Une critique de la déclaration de la Knesset s’opposant à la création d’un État palestinien

La guerre à Gaza a ravivé les appels internationaux en faveur d’une solution à deux États. En réaction, un appui massif à la Knesset, de 68 contre 9, a déclaré son opposition à la création d’un État palestinien. Parmi les signataires figuraient des politiciens de la coalition et de trois partis d’opposition.

Voici les principaux arguments exprimés par la déclaration[1] qui, sans avoir force de loi, conforte les anti-palestiniens en Israël.

1. « La Knesset s’oppose fermement à la création d’un État palestinien à l’ouest de la Jordanie. La création d’un État palestinien au cœur de la Terre d’Israël constituera un danger existentiel pour l’État d’Israël et ses citoyens, perpétuera le conflit israélo-palestinien, et déstabilisera la région »

Si l’on considère que le cœur de la terre d’Israël est la Cisjordanie et Jérusalem-Est, alors Israël est le seul État au monde à y croire. La Cour internationale de justice (CIJ) estime dans son avis consultatif que l’occupation des territoires palestiniens (TPO) de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par Israël est « illicite » et qu’elle devait cesser « le plus rapidement possible ». La CIJ accuse Israël d’imposer un régime de discrimination systémique fondée sur la race, la religion ou l’origine ethnique, d’effectuer une annexion en imposant un contrôle permanent sur les TPO et en privant le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, et elle conclut que l’État d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé aux Palestiniens des TPO par la restitution ou l’indemnisation[2].Quant à Gaza, elle établit que les Palestiniens avaient « le droit plausible » d’être protégés du génocide[3].

La Cour pénale internationale (CPI), elle, réclame des mandats d’arrêt contre Netanyahou et son ministre de la Défense ainsi que contre trois dirigeants du Hamas, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité[4].

Les accusations sérieuses de ces deux cours internationales contribuent à délégitimer la politique d’occupation et d’annexion de facto d’Israël.

Cela fait plusieurs décennies que l’Autorité palestinienne (AP) a officiellement accepté de s’opposer au terrorisme et de reconnaître l’État d’Israël ainsi que le principe d’un État palestinien démilitarisé. Soutenant publiquement la Solution à deux États (SDE), l’AP s’oppose officiellement à la perpétuation du conflit et à la déstabilisation de la région. N’oublions pas que l’AP est opposée au Hamas et à la violence contre Israël. Toute tentative de créer l’unité palestinienne entre l’AP et le Hamas a lamentablement échoué parce que le Hamas n’a pas voulu rendre les armes, rejoindre les forces de sécurité sous l’autorité de l’AP et accepter la reconnaissance d’Israël. L’étranglement financier de l’AP en raison du gel des transferts financiers par Israël depuis l’attaque du 7 octobre risque l’effondrement de l’AP et le chaos en Cisjordanie ce qui ne peut que servir les deux extrêmes, soit d’une part les extrémistes sionistes et messianiques, et d’autre part les djihadistes palestiniens et l’Iran.

Malheureusement, certaines actions de l’AP ne sont pas toutes propices à la paix et à la stabilité, et elles devraient être corrigées pour que l’AP devienne crédible aux yeux d’Israël et des États-Unis. Par exemple,

  • l’AP promeut indirectement le terrorisme à travers sa politique de « Payer pour Tuer » qui offre des allocations à tout Palestinien (et sa famille) arrêté par Israël pour des actes terroristes.
  • Malgré quelques améliorations, les manuels scolaires palestiniens contiennent toujours une rhétorique anti-israélienne délégitimant l’existence de l’État hébreu et nuisant à l’instauration de la confiance entre Palestiniens et Israéliens. A l’inverse, les manuels scolaires israéliens n’indiquent pas toujours la frontière internationale entre Israël et les TPO, comme si ces territoires faisaient partie intégrante d’Israël.

L’AP n’est pas du tout un allié de l’Iran, c’est tout le contraire. À la suite des éloges du guide suprême iranien Ali Khamenei sur l’attaque du 7 octobre, l’AP[5] a accusé l’Iran d’exploiter la question palestinienne et de sacrifier la vie de civils palestiniens qui paient le prix d’une guerre ne répondant pas à leurs aspirations. L’AP a également accusé l’Iran de chercher à la renverser en armant et organisant le Hamas et le Djihad islamique palestinien (JIP).

L’opposition de l’AP à l’Iran et sa coopération sécuritaire avec Israël contribue, en fait, à la sécurité d’Israël, et à rendre la région plus stable.

Ce sont plutôt les actions israéliennes illégales dans les TPO qui contribuent à déstabiliser la région, telles que la construction et l’expansion des colonies, le transfert de colons israéliens dans les TPO, la confiscation de terres, l’utilisation des ressources palestiniennes au seul bénéfice des colons, la démolition de maisons, le déplacement forcé de civils palestiniens, et la violence des colons contre les civils palestiniens. Selon la CIJ, les politiques et pratiques d’Israël dans ces territoires ne sont pas conformes à la loi internationale.

À son tour, la politique d’occupation ne peut empêcher le meurtre de nombreux Israéliens par des terroristes palestiniens.

C’est plutôt l’échec en vue de parvenir à une SDE qui constitue une menace existentielle pour l’avenir d’Israël en tant qu’État juif et démocratique.

L’alternative est le statu quo actuel où les Palestiniens des TPO n’ont pas les mêmes droits civils et politiques. Si les Palestiniens se voyaient offrir les mêmes droits que les Israéliens, dans l’éventualité d’une annexion partielle de la Cisjordanie comme le propose le parti du Likoud dirigé par Netanyahou, cela ajouterait environ 350 000 Palestiniens à la population israélienne, qui auraient droit à la citoyenneté israélienne. Cet ajout ferait croître la part de la minorité arabe en Israël de 21,1 % à 24,6 %, et surement augmenterait les tensions internes entre Juifs et Arabes, et l’instabilité dans la région. L ‘annexion de Jérusalem-Est en 1980 n’a pas été exemplaire du point de vue démocratique, étant donné que la citoyenneté n’a été accordée qu’à seulement 15% des Palestiniens locaux ; sans parler des obstacles constants faits aux résidents palestiniens pour mener une vie normale.

En 2014, l’administration Obama a chargé le général américain à la retraite et ancien commandant des forces américaines en Afghanistan, John Allen, de créer un plan de sécurité pour accompagner un éventuel accord de paix israélo-palestinien. Le plan Allen est le plan le plus détaillé jamais écrit sur les arrangements de sécurité associés à la création d’un État palestinien. Ce plan a reçu à l’époque les éloges des principaux responsables israéliens de la défense. Le Major-général à la retraite, Gadni Shamni, ancien chef du commandement central de Tsahal[6], a déclaré qu’à quelques exceptions notables près, « 90 à 95 % des hauts responsables de la sécurité » ont soutenu le plan Allen. Le projet a été rejeté par Israël.

2. « Ce ne sera qu’une question de temps avant que le Hamas ne prenne le contrôle de l’État palestinien et ne le transforme en une base de terrorisme islamique radical, travaillant en coordination avec l’axe dirigé par l’Iran pour éliminer l’État d’Israël »

Il existe un consensus en Israël selon lequel l’un des objectifs fondamentaux de la guerre à Gaza est de démanteler le Hamas en tant que force politique et militaire. En cas de succès d’Israël, le Hamas et le JIP ne constitueraient plus une menace pour la sécurité d’Israël et ne seraient plus en mesure d’aider l’Iran à anéantir Israël.

Toutefois, après des mois de guerre brutale contre le Hamas et le JIP, Israël semble pour le moment incapable de les vaincre, militairement et politiquement. Face aux pressions énormes, le Hamas se dit désormais prêt à abandonner la gouvernance civile à Gaza, sans toutefois accepter de démanteler sa branche militaire, même s’il est militairement affaibli. Une nouvelle gouvernance excluant le Hamas permettrait à une force de sécurité fidèle à l’Autorité palestinienne d’affirmer son contrôle sur Gaza, un scenario qui semble acceptable à Israël. Pour Israël, il est impensable que le Hamas puisse jouer un rôle dans la bande de Gaza d’après-guerre, même indirect, à moins, selon mon avis, qu’il ne désavoue officiellement son idéologie de destruction et de non-reconnaissance de l’État d’Israël.

3. « Promouvoir l’idée d’un État palestinien en ce moment serait une récompense pour le terrorisme et ne ferait qu’encourager le Hamas et ses partisans à voir cela comme une victoire, grâce au pogrom du 7 octobre 2023, et un prélude à la prise de contrôle de l’islam djihadiste au Moyen-Orient »

Les chartes du Hamas de 1988 et 2007 soutiennent l’éradication d’Israël en tant qu’État juif. Si une SDE devenait une réalité, ce serait clairement une défaite et non une victoire pour le Hamas et les djihadistes. Le Hamas ne peut pas survivre politiquement et militairement s’il acceptait une telle vision, à moins de rejeter le terrorisme et son idéologie de destruction d’Israël, et de reconnaitre l’État d’Israël.

[1] https://fr.timesofisrael.com/la-knesset-vote-massivement-contre-la-creation-dun-etat-palestinien/

[2] https://www.icj-cij.org/sites/default/files/case-related/186/186-20240719-adv-01-00-frc.pdf

[3] https://fr.timesofisrael.com/dans-le-dossier-pour-genocide-contre-israel-a-la-cpi-la-plausibilite-netait-pas-ce-quelle-semblait-etre/

[4] https://www.icc-cpi.int/fr/news/declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-aa-khan-kc-depot-de-requetes-aux-fins-de-delivrance

[5] https://www.memri.org/reports/palestinian-authority-attacks-iranian-leader-ali-khamenei-his-speech-proves-iran-behind

[6] https://www.jpost.com/Israel-News/Politics-And-Diplomacy/Israeli-PA-security-officials-agreed-on-key-issues-former-US-peace-envoy-says-499014

à propos de l'auteur
David est titulaire de diplômes de 2e cycle en administration des affaires et en économie (HEC Montréal) et a complété ses études de doctorat en planification régionale (University of British Columbia). Il a œuvré en tant qu'économiste, conseiller en politique gouvernementale, cadre supérieur, chef de cabinet et consultant au sein des gouvernements du Canada, de l’Ontario et du Québec, et dans le secteur privé. David est membre du conseil d’administration des Amis canadiens de La Paix maintenant. Cependant ses opinions n'engagent que lui. Né au Maroc, il vit aujourd'hui au Canada depuis plus de 50 ans et réside au Québec.
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