Yariv Levin, l’ambitieux

Il faut se méfier de l’eau qui dort. Les faux modestes, les vrais ambitieux aiment présenter un profil bas. Il y a quelques mois encore, Yariv Levin, souvent vêtu de gris, était de ceux-là.
L’homme de confiance de Binyamin Netanyahou, celui qui menait pour lui les négociations lors de la formation de la coalition, celui qui connaissait les pensées et même les arrière-pensées de son patron, ne cache plus ses ambitions.
Déjà, lors de la composition du gouvernement, il avait exigé de mener la réforme de la justice qui cristallise aujourd’hui toutes les controverses. À plusieurs reprises, il a mis sa démission dans la balance si Binyamin Netanyahou venait à renoncer à ce projet.
La suspension des travaux législatifs et les négociations menées avec l’opposition sous l’égide du président Itzhak Herzog sont considérées par lui comme une trahison.
Jeudi 27 avril, il a été l’orateur principal de la « manifestation du million », en fait 200 000 personnes venues soutenir la réforme contre tous ceux qui voudraient l’enterrer. Il n’y est pas allé par quatre chemins : « Ici-même, sur cette scène, se trouvent nos 64 voix à la Knesset, bien déterminées à corriger les injustices : il faut en finir avec les inégalités, le système judiciaire unilatéral, les tribunaux dont les juges sont au-dessus de la Knesset et du gouvernement ».
C’est le discours que les manifestants attendaient et ils ont bruyamment exprimé leur soutien au héros du jour : « Yariv Levin, le peuple est avec toi ». Il y a quelque temps, ils auraient crié « Bibi, le peuple est avec toi ».
Le Premier ministre a bien compris le danger. Mais, absent du rassemblement, c’est avec un simple tweet qu’il a signifié au peuple de droite qu’il fallait encore compter avec lui. Yariv Levin s’est montré très à l’aise face à ceux qui sont les siens depuis sa naissance au sein de la « famille combattante » (Mishpaha haLohemet), celle du sionisme révisionniste organisé au sein de l’Irgoun, puis du Herout, le parti de Menachem Begin.
Le leader historique du Likoud fut d’ailleurs le parrain du petit Yariv Levin lors de sa circoncision. Devenu adulte et spécialiste de la langue arabe (comme son père), il servit à l’armée comme officier-traducteur avant d’étudier le droit pour exercer pendant quelques années la profession d’avocat.
Mais, plus idéologue que juriste, Yariv Levin préconise depuis longtemps une révolution qui mettrait le système judiciaire au service de l’exécutif. À ses yeux, c’est une dimension essentielle de la revanche à prendre sur les « élites de gauche ».
Yariv Levin ne le dit pas encore ouvertement, mais il le pense si fort qu’on finit par le comprendre : il rêve de succéder à son mentor. Il n’est pas le seul. Nir Barkat, Yuli Edelstein, Israël Katz sont aussi candidats. D’autres (Miri Regev, Amir Ohana, Yohav Galant…) y pensent aussi. On l’aura compris, et Yariv Levin le premier, la bataille de la succession sera digne de l’univers de la série Dallas : impitoyable.