Let my people win

Des lance-roquettes à longue portée découverts par les troupes dans le quartier de Tel Sultan, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, sur une photo publiée le 4 septembre 2024. (Crédit : Armée israélienne)
Des lance-roquettes à longue portée découverts par les troupes dans le quartier de Tel Sultan, à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, sur une photo publiée le 4 septembre 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Même un an après, ce n’est pas depuis mon fauteuil que je vais parler de la douleur du 7 octobre. Je trouve qu’il y a une indécence à cela, même si la douleur est là. Certains membres de ma famille peuvent en parler beaucoup mieux. Ma famille au sens littéral et au sens sentimental.

De quoi vais-je vous parler ?

Le 9 octobre 2023 je montais les marches vers l’hémicycle du Conseil de l’Europe, quand un petit groupe de diplomates s’adressait à moi avec beaucoup d’émotion en me faisant part de sa solidarité. C’était sincère, c’était touchant et ça me donnait du réconfort.

Puis, je me suis ressaisi et j’ai dit : mes chers amis, je suis très touché par votre présence et votre soutien, je vous demande juste une chose, ne laissez pas Israël dans 3 mois. Parce que le moment de la guerre va arriver, et là il va falloir garder la même solidarité envers Israël. C’est bien de nous soutenir dans notre deuil et notre malheur, il faut aussi soutenir Israël dans la victoire.

Je ne pensais pas si bien dire.

Let my people go…

L’histoire juive nous a habituée à vouloir nous sauver, à quitter, à survivre.
En Egypte, on voulait juste sortir. Sortir de la domination du Pharaon, c’était l’objectif.

En Europe, durant la Shoah, se sauver était le seul objectif.

Les Juifs de l’URSS voulaient uniquement partir vers des cieux plus favorables.

Et c’est ainsi que s’est construite l’histoire juive, c’est le principe du Juif errant. Notre ADN nous apprend que nos petits enfants ne vont pas forcément vivre dans le même pays que nous.

Nous le savons, mais le monde aussi le sait. Nos amis et nos alliés aussi le savent.

Le problème c’est que nous avons parfois tendance à culpabiliser quand il faut gagner. Quand il faut vaincre. Psychologiquement, on n’est pas formaté pour ça.

Qu’Israël puisse avoir le droit de se défendre, nous sommes quasiment tous d’accord. Mais qu’Israël puisse avoir le droit de gagner ? Est-ce qu’Israël a le droit de remplir ses objectifs de guerre ? C’est un privilège que le monde lui refuse.

L’objectif de la victoire n’est pas uniquement une question d’objectif – et si un pourcentage important de l’objectif est atteint alors on peut se permettre de s’arrêter. La victoire est un objectif en soi. C’est une question de principe, mais surtout un principe de dissuasion qui est essentiel en général pour un pays qui doit se battre pour sa sécurité, et particulièrement dans cette région qui ne connaît pas de demi-victoire, que des demie- défaites.

Quand Louis Sarkozy dit qu’il faut que des civils meurent ce n’est pas pour souhaiter la mort des civils, personne ne peut souhaiter une chose pareil (à part les terroristes). Il s’agit ici de dire que si les civils utilisés comme boucliers humains peuvent faire renoncer notre civilisation à aller jusqu’à la victoire, cela revient à donner un plan stratégique aux terroristes en leur disant « cachez-vous derrière des civils et vous aurez la vie sauve ». Ce renoncement à la victoire est ce qu’il y a de plus dramatique pour notre civilisation.

Il est temps aujourd’hui pour nous, Juifs et non-Juifs attachés aux valeurs de notre civilisation de déclarer : « Let my people win »

Never again n’est pas la promesse de ne plus liquider les Juifs dans les chambres à gaz. Never Again est une promesse double.

  • Celle des Juifs, de ne plus survivre uniquement mais également d’éliminer la menace.
  • Celle de l’Europe et du monde, de laisser les Juifs gagner.

Israël n’a déclenché aucune guerre de son histoire, elles ont étaient imposées par ceux qui voulaient jeter les Juifs à la mer. Israël a eu la possibilité d’anéantir ses ennemis et d’infliger une humiliation ultime ; si ce n’est les « bons conseils » de ses amis qui demandaient d’arrêter, de ne pas aller à Damas ou jusqu’au Caire. Et pour quel résultat ? L’espoir de pouvoir fatiguer les Israéliens pour imposer plus de concessions ? De renforcer le terrorisme dans la région ?

L’histoire se répète et elle fait penser à un chirurgien lors d’une opération : alors que le sang du malade coule, une aide soignante écoeurée de voir autant de sang couler, demande au chirurgien de mettre un terme à l’opération. Sauf que le malade ne guérit pas… Et quelques mois après il va falloir ouvrir à nouveau.

Cette situation est inhumaine pour les israéliens mais également pour les civils de nos ennemies qui meurent pour rien. Ils sont victimes des vains espoirs de leurs leaders.

Demander un cessez-le-feu et ne pas terminer une guerre n’est pas un facteur de paix mais la préparation de la prochaine guerre. Ce n’est pas une prédiction, c’est un constat.

Il est temps que nous puissions accepter pour nous-mêmes de gagner totalement cette guerre, ce n’est qu’à ce prix qu’il sera possible de se payer le luxe de la paix.

à propos de l'auteur
Mendel est diplômé du Séminaire Israélite de France. Il est rabbin de Strasbourg en charge de la Synagogue de la Meinau. Egalement délégué après des institutions européennes pour le compte de la conférence des rabbins d’Europe. Il traitera ici de questions religieuses et d'actualité
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