4 faits qui n’empêcheront pas un nouveau 7 octobre

Le fils d'Ismaël Haniyeh, Abd Al-Salam Haniyeh, dans une interview par SamaQuds postée le 15/08/24. (Crédit : capture d'écran MEMRI ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Le fils d'Ismaël Haniyeh, Abd Al-Salam Haniyeh, dans une interview par SamaQuds postée le 15/08/24. (Crédit : capture d'écran MEMRI ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d'auteur)

SEMMO – Savoir Ecouter les Maux du Moyen-Orient n°14

Ce numéro est tragique.

Israël, les Juifs du monde, ne se sont pas encore complètement relevé du 7 octobre 2023. Les otages croupissent encore, morts ou vivants, dans les geôles de Gaza. Mais il faut se poser la question : qu’est-ce qui empêchera un nouveau 7 octobre ? Ou, plus cyniquement, qu’est-ce qui n’empêchera pas un nouveau 7 octobre ?

Info n°1 : l’envoyé spécial de Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff a encore beaucoup à apprendre. Sa vision n’empêchera pas un nouveau 7 octobre.

Le 18 janvier 2025, NBC[1] a rapporté les propos d’un officiel de l’équipe de Steve Witkoff selon lequel :

Si on n’aide pas les Gazaouis, si on ne rend pas leur vie meilleure, si on ne leur donne pas d’espoir, il y aura une révolte .

Cette idée, on le comprend maintenant, a plané au-dessus du rapport de forces qui a abouti à l’accord entre Israël et le Hamas il y a quelques jours.

Il faut d’abord comprendre ce qu’était Gaza le 6 octobre 2023.
Pour cela, fions-nous à ce que disait le fils de Ismaël Haniyeh, Abd al-Salam Haniyeh, le 24 août 2024 :

Après la guerre de 2008/2009, le monde s’est ouvert [sur Gaza] […] Le monde, la presse, Al Jazeera TV, les media […] tout le monde sympathisait [avec Gaza]. […] Les convois ont commencé, les tunnels ont commencé à être actifs […] Et l’Émir du Qatar est venu pour poser la première pierre de la reconstruction […] En 2020-21, les gens ne croyaient pas que ce qu’ils voyaient était Gaza. C’était tellement beau, les bâtiments, la « promenade de Doha », la « promenade d’Égypte[…] Qui aurait pu croire qu’il s’agissait du Gaza assiégé, qui avait vécu des guerres ? La beauté était telle qu’on ne pouvait en trouver d’équivalente dans aucun autre pays arabe .

Mais rien ne vaut les images. Regardons des vidéos[2] réalisées sur la vie à Gaza exclusivement par des organes de presse gazaouis, arabes ou turcs.

Et pourtant, de manière absurde, les accusations que le monde a porté contre Israël depuis qu’il a évacué ce territoire en 2005, et depuis que plus aucun Juif, à part ceux tenus en otage, ne s’y trouvaient, se sont multipliées : « camp de prisonnier » selon David Cameron en 2010, « camp de concentration israélien » selon Pat Buchanan en 2009 et le fameux « l’attaque du 7 octobre 2023 ne s’est pas produite dans le vide » de Antonio Guterres, le Secrétaire Général de l’ONU le 25 octobre 2023.

Donc, la situation de Gaza jusqu’au 6 octobre 2023 était florissante ou, à tout le moins, pas désespérée. Malgré tout, l’opération du 7 octobre a été lancée, causant de manière indubitable, une réaction très forte d’Israël tant pour détruire le Hamas que pour tenter de récupérer les centaines d’otages israéliens.

Comment peut-on encore croire qu’il suffirait de rendre la vie des Gazaouis meilleure, pour que le 7 octobre ne se répète pas ? Retrouvons les paroles du fils de Ismaël Haniyeh, pour tenter de répondre à cette question :

Si mon père [Ismaël Haniyeh] n’avait pensé qu’à lui, il aurait pu signer un accord et le tapis rouge lui aurait été déroulé […]. Dans le cadre de « l’accord du siècle » […] Kushner [l’envoyé de Trump en 2020, artisan des accords d’Abraham], voulait se rendre à Gaza pour y créer un État palestinien. Des milliards y auraient été investis et les armes de la résistance auraient été déposées […] .

La réponse de Haniyeh fut historique. Elle doit s’ajouter à la longue liste des occasions que les Arabes, depuis 1948, n’ont jamais arrêté de rater :

[mon père Ismaël Haniyeh] a alors apporté cette très fameuse réponse : « que nos mains soient paralysées si nous signons un tel accord qui séparera Gaza de la Palestine ».

On le voit, on ne peut pas exclure que le massacre du 7 octobre 2023 n’ait pas été une réponse à cette proposition de Kushner. Le Hamas a préféré causer la disparition de la situation favorable qui régnait à Gaza le 6 octobre 2023, au profit d’une attaque cruelle, immorale, contre les Juifs israéliens en général, les plus prétendument pacifistes d’entre eux en particulier.

Plusieurs voix à Gaza se sont exprimées ces derniers temps contre le Hamas, pour avoir lancé une guerre qu’ils ne pouvaient pas gagner[3]. Mais comment ne pas comprendre que le slogan clamé dans le monde entier depuis le 7 octobre 2023 : « From the river to the sea, Palestine will be free[4] » est en fait la continuation de la réponse de Haniyeh à Kushner. Autrement dit : « Nous n’avons que faire de votre argent, de votre ‘vie meilleure’. Ce que nous voulons, c’est Gaza faisant partie intégrante d’une Palestine en lieu et place d’Israël. ».

La vision de Witkoff, plutôt qu’une parade à un nouveau 7 octobre, en est un encouragement. Espérons que le reste de l’équipe du nouveau Président Trump, saura voir cela à temps.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/answer-steven-witkoff-–-gaza-october-7

Info n°2 : La vision du Qatar à travers le discours de son Émir en 2011, à l’occasion de l’inauguration de la mosquée Al-Wahhab. Cette vision n’empêchera pas un nouveau 7 octobre.

Le Qatar, littéralement tout le monde en a entendu parler. Le football, la diplomatie mondiale, la stratégie militaire américaine mondiale, l’énergie, la presse, l’islam, les otages de Gaza, les Talibans : tous ces domaines, et bien d’autres encore, sont influencés d’une manière ou d’une autre par le Qatar.

L’État du Qatar n’est de loin pas une démocratie occidentale. Son régime détient le pouvoir sans partage. La dynastie dirigeante, la famille Al Thani, est en place depuis l’indépendance en 1971. Elle incarne l’idéologie wahhabite, cet islam inspiré de Muhammad ibn Abd Al-Wahhab, un savant islamique du XVIII siècle qui prônait un retour à l’islam des origines.

La famille Al Thani transforme l’argent des hydrocarbures en influence mondiale exercée sur les démocraties occidentales, et sur les autres pays islamiques qui ont la mauvaise idée de pencher vers un islam plus « laïcisé ». Le Qatar finance les universités, et les mouvements de révoltes estudiantins qui les déstabilisent. Il n’est pas avare d’efforts pour diffuser la haine des Juifs dans le monde.

Mosquée Al-Wahhab. (Crédit : Capture d’écran Youtube ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur)

En 2011, la mosquée Muhammad Ibn Al-Wahhab fut inaugurée. Dans le discours prononcé à cette occasion, l’Émir du Qatar nous apprend que cette mosquée est destinée à concurrencer l’importance de la Ka’ba de La Mecque.

Le Qatar, ne cache pas la mission qu’il s’est fixé : diffuser les valeurs de l’islam dans le monde, en complément voire en lieu et place de l’Arabie Saoudite, gardienne actuelle des lieux saints musulmans. L’Émir du Qatar lors de cette inauguration :

La lumière répandue par Al-Wahhab[5] […] sur toute la Péninsule arabique a ramené le peuple dans le droit chemin […] celui du Coran et de la Sunna[6] pure. Les distorsions qui avaient cours s’étaient mêlées dans l’esprit [des gens], les déviances avaient pénétré leurs âmes. L’Imam Al-Wahhab était une figure exemplaire par ses qualités personnelles : voué à l’islam, ascète, pieux et craignant Dieu, obstiné, doté d’une vision et d’une compréhension de la réalité. Toutes ces qualités qui manquent aujourd’hui à ceux qui représentent l’islam.

On comprend bien que l’Émir du Qatar s’est fixé de reprendre toutes ces qualités à son compte, et que moyennant des fonds, il se charge de diffuser cet islam wahhabite dans le monde arabo-musulman en particulier, et sur toute la planète. Attendons de voir si, suivant les traces de Trump qui vise la conquête de Mars[7], le Qatar décide d’y diffuser aussi l’Islam wahhabite.

Pour en savoir plus sur la mosquée: https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=3vDq6i0qC-I

Pour en savoir plus sur le discours de l’Émir : https://www.memri.org/reports/qatar-monitor-project-qmp-%E2%80%93-new-memri-project-defense-us-and-western-world-%E2%80%93-updated-qatar#_edn35

Info n°3 : La coopération de l’ONU avec le Qatar dans la lutte mondiale contre le terrorisme. Cela non plus n’empêchera pas un nouveau 7 octobre.

C’est une farce, mais malheureusement, elle est réelle. Les prix anti-corruption du cheikh Tamim bin Hamad Aal Thani, financés par l’Émir du Qatar en coopération avec l’ONU, sont attribués tous les ans.

L’UNODC – United Nations Office on Drugs and Crime, le bureau de l’ONU chargé de combattre les drogues et la criminalité dans le monde, collabore avec le Qatar pour l’attribution de cinq prix tous les ans.

Pour ajouter du goût à la farce, il faut noter qu’un de ces cinq prix récompense ceux qui luttent contre la corruption dans le sport international. La FIFA, dont plusieurs sources ont prouvé qu’elle a attribué l’organisation de la Coupe du Monde de football au Qatar de 2022 sous l’influence de pots-de-vin, doit apprécier.

Mais la farce ne s’arrête pas là. Le Qatar est le contributeur financier le plus important, de loin, de l’office de l’ONU chargé de la lutte contre le terrorisme[8]. Représentant plus d’un tiers du budget total qui dépasse les 390 millions de USD, la contribution du Qatar représente 3,6 fois celle de l’Union Européenne, qui pourtant se place en 3ème position.

Le Qatar n’a pas oublié le pouvoir de l’argent. Ceux qui perdent leur boussole à la vue des billets, perdent non seulement leur pouvoir, mais aussi leur honneur. Et l’ONU, si tant est qu’on en attendait la preuve, n’est pas épargnée.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/qatars-theatre-absurd-under-auspices-un-corrupt-sponsor-terror-pretends-fight-corruption-and

Info n°4 : La coopération du Qatar avec la république islamique d’Iran. Le tunnel sous-marin qui reliera les deux pays constituera une réelle menace pour la base américaine CENTCOM au Qatar. Ce projet n’empêchera pas un nouveau 7 octobre, mais au contraire, l’encouragera.

L’agence de presse de la république islamique d’Iran a publié, en novembre 2024, une dépêche signalant l’augmentation de sa coopération économique, logistique, énergétique et diplomatique avec le Qatar.

En particulier, le projet de construction d’un tunnel sous-marin entre les deux pays, a été annoncé. Ce projet est de nature à associer deux pouvoirs dictatoriaux qui, non seulement constitueraient une menace géopolitique régionale majeure, mais également une réduction de l’isolement que peut ressentir le Qatar sur la péninsule arabique.

En clair, le pouvoir du Qatar actuel peut se sentir défendu par la présence de la base militaire américaine sur son territoire. S’il est connecté physiquement à l’Iran, il se sentira moins dépendant de cette présence étrangère, et pourra soutenir les groupes terroristes du Moyen-Orient avec encore plus de liberté.

Pour en savoir plus : https://en.irna.ir/news/85654379/Iran-Qatar-pursue-plans-for-world-s-longest-undersea-tunnel

[1] https://www.nbcnews.com/politics/donald-trump/trump-middle-east-steve-witkoff-consider-visit-gaza-strip-rcna188274

[2] https://www.memri.org/reports/parts-i-viii-face-suffocating-occupation-humanitarian-disaster-concentration-camp-and-prison

[3] Voir le précédent numéro de SEMMO – Savoir Ecouter les Maux du Moyen-Orient

[4] Il est intéressant de noter que ce slogan en arabe est en fait : « Du fleuve à la rivière, la Palestine sera arabe ».

[5] Muhammad ibn Abd-Al-Wahhab, fondateur du wahhabisme au XVIIIème siècle.

[6] La tradition selon l’enseignement du Prophète.

[7] Voir https://www.youtube.com/watch?v=SRL0gK2l9oc

[8] Voir ce rapport de l’ONU : https://www.un.org/counterterrorism/funding-and-donors

à propos de l'auteur
Laurent souhaiterait partager ses observations de la vie israélienne et française à travers son regard de Juif français devenu israélien en 2008. Il a pris l'habitude de regarder et analyser les phénomènes politiques, culturels, religieux, géopolitiques, sous un regard différent de celui qu'on a l'habitude de voir. En effet, avant d'arriver en Israël, il a vécu en France, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni. Il observe les phénomènes humains avec un très large point de vue, puisant dans son expérience de vie et dans son désir d'écrire. Laurent a passé son enfance en Allemagne, fait ses études de management en Alsace et passé sa carrière professionnelle au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Israël.
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