Principales critiques des sionistes de droite et d’extrême droite contre la création d’un État palestinien
Le présent article traite des principales critiques des partis israéliens allant du centre à l’extrême droite sioniste. Il fait suite à la présentation dans mon blog du Times Of Israel des critiques de la Knesset à l’encontre de la création d’un État palestinien. Je ne présenterai pas les critiques des colons messianiques car on ne pourrait avoir de dialogue rationnel et constructif contre des arguments bibliques. Ma critique représente le point de vue d’un sioniste libéral qui soutient la Solution à deux États (SDE).
1. « La solution à deux États manque de réalisme. Comment, en effet, transférer les quelques 500 000 colons de Cisjordanie et les quelques 200 000 de Jérusalem-Est sans créer une guerre civile ? »
Cette question est en fait la plus complexe à résoudre du conflit israélo-palestinien. Le transfert forcé en 2005 de 8 500 colons religieux extrémistes de Gaza a été en effet une entreprise difficile mais réussie, même si elle a renforcé la montée de l’extrême droite messianique. Qu’en serait-il des 700 000 ? Aujourd’hui, de nombreux colons sont armés et un bon nombre de soldats et officiers de Tsahal originaires des territoires occupés sont des partisans des colons extrémistes. Comment leur demander d’évacuer leur propre famille ou leurs voisins des colonies de peuplement ? Ce n’est pas évident.
Il faudra aussi compter sur les rabbins sionistes extrémistes pour inciter les soldats à refuser des ordres de l’armée, voire à s’y opposer, cette terre étant, à leurs yeux, la propriété du peuple juif, un don divin que nul ne saurait rétrocéder. Le Premier ministre qui voudra prendre la décision d’évacuer ces territoires sera confronté à un véritable cauchemar, mettant son existence même en danger, tout comme Yitzhak Rabin.
Selon Shaul Arieli[1], un expert et universitaire israélien impliqué dans les négociations de paix en 2000 et 2007, une frontière optimale entre Israël et la Palestine basée sur des échanges de terres sur une échelle de quatre pour cent, laissant environ 80% des Israéliens qui vivent près de la frontière internationale pré-1967, au-delà de la Ligne verte sous souveraineté israélienne, est réalisable. Cela inclurait les lieux saints juifs et les quartiers à majorité juive de Jérusalem-Est, ainsi que les kibboutz le long de la frontière avec Gaza. Les 20% restants des colons dispersés dans des petites collectivités en Cisjordanie, soit environ 90 000 personnes, devraient choisir entre s’installer en Israël grâce à de généreuses incitations, ou vivre sous un gouvernement palestinien souverain.
Il est hautement probable que les colons messianiques qui représentent la grande majorité des colons en dehors des grands blocs s’opposeront violemment à toute tentative de les expulser. Seul un gouvernement israélien soutenu par une forte majorité de la population, dont une majorité de Juifs, serait capable de recourir à la force pour expulser les colons. Hélas, on est loin de cette situation.
2. « Netanyahu prétend qu’un accord de normalisation avec l’Arabie saoudite est possible sans s’engager à reconnaître un État palestinien. Est-ce possible ? »
Avant l’attaque du 7 octobre, Israël avait engagé des discussions préliminaires avec l’Arabie saoudite par l’entremise des États-Unis (EU) basées sur la promesse qu’Israël s’engagerait dans un processus vague de reconnaissance d’un État palestinien. L’AP participait aussi à ces discussions ; un retournement, elle qui s’était opposée aux Accords d’Abraham en 2020. L’Arabie saoudite espérait en retour un accord de défense avec les EU et l’accès à sa technologie nucléaire civile. La guerre à Gaza ne semble pas avoir découragé l’Arabie saoudite, selon les officiels américains.
Un tel accord avec Israël ouvrirait la voie à la normalisation entre Israël et la majorité des pays musulmans modérés, une coopération sécuritaire plus affirmée entre Israël, les États-Unis et les pays arabes modérés de la région, y compris le nouvel État palestinien, et l’isolement accru de l’Iran. Étant donné que la guerre à Gaza empêche toute poursuite des discussions avec Israël, une future administration démocrate ou Trump pourrait réinitier les discussions en 2025.
Tant que le Hamas survivra comme force politique et militaire, il sera impossible de faire bouger un gouvernement israélien, qu’il soit de droite ou du centre. Même des sanctions ne feront pas bouger Israël, à moins que ces sanctions ne soient militaires, sévères, et imposées par les EU, ce qui est improbable à court terme. Notons que les présidents des EU, tant démocrates que républicains, ont voté depuis le président Truman de nombreuses résolutions au Conseil de sécurité condamnant Israël, et appliqué des sanctions militaires qui se sont avérées efficaces, en forçant un changement significatif d’attitude d’Israël.
3. « ‘La gestion du conflit’, et donc du statu quo, est préférable à toute solution politique. »
La gestion du conflit n’a pas apporté la sécurité aux Israéliens. Au lieu de cela, elle a provoqué plusieurs guerres à Gaza, y compris le plus grand pogrome depuis la Shoah, et une recrudescence de la violence en Cisjordanie.
Israël n’a jamais été aussi isolé au plan international suite à la guerre à Gaza et aux accusations de la CIJ et de la CPI. Israël et ses dirigeants sont aussi vilipendés dans les médias occidentaux et les manifestations monstres avec pour effet des actions violentes antisionistes et antisémites dans le monde. De nombreux États amis d’Israël, y compris les États-Unis, ont imposé toute sorte d’embargo sur les armes. Pour la première fois, de nombreux colons, colonies, et militaires, ont été sanctionnés par les États-Unis, l’UE ou le Canada.
Malgré ces critiques sévères et violentes, voire haineuses, pour la plupart des Israéliens, le statu quo est préférable en tant que scénario à faible risque, car ils ne souhaitent pas prendre le risque plus élevé d’une SDE.
Gérer le conflit n’est plus une option viable. Israël et les Palestiniens ont besoin de dirigeants courageux, visionnaires, et pragmatiques, pour parvenir à une solution basée sur des compromis douloureux, tout en préservant les intérêts sécuritaires d’Israël et en offrant aux Palestiniens dignité, sécurité et droit à l’auto-détermination. Cette solution, aujourd’hui moins risquée si le Hamas est mis hors-jeu, ne se fera pas demain et sans difficulté, mais il existe un créneau ; des occasions sur lequel les amis d’Israël et des Palestiniens devront travailler.
4. « Après le 7 octobre, les Israéliens veulent toujours se séparer des Palestiniens, mais ne croient pas qu’il soit possible de parvenir à un accord bilatéral avec eux. »
Certains Israéliens, comme l’ancien ministre et négociateur de la paix israélien Shlomo Ben Ami, proposent un retrait unilatéral de Cisjordanie.
Israéliens et Palestiniens veulent se séparer les uns des autres, mais les principales solutions politiques au conflit ne les séduisent pas. Dans l’ensemble, la méfiance, au sens large, est probablement le plus grand obstacle à la paix. Il existe également une méfiance généralisée parmi les Israéliens et les Palestiniens à l’égard de leurs propres dirigeants, des dirigeants de l’autre camp, et du peuple de l’autre camp. Par conséquent, il existe un grand scepticisme quant à la possibilité de parvenir à un accord, et quant au fait que l’une ou l’autre des parties en respectera les termes.
Une majorité de Palestiniens se méfie de la volonté d’Israël d’accepter une SDE et s’y oppose, même si, au vu du nouvel élan de la communauté internationale en faveur d’un État palestinien, la population de Gaza, contrairement à celle de la Cisjordanie, est devenue plus optimiste quant à cette solution, et se méfie de plus en plus du Hamas, sans le renier.
Les accords de paix bilatéraux avec l’Égypte et la Jordanie ont fait leurs preuves en termes de paix, de sécurité et de stabilité, contrairement aux retraits unilatéraux d’Israël de Gaza en 2005, qui ont aidé le Hamas à prendre le pouvoir, et du Liban en 2000, qui ont contribué à faire du Hezbollah une entité pro-iranienne menaçante au nord d’Israël.
Notons qu’à la suite de la guerre à Gaza, pas un seul pays arabe s’est retiré des Accords d’Abraham. Ce n’est plus vrai que les Arabes veulent jeter les Juifs à la mer.
Pourquoi la droite israélienne insiste-t-elle sur une approche perdante alors que la formule gagnante a fait ses preuves avec ses anciens ennemis?
Si, comme je l’espère :
- le Hamas est affaibli politiquement et militairement pour ne plus représenter une menace pour Israël,
- Israël accepte un horizon réaliste pour une SDE, et
- l’Autorité palestinienne accepte d’être réformée pour garantir moins de corruption, plus de démocratie et une lutte efficace contre le terrorisme,
alors, les alliés d’Israël, avec le soutien des pays arabes sunnites modérés, seraient prêts à aider à reconstruire Gaza, et à créer des ponts solides entre eux en matière de sécurité, afin de se protéger contre la menace chiite.
Afin de maximiser les chances d’un accord de paix israélo-palestinien, les États arabes modérés et les États-Unis devraient participer aux négociations multilatérales afin de fournir des garanties solides, et minimiser les calculs politiciens des uns et des autres.
On sait que les leaders palestiniens d’Arafat à Abbas ont laissé filer des offres réalistes de paix de la part d’Israël et des EU en 2000, 2007 et possiblement en 2015. Quant à Netanyahu et la droite israélienne, ils ont tout fait pour empêcher la paix avec les Palestiniens.
5. « Le plan d’autonomie de Netanyahu est le seul plan réaliste que les Palestiniens puissent accepter. »
Le plan d’autonomie de Netanyahu pour les Palestiniens, qui est probablement similaire au plan raté de Trump de 2020, qui exigeait l’annexion de 30% des territoires palestiniens occupés (TPO) avec des échanges de territoires, est irréaliste.
Le plan d’autonomie inclurait l’annexion de la zone C, en tout ou en partie, comprenant de 60% à 30% du territoire de la Cisjordanie, le contrôle israélien des frontières des TPO, et la protection des colonies israéliennes qui entourent actuellement 200 zones palestiniennes distinctes. Dans ce scénario, les frontières internationales d’Israël passeraient de 350 km à 4 000 km. Cela constituerait pour Israël un cauchemar sécuritaire, diplomatique et budgétaire.
Le précédent plan de paix sur l’autonomie proposé par Trump en 2020 a été rejeté par l’AP, la Ligue arabe, l’UE et ignorée par l’Administration Biden. Compte tenu du fort soutien international en faveur d’un État palestinien, des décisions défavorables des cours internationales à l’endroit d’Israël, des pertes civiles massives parmi la population de Gaza et la colère de la population musulmane mondiale, voire occidentale, envers Israël, pourquoi l’Autorité palestinienne et les États arabes accepteraient-ils un plan qu’ils ont rejeté il y a quelques années ?