Yes we can
La politique devient dangereusement une affaire de slogan. Celui qui trouvera le meilleur, celui qu’on n’oublie pas, auquel on peut s’identifier. Facile comme un refrain entrainant et entêtant.
Comme lire le titre et le chapeau d’un article sans se donner la peine de s’attarder sur le contenu. Et manquer les subtilités.
Car reprendre un slogan, un argument répété jusqu’à plus soif permet à celui qui le fait sien de ne pas se donner la peine de vérifier, de chercher, de réfléchir. Et pour le concepteur, pour le parti ou le politicien, c’est ici le moyen le plus sûr de contrôler et d’influencer les esprits.
C’est un phénomène qui n’est pas propre à Israël bien sûr, mais ces dernières années cette tendance s’est accrue avec l’aide entre autres des réseaux sociaux, aubaine pour les adeptes du prêt à penser.
Et dans un climat de polarisation des opinions ou des partis pris, cette tendance s’intègre parfaitement. J’ajouterai également la multiplication machiavélique des journaux d’information gratuits. Ces bulletins de relais de propagande de partis disséminent gratuitement au plus grand nombre les lignes à suivre et font écho aux points repris sur les médias sociaux de ces mêmes partis.
Désormais l’indépendance politique et intellectuelle est un sport d’endurance. Résister aux chants des sirènes de la facilité, refuser de joindre la meute sans passer pour un être décalé et étrange, revendiquer son indépendance s’accompagnent d’une charge et l’inconvénient de devoir échanger des arguments désagréables avec de nombreuses personnes.
Et puis le tableau ne serait pas complet sans évoquer ce phénomène si répandu qu’il possède un nom de marque international : les “fake news”.
L’utilisation de nouvelles dont le contenu est faux, ou prises hors contexte et tronquées de leur essence pour fonder un argument différent voire opposé au fait relaté. En Israël, un cadre du Likoud, parti de Netanyahou désormais dans l’opposition, a publiquement encouragé l’utilisation de ces fake news pour parvenir au but suprême, le retour au pouvoir.
Cette semaine a donné lieu à un autre épisode de slogans repris en chœur par des individus qui ne se connaissant pourtant pas, répètent néanmoins les mêmes mots, les mêmes phrases, les mêmes arguments.
Le budget a été voté en Israël après 2 ans de paralysie due aux élections intempestives à répétition. Proposé par une coalition composée de membres très différents formant un ensemble plus qu’hétéroclite, ce budget peut légitimement susciter critiques ou opposition. Mais malheureusement, malgré le vote à la Knesset l’adoptant officiellement, les partis d’opposition ont engagé une campagne de dénigrement en reprenant des postes budgétaires pourtant minimes sur l’ensemble mais les montant en épingle pour faire resurgir leur aspect superfétatoire sur le reste des mesures.
Ce n’est pas la première fois. Et ce n’est pas qu’en Israël. Il suffit pour s’en convaincre de suivre les campagnes électorales dans les démocraties occidentales.
Une phrase sortie du contexte, une formule hâtive et malheureuse, ou au contraire un slogan bien balancé qui interpelle les électeurs sont autant d’éléments décisifs dans le résultat d’une campagne.
A l’heure où l’on se questionne sur l’avenir de la démocratie, ou certains candidats ou chefs de gouvernement inquiètent par leur remise en question de facto de la démocratie libérale, peut-être serait-il judicieux de s’intéresser à tous ces marqueurs que l’on aurait tort de négliger.
Et dans un pays tel qu’Israël fondé sur le principe d’auto-détermination et de prise en mains de son destin, les slogans, les propagandes relayées et les fake news devraient être considérés comme ennemi fondateur. Car finalement ces outils ne sont que des moyens de priver le citoyen de l’accès à l’information, désormais Graal ultime réservé à une petite caste et aux irréductibles endurants.
Et que dire des générations à venir ? Tous ceux qui n’ont connu le monde qu’à l’aune d’Insta ou Snapchat ? De l’instantanéité impatiente. De la perte d’intérêt pour le passé, pour les genèses aidant à décrypter le présent ? Et pire, pour ceux qui veulent carrément effacer le passé qui ne répond pas aux exigences morales du présent ?
Comment s’assurer que leur liberté de choix, de conscience ne soit pas dérobées ?
Que leurs décisions sont le résultat de leur propre réflexion et de leur choix et non de lignes de parti, d’influenceurs, ou de décideurs ou autre gourou peu scrupuleux ?
Mère de 3 jeunes filles, cette interrogation n’est pas simplement philosophique et me cause de sérieuses insomnies. Surtout lorsque l’une d’entre elles me répète l’une des lignes entendues mille fois dans les exacts mêmes termes. Qu’elle a elle-même entendu à l’école de la bouche d’une enseignante.
Autre vaste sujet. Le hold-up de certains enseignants qui se prennent pour des maîtres à penser de la vérité unique…
Alors finalement que faire ?
Il semblerait d’après des spécialistes que le moyen le plus efficace d’éduquer et de transmettre un savoir réside justement dans l’emploi de formules faciles à retenir. Le remède dans le mal…
Alors ? Yes we can ?