Finistère : la critique d’Israël institutionnalisée

Institutionnaliser est donner le caractère stable et officiel d’une Institution. En février, le processus de formalisation, de pérennisation et d’acceptation sociale et politique de la critique d’Israël a passé un nouveau cap dans le Finistère, territoire situé pourtant à plus de 3700 km d’Israël.

Le cas judiciaire de Salah Hamouri en délibération à … Quimper, Brest ou Morlaix

Les Assemblées de sa Préfecture, Quimper, et de ses sous-préfectures, Brest et Morlaix, ont eu à s’exprimer sur le cas juridique de Salah Hamouri, et par voie de conséquence sur la politique judiciaire d’Israël, compétence régalienne d’un Etat de Droit situé à plus de 3700km. Or, si en France les Assemblées locales possèdent une compétence générale, elles ne délibèrent que sur ce qui concerne directement ou indirectement leurs territoires.

Le vœu présenté à Quimper ce 9 Février ou à Brest le 8 Février, concernait la libération de Salah Hamouri, incarcéré pourtant par les Instances d’Israël comme membre actif et central du FPLP, une organisation placée sur la liste officielle des organisations terroristes de l’Union Européenne. En France, le FPLP s’était illustré par l’attentat de la Rue Copernic, faisant 4 morts et 20 blessés.

Salah Hamouri n’a pas été incarcéré pour le vol d’un plat de matsot, mais a été jugé coupable de la tentative d’attentat du Grand Rabbin d’Israël : dans le cadre de l’échange de prisonniers avec le Franco Israélien Gilad Shalit, il a été libéré et depuis lors, M. Salah Hamouri aurait repris ses activités illicites au sein de l’organisation terroriste, ce qui a entraîné sa mise en détention administrative le 23 août 2017.

L’« exigence » (sic) de libérer Monsieur Hamouri a pourtant été votée par une des trois Assemblées. Les deux autres ont demandé au président Macron d’en obtenir la libération.

Parmi les 2600 prisonniers possédant un passeport français détenus à l’étranger, il aura fallu que les Conseils Municipaux de la Pointe Bretonne exigent ou demandent la libération du seul qui le soit pour avoir jugé utile d’assassiner le Grand Rabbin d’Israël. Le tout, sans avoir eu accès au dossier judiciaire.

Si cette tentative d’ingérence pourrait ressembler finalement à une ridicule gesticulation, elle marque pourtant une institutionnalisation de la critique d’Israël à travers l’appareil sécuritaire et judiciaire de cette dernière.

Cette institutionnalisation est d’autant plus inquiétante qu’elle chemine par des assemblées démocratiquement élues. L’hostilité envers l’État d’Israël a donc franchi un seuil, revêtu une légitimité démocratique et dépassée le cadre des associations militantes, des tribunes dans la presse, des blogs ou du soutien financier d’un Richard Ferrand à l’AFPS.

Le cas de Morlaix : abstention de la Droite 

Au Conseil Municipal de Morlaix, les 8 Élus de l’opposition, gauche et PC, présentent le 16 Novembre un vœu pour une action du président Macron visant à libérer S. Hamouri.

Les 25 conseillers de la majorité de droite, dont la Maire LR Agnès Le Brun, s’abstiennent de voter ce vœu – à l’exception de 3 de ses élus. 11 voix suffisent donc à faire passer ce voeu.

Le cas de Brest : abstention ou retrait de la Droite

La ville la plus peuplée de Pointe Bretonne est dirigée par le Maire PS François Cuillandre : sa majorité de gauche présente un vœu semblable au final à celui de Morlaix. Selon le témoignage d’élus Brestois, le vœu, initialement rédigé de manière virulente, a été édulcoré avant sa présentation le 8 février.

Comme à Morlaix, la gauche présente le vœu, le groupe de droite Rassemblement pour Brest menée par Bernadette Malgorn s’abstient, le groupe de centre droit, Nouvelles Alternatives, refuse de prendre part au vote, estimant qu’il n’a aucun lien avec la vie des Brestois.

Le cas de Quimper : soutien de la Droite,  Les Européens s’abstiennent ou refusent

Le vœu présenté à Quimper le 9 février, et envoyé par mail en urgence la veille du Conseil, est plus incisif : il « exige » cette fois la libération du prisonnier accusé de terrorisme.

Présenté par un militant pro Palestinien historique Piero Rainero (PC), le vœu a le soutien du Maire LR, de sa majorité, et plus particulièrement de sa 1ere adjointe visiblement enthousiasmée au point de, cas rarissime lors du décompte des voix, citer le nom d’élus votant contre.

Seul le groupe issu du centre droit Les Européens, plus un élu sans étiquette, s’abstiennent.

Pour ma part, n’y voyant aucun intérêt pour les Quimpérois que je suis censé représenter et refusant l’ingérence dans les affaires internes d’un pays ami, je vote contre.

Le mécanisme de l’institutionnalisation

Le seuil symbolique atteint dans la campagne de dénigrement d’Israël que représentent ces vœux, n’a pu l’être sans une méthodologie efficace.

La première phase est la campagne médiatique menée par les militants communistes et les comités de soutien dans la presse dès le 29 Août : la campagne est abondamment relayée par la presse quotidienne régionale sur l’ensemble du Finistère malgré un lot impressionnant de fake news. Face à l’agitation anti Israélienne, la PQR a laissé peu – ou pas – de place aux communiqués rééquilibrant les propos comme ceux de l’Association France Israël du 8 septembre.

La seconde phase est le lobbying d’élus locaux communistes – ayant troqué leur fonction de représentant de l’intérêt général par celui de militants associatifs virulents – auprès de leurs collègues de groupe afin de présenter un vœu contrevenant pourtant à la Charte de l’Élu local.

La troisième phase passe par de petites communes, et par les bastions traditionnellement « rouges » qui votent des voeux perçus comme humanistes suite à l’agitation médiatique de la 1ere phase.

La quatrième phase est, dans le cadre des assemblées des grandes villes, l’abstention  de la Droite, ou dans le cas très particulier de Quimper, le soutien de la Droite – ce qui permet l’adoption du voeu présenté.

La nécessité du contre discours

Dans un tel contexte, le rappel de l’Histoire philosémite de la Bretagne et du lien particulier entre Juifs et Bretons,  est incontournable.

Cependant comment rappeler qu’un Breton judéophobe se trahit, ou trahit son histoire, en important un comportement qui n’est pas le sien, lorsque tout type de média devient imperméable à ce discours de réalité ?

Le droit de montrer le véritable visage d’Israël est ici en difficulté : et plutôt que de jeter des ponts, le monde politique jette désormais l’anathème.

à propos de l'auteur
Dominique Lambert est breton, a habité en Israël, est élu local dans sa ville de Quimper. Il travaille pour l'amitié entre Israéliens et Européens et étudie les relations entre le peuple juif et les pays celtiques. Il est au bureau exécutif de France-Israël.
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