Les Juifs oubliés de Bretagne
N’est-ce qu’une légende tenace ou est-ce une réalité enfouie en ces terres atlantiques, riches de l’héritage celtique et de son particularisme historique et géographique ?
La présence Juive y est attestée à partir du IVe siècle, alors que l’Armorique se détache peu à peu de l’Empire Romain et cultive ses relations économiques avec l’Ile de Bretagne – l’actuelle Angleterre.
Les familles de citoyens Romains de religion Juive et de profession militaire, commerçante ou liée au fonctionnariat impérial, semblent former des implantations essentiellement urbaines et bien intégrées.
Cette intégration pose à l’époque problème à l’Eglise, qui interdit à ses Clercs de partager leur repas avec les Juifs, interdiction énoncée au Concile de Vannes en 465.
Que deviennent ces familles juives en Bretagne les neuf siècles durant qui séparent le IVe siècle et 1240, date du banissement des Juifs ordonnée par le Duc Jean Le Roux ?
Le banissement cible alors les Juifs arrivés dans les cités du Nord-Est -Rennes, Guérande, Nantes – à l’époque des migrations Ashkénazes du XIe-XIIIe siècle et dans le climat tendu des premières Croisades. Mais à cette question, on ne peut répondre que par des conjectures.
Pourtant, cette question revient régulièrement. Lors de l’occupation allemande en 1941-1945, les autorités administratives chargées d’appliquer les mesures prises envers les Juifs se heurtent à l’impressionnante cohorte de patronymes juifs en Bretagne : les Salomon, David, Jacob, et autres Abraham peuplent la campagne bretonne.
Ces histoires de Bretons, paysans de père en fils, parlant gallo ou breton, loin des stéréotypes de la propagande antisémite, soudain infligés d’une étoile jaune ou soumis à de menaçants interrogatoires, défrayent les chroniques, au point que les journaux bretons pro-allemands, La Bretagne ou L’Heure bretonne, se sentent obligés d’intervenir pour défendre les représentants « d’une race celtique sans mélange ».
« Les Salomons de Bretagne ne sont pas juifs » titre L’Heure Bretonne le 21 novembre 1942.
Quelques 39 ans plus tard, la vénérable Société Archéologique de Bretagne publie en 1981 « Le problème juif en bretagne », article dans lequel les auteurs, médecins, et son vice-président appellent à une étude sérieuse sur le peuplement Juif breton.
Ils viennnent d’observer en Nord Finistère plusieurs cas de la maladie de Tay-Sachs, maladie génétique autosomique récessive, c’est-à-dire se transmettant si les deux parents portent un même gène déficient. Or, Tay-Sachs est rare, atteint essentiellement les Juifs ashkénazes, ou se rencontre parfois chez les Acadiens et les Cadiens souvent originaires d’ici. En Israël, l’Etat subventionne depuis 1974 un plan de prévention de cette maladie grave.
Oubliés, intégrés dans une population celtique, avant même la christianisation de l’Armorique et avant même la migration des Bretons venant de l’Ile de Bretagne y fonder le Royaume de Bretagne, les premiers Juifs bretons croisent, dans les brumes des légendes du haut Moyen Age, de hauts faits historiques. Leur Histoire cachée mériterait bien plus qu’un simple article de blog.