Yadai ou l’indécence d’une armée dysfonctionnelle

Illustration : Un réserviste de l'armée israélienne préparant l'équipement avant un exercice, sur une photo diffusée le 24 avril 2024. (Crédit : Armée israélienne)
Illustration : Un réserviste de l'armée israélienne préparant l'équipement avant un exercice, sur une photo diffusée le 24 avril 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Ces derniers jours, une note de service du général Yadai a été publiée par le JTA, concernant l’interdiction et la poursuite des donateurs de matériel défensif et militaire aux soldats dans le besoin. Cette note, qui tend à renverser la responsabilité que l’armée a envers la population israélienne et ses conscrits, est une honte face aux erreurs répétées de l’administration militaire et du gouvernement depuis le 7 octobre 2023.

Alors que le devoir de toute armée dans le monde est de défendre sa population civile, et que l’essence même du consentement à l’impôt n’a pour but que de financer une armée capable de défendre les intérêts supérieurs de la nation, le commandement de l’armée décide, dans un tour de passe-passe légal, de mettre sur le dos de la société civile ses errements et ses manquements envers nos soldats.

Tamir Yadai, qui décide dans cette note publiée il y a quelques jours « d’appliquer la loi de la manière la plus stricte et de sanctionner au maximum » les éventuels contrevenants, oublie que lui et ses collègues de l’État-Major sont en partie responsables de l’état dans lequel Tsahal se trouve aujourd’hui. Un État où des soldats ont été pris en otage, un État où des soldats ont été laissés pour compte, un État où des soldats n’avaient pas l’équipement nécessaire pour se défendre, un État où l’armée a failli dans son rôle de défense de la nation le 7 octobre dernier.

Cependant, les relents du communisme sur lequel notre pays s’est fondé, et l’impossibilité de réformer considérablement et durablement nos institutions militaires, nous ont mis dans cette situation. Ces institutions, qui ont beaucoup trop compté sur la société civile, la diaspora juive et leur générosité respective, font aujourd’hui preuve d’une nuque raide face à leurs bienfaiteurs. Cette note et les décisions de Yadai ne sont pas seulement honteuses, mais scandaleuses.

Dans un pays où l’armée a failli à prévenir, sur la terre-refuge du peuple juif, le pire pogrom depuis la Seconde Guerre mondiale, la position de Yadai et de l’État-Major devrait être empreinte de retenue.

Dans un pays où soldats et réservistes n’avaient pas de matériel leur permettant de se protéger, Yadai et l’État-Major devraient faire profil bas et remercier chaleureusement les donateurs et volontaires qui, depuis des mois, se substituent à l’administration militaire, apparemment incapable ne serait-ce que de vêtir nos soldats, ces jeunes de 18 ans obligés de prendre la responsabilité de protéger notre pays.

Le contrat social auquel tout Israélien consent n’est valable que dans un pays où, en contrepartie de trois ans de nos vies et du risque de mourir au combat, l’armée nous dote de tous les atouts nécessaires pour nous garder en vie, en bonne santé, et nous permettre de nous concentrer sur la défense de notre pays. Ce ne sont ni les soldats ni la société civile qui doivent se préoccuper de la distribution de l’équipement vital, mais bien l’administration militaire. Pourtant, depuis bientôt dix mois, cette même administration faillit à ses responsabilités, et continue jusqu’à présent de faillir.

Aujourd’hui, le commandement de l’armée, par la voix du général Yadai, ajoute une brique de plus dans le mur de la honte qu’il continue d’ériger.

Ce n’est certainement pas en essayant de renverser la charge de la responsabilité sur les donateurs et la société civile que l’armée réussira à retrouver la confiance de la population israélienne, mais en procédant à une réforme complète de son administration, et en mettant au ban tous les responsables des failles du 7 octobre.

Si aujourd’hui, l’État-Major de l’armée pense sincèrement qu’il est temps de rechercher des coupables et des responsables, qu’à cela ne tienne, nous, société civile, pouvons également pointer du doigt toutes les failles du commandement central de ces dix derniers mois, et exiger la démission de chaque décisionnaire, à l’aube du plus grand massacre de Juifs du 21e siècle.

à propos de l'auteur
Âgé de 26 ans, Hillel Portugais - de Almeida est diplômé en Science Politique à l’Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne et en d’IDC Herzliya en Sécurité Intérieure & Cyber-Sécurité. Actuellement, consultant en politique publique, il ne cesse d’exprimer un point de vue distinct sur les sujets d’actualité
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