Les mots d’un enfant qui laissent sans voix

Capture d'écran de la vidéo publiée sur le site MEMRI. (Crédit : MEMRI ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)
Capture d'écran de la vidéo publiée sur le site MEMRI. (Crédit : MEMRI ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur les droits d'auteur)

SEMMO n°12 – Savoir Écouter les Maux du Moyen-Orient

Info n°1 : les mots d’un enfant qui laissent sans voix

Il s’appelle Mutjaba Milhem. Son surnom est « Fils de la Résistance ». Il a 10 ans, 12 à tout casser. La chaîne de télévision Al Jadeed TV qui l’accueille le 4 janvier 2025 sur son plateau est arabophone, libanaise, privée et généraliste. C’est une des chaînes les plus regardées, au Liban, dans le reste du monde arabe, et par les arabophones du reste du monde.

Milhem est interviewé dans un studio télé meublé comme une chambre d’enfant. Il est assis sur un fauteuil adapté à sa taille. Et il répond à des questions qui, elles, ne le sont pas. Elles ne sont d’ailleurs adaptées ni à sa taille, ni à son âge, ni à son humanité.

Ses réponses font preuve d’une maturité rare à cet âge, une maturité d’enfant précoce, intelligent au-delà de la normale, une maturité que l’on a malheureusement aussi retrouvée chez des enfants israéliens qui avaient survécu aux massacres du 7 octobre dans des conditions atroces. La ressemblance s’arrête là. Milhem, lui, dont le père était membre du Hezbollah est un martyr.

Voici cet échange :

Intervieweur : Ton surnom est « Fils de la Résistance », parce que tu es dévoué au message de la Résistance, et spécifiquement au Hezbollah.
Milhem : C’est mon père qui m’a enseigné la voie à suivre. Je dois devenir un moudjahid et défendre ma patrie, le Liban. Je dois rendre fiers mon papa, ma maman et tout le monde, parce que je suis un combattant de la résistance.
Intervieweur : Que signifie « la voie de la Résistance » pour toi ?
Milhem : Cette voie m’apporte honneur et gloire. Je défends le Liban et aide à ce qu’il garde la tête haute. Je fais en sorte que les gens parlent de moi et je rends ma famille fière de moi […]
Intervieweur : Tu aimes les voitures n’est-ce pas ?
Milhem : Absolument.
Intervieweur : Et tu veux construire des drones ?
Milhem : Oui.
Intervieweur : Pourquoi veux-tu construire des drones ?
Milhem : Pour pouvoir attaquer l’ennemi lâche.
Intervieweur : Qui est l’ennemi lâche ?
Milhem : Israël et ses soutiens, comme l’Allemagne et l’Amérique. Les États-Unis et ses soutiens (sic).
Intervieweur : Tu t’es rentré dans la tête que… ?
Milhem : Oui, je veux les éliminer.
Intervieweur : Tu veux les éliminer ?
Milhem : Oui, comme ils ont tué nos jeunes hommes. Ils ont pris les meilleurs d’entre nous. Ils ont pris nos maisons et ceux que nous aimons…
Intervieweur : Tu ne crains pas de mourir ?
Milhem : Non. Le Seigneur m’a donné mon âme sans demander et il peut la reprendre sans demander.
Intervieweur : Qui t’a mis toutes ces idées dans la tête ?
Milhem : Mon frère et mon père. […] Je serai content de mourir et de rejoindre les martyrs qui sont tombés.
Intervieweur : Tu as pris la décision de chercher à être martyr ?
Milhem : Oui, si je suis autorisé à partir maintenant et faire le Jihad, je ne dirai pas non.
Intervieweur : Inch Allah, tu vas vivre jusqu’à 100 ans.
Milhem : Non ma chère. Je veux mourir en martyr, et je suis fier de ce que je dis devant tout le monde. Je serai content d’être martyr. En premier lieu, je veux aider les opprimés…
Intervieweur : Ne peut-on pas être vivant et soutenir les opprimés ?
Milhem : Le Hezbollah combat avec son esprit.
Intervieweur : D’accord, mais ne peux-tu pas être vivant et soutenir les opprimés, pour ta mère, ta famille, et pour ta vie dans ce monde ci ? Nombreux sont ceux qui ont aidé les opprimés et ils sont toujours en vie. Tu ne dois pas mourir.
Milhem : Le Seigneur prend ceux qu’Il aime et laisse ceux qu’ils n’aiment pas.

Voir la vidéo de cet échange ici : https://www.memri.org/tv/mujtaba-milhem-son-hizbullah-martyr-i-want-to-die-wage-jihad

Ceux dans l’humanité qui sont effarés par ce genre de propos, par le fait qu’ils sont prononcés avec conviction par un jeune garçon à la « bonne bouille », et par le fait qu’ils soient diffusés dans le monde arabophone de manière très large, qualifieront ce genre de propos de « lavage de cerveau ». Mais c’est trop facile, me semble-t-il. Ce n’est pas du lavage de cerveau. Il s’agit simplement de l’éducation de cet enfant, comme celles de très nombreux autres.

Pour ceux qui aiment la mort comme d’autres aiment la vie, éduquer les enfants à aimer la vie correspond aussi à du lavage de cerveau.

D’ailleurs, en Syrie, et dans un contexte islamique sunnite, complètement opposé au chiisme du Hezbollah, le journaliste Théo Padnos qui avait été emprisonné dans les geôles du nouvel homme fort de Syrie, Al-Julani, avait raconté comment des enfants étaient forcés d’assister et même de participer aux séances de torture dont il faisait l’objet[1].

L’éducation des enfants dans une société doit nous permettre de mieux comprendre les valeurs de cette société. C’est pourquoi les évènements du 7 octobre 2023 n’auraient pas dû constituer une totale surprise, si on avait pris en compte le fait que les programmes scolaires des écoles de l’UNRWA à Gaza étaient largement orientés vers la haine des Juifs.

Info n°2 : C’est pas moi, m’sieur, c’est le peuple !

Shadi-Al Waisi est le nouveau ministre de la Justice de Syrie. C’est un homme de terrain. À Idlib, en tant que juge islamique, il n’hésitait pas à quitter son bureau pour superviser, kalachnikov en main, l’exécution publique de femmes dont il venait de prononcer la sentence[2].

Le 1er janvier 2025, il a accordé une interview à Alaan TV, une chaîne des Émirats arabes unis. Portant complet veston, mais allégé de la calotte et de la kalachnikov, il se voit poser la question du système juridique qui devrait s’appliquer dans le nouveau régime syrien. En effet, juste après la chute d’Assad, il s’était publiquement exprimé en faveur de la charia.

L’intervieweur lui fait part de certaines réserves émises à ce sujet. Il précise que la coexistence avec les Chrétiens devrait être assurée, mais alors également que ces derniers devraient payer la jizya, cet impôt islamique réservé aux Chrétiens[3].

Shadi Al-Waisi, en homme de terrain, répond :

Le peuple syrien est composé de musulmans à 90%. […] Le parlement sera représentatif du peuple. Il exprimera ses aspirations. […] Si 90% des Syriens veulent voter en faveur de ce qui est au cœur de leurs convictions et croyances, nous disons que c’est le choix du peuple et que cela reflète ce qu’il veut et ce à quoi il croit.

Autrement dit : « Ce n’est pas nous forcément qui voulons la charia comme système juridique, mais c’est ce que le peuple doit vouloir à 90% ».

Donc, en théorie, toutes les solutions sont ouvertes, c’est le peuple qui choisira. Pour ceux qui recherchent des développements politiques avec suspens, je leur recommande toutefois de se tourner vers d’autres sujets.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/syria-new-minister-justice-shadi-waisi-sharia-law

Info n°3 : le Qatar se rebiffe contre l’Europe

L’Union Européenne travaille à un projet de directive exigeant des entreprises avec lesquelles elle travaille qu’elles respectent des critères de droits de l’homme, de droit du travail et d’émission de carbone.

Le non-respect de ces critères entraînerait une amende de 5% du chiffre d’affaires concerné.

Le Qatar, fournisseur principal de gaz naturel de l’UE, a déjà pris position contre cette directive dont l’application est prévue en 2027.

Le ministre de l’Énergie qatari, a déjà prévenu, par une interview dans le Financial Times, qu’ils n’acquitteraient pas cette amende. Il n’a d’ailleurs pas pris soin non plus de dire s’ils respectaient ou non ces critères. Selon lui, il n’a pas le droit de payer un surplus de 5% de la valeur d’un actif qui appartient, somme toute, au peuple qatari. Autrement dit : « Comment l’UE peut-elle envisager de priver le peuple qatari d’une telle manne ? ». Si cette directive entre effectivement en application, le Qatar cessera toute exportation de gaz vers l’Europe.

Jaber Al-Harmi, rédacteur en chef du quotidien Al-Sharq, ajoute que l’UE n’a aucun droit d’imposer des conditions de travail au Qatar. Selon lui, les entreprises européennes pratiquent la discrimination à l’égard des ouvriers non-européens. Le Qatar n’aurait donc aucune leçon à recevoir.

Nous savons que le Qatar est spécialisé dans la médiation entre parties en désaccord, quitte à prendre parfois le rôle de médiateur et de partie prenante, comme nous le voyons lorsqu’Israël négocie avec le Hamas.

Pour ce conflit-là, l’Union Européenne sera sans doute réticente à demander la médiation du Qatar. En revanche, Poutine lui, sera sans doute très heureux de proposer ses services.

Pour en savoir plus :
https://www.memri.org/reports/editor-qatari-daily-eu-due-diligence-legislation-aimed-stealing-resources-peoples

Info n°4 : Effacer Israël ? impossible. Normaliser ? Ne poussons pas quand-même.

Duraid Lahham est un acteur de théâtre syrien. Il avait été, à un moment, affilié au régime de Assad. Plusieurs médailles de reconnaissance lui ont été remises par Hafez Al-Assad, Bourguiba et Kadhafi.

Le 4 janvier 2025, il a déclaré :

Vouloir rayer Israël de la carte est aujourd’hui non seulement illusoire, c’est également fou. Ce pays existe maintenant, [la bataille] est finie, nous devons l’accepter.

Mais attention, cela ne veut pas dire qu’il favorise une normalisation des États arabes avec Israël. Il refuse catégoriquement la normalisation. En revanche : « Peut-être que mes arrière-petits-enfants le feront ».

En d’autres termes : « En ce qui me concerne, j’arrête de me battre, il n’y a plus aucune chance qu’Israël soit détruite. Mais ne me demandez pas d’avoir des relations avec eux. Nous les haïssons trop pour cela. Mais dans deux générations, pourquoi pas ? ».

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/syrian-actor-duraid-lahham-we-should-accept-israel

[1] Voir l’info n°3 de : https://frblogs.timesofisrael.com/la-haine-des-juifs-cet-ingredient-qui-empoisonne-tous-les-plats/

[2] Voir l’enquête de France 24 à ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=ias-89EKNC0

[3] En théorie, prévu également pour les Juifs, mais en l’occurrence, les Juifs en Syrie sont inexistants.

 

 

 

 

à propos de l'auteur
Laurent souhaiterait partager ses observations de la vie israélienne et française à travers son regard de Juif français devenu israélien en 2008. Il a pris l'habitude de regarder et analyser les phénomènes politiques, culturels, religieux, géopolitiques, sous un regard différent de celui qu'on a l'habitude de voir. En effet, avant d'arriver en Israël, il a vécu en France, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni. Il observe les phénomènes humains avec un très large point de vue, puisant dans son expérience de vie et dans son désir d'écrire. Laurent a passé son enfance en Allemagne, fait ses études de management en Alsace et passé sa carrière professionnelle au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Israël.
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