israël n’a jamais connu ça dans l’ampleur, l’intensité de l’attaque et son bilan. En vrai, rien n’est comparable à ce qui s’est passé le 7 octobre 2023. On peut évidemment parler de la Shoah mais même là, je trouve que ça n’est pas pertinent. Israël existe depuis 75 ans, on aurait jamais imaginé de telle chose sur le territoire israélien.

Tu es déçue du manque de solidarité de la France ?
Virginie Guedj: La France c’est quoi, le gouvernement, les gens. Globalement, je trouve que les médias ont pris la mesure de la catastrophe qui a frappé le pays. Presse, télé, radio. Je crois que la France sait depuis les attentats du 13 novembre et Nice, ce que sont les tueries de masse terroristes. Je reçois énormément de messages de soutien d’amis français non-juifs. Arnaud, Romy, Renaud, Christophe, Céline, Loic, je ne vais pas tous les citer…. Après, maintenant que Tsahal va riposter sur la bande de Gaza, on sent déjà que le discours change. C’est comme ça. On a l’habitude, le dos large. D’abord, on est déçu quand on attend quelque chose. Moi je n’attends rien.

La Magen David sur la Tour Eiffel, on en dit quoi ?
Virginie Guedj: On dit que c’est bien. Enfin moi je dis que c’est bien. Après ça ne résout rien mais sur le coup ça fait plaisir et en ces temps difficiles c’est bon à prendre. Par contre, je suis toujours très très émue quand je vois à Berlin, la Porte de Brandebourg aux couleurs de l’État d’Israël. Ce qui me gêne plus c’est le silence de certaines personnalités. Mais comme on dit pas chez nous, D.ieu reconnaîtra les siens. Cette indignation à géométrie variable me débecte. Le problème c’est que si je vais au bout de ma logique et que je boycotte tous ceux qui se taisent – chanteurs, journalistes, humoristes, acteurs, auteurs, je vais m’emmerder ferme.

Parmi les évènements de la rentrée, il va aussi y avoir deux biopics importants Golda Meir par Helen Mirren et Marco Mouly par Ramzy, tu choisis lequel ?
Virginie Guedj: Écoute, ici c’est l’état d’urgence donc le cinéma c’est raté. Je pencherai plus pour le biopic de Golda Meir. Marco Mouly, il me soule, non il me sur-saoule voire au-delà. Le mec s’est auto-proclamé expert de tout et de rien. Franchement quand je le vois parler à la télé, je suis en PLS. J’ai honte et hâte que ça se termine.

Tu dis sinon qu’à côté de certains témoignages poignants, Gal Gadot, est un « playmobil dans un verre d’eau ». Soit dit en passant elle t’aurait pas complètement trollé ton statut de « Jewish Wonder Woman » à un moment donné celle-là ?
Virginie Guedj: T’es dingue. Gal Gadot c’est l’héroïne de ma fille. Touche pas à Gal Gadot. En vrai, les super-héros, ce sont nos soldats, leurs familles. Les super-héros se sont les rescapés de ces massacres, les familles des otages dont on est sans nouvelle. Les super-héros, ce sont les hommes non-mobilisés qui organisent des collectes, des rapatriements de familles du sud, les femmes qui prient, qui cuisinent, qui réunissent des vêtements pour les personnes qui n’ont plus rien, et ce, sans compter. Les super-héros sont partout. Même le type de la makolet en bas de mon bureau qui me fait mon café afoukh le matin est un super héros. Tous les matins, il me dit “avec l’aide de D. ça va aller”. Je réponds : “Amen”. Ce peuple résilient me bouleverse, m’impressionne. Je me demande juste si je suis à son niveau.

à propos de l'auteur
Alexandre Gilbert, directeur de la galerie Chappe écrit pour le Times of Israël, et LIRE Magazine Littéraire.
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