« Vous avez les montres, mais nous avons le temps »

Khaled Barakat, Rassemblement pour la Journée d'Al-Qods le 6 avril 2024 à Toronto, Canada. (Crédit : Capture d'écran Youtube / darstv ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Khaled Barakat, Rassemblement pour la Journée d'Al-Qods le 6 avril 2024 à Toronto, Canada. (Crédit : Capture d'écran Youtube / darstv ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

SEMMO n°8 – Savoir Ecouter les Maux du Moyen-Orient

Vous avez les montres, mais nous avons le temps – Victoire à la Pyrrhus ou défaite à la Hezbollah ? – Une voix rare au Pays des Cèdres – L’homme de Neandertal était Palestinien ?

Info n°1 : « Vous avez les montres, mais nous avons le temps »

Il faut ne pas être habitué au Moyen-Orient pour être surpris des cris de victoire multi-facettes qu’on entend ces derniers jours de la part des ennemis d’Israël. Depuis les cris de joie du Hezbollah libanais (voir l’info n°2 plus bas) lors de l’annonce du cessez-le-feu avec Israël fin novembre 2024, au lancer de bâton de Sinwar, ultime geste de « résistance » que ses soutiens ne considèrent pas comme dérisoire, en passant par le discours du Guide Suprême iranien : tous célèbrent la « victoire ».

« Mais quelle victoire ? » peut se demander l’esprit occidental. Les morts et destructions à Gaza et au Liban ? La réduction très significative des forces de frappes du Hezbollah, la quasi-disparition du Hamas, les destructions des défenses anti-aériennes en Iran, l’incapacité de la République islamique à toucher Israël malgré ses tirs massifs historiques de missiles balistiques, de croisières et de drones ?

Comme disaient les Talibans aux Américains dans les années 2010 alors qu’ils s’affrontaient en Afghanistan : « vous avez les montres, mais nous avons le temps ».

La désastreuse opération de retrait des derniers soldats américains en août 2021, prouve que les Talibans avaient effectivement le temps, et qu’ils ont depuis même récupéré les montres.

Khaled Barakat, un des dirigeants du FPLP-Front Populaire de Libération de la Palestine, est basé au Canada. Le 9 octobre 2024, il estimait que, grâce à « l’opération Déluge d’Al-Aqsa », le nom donné par le Hamas au massacre du 7 octobre 2023, les Palestiniens avaient donné une leçon de résistance au monde. Selon lui, la leçon fut bien apprise, si l’on entend les slogans proclamés partout dans le monde « From the river to the sea, Palestine will be free »[1]. D’ailleurs Barakat n’hésite pas à dire que « ce slogan fait très peur aux Sionistes. Ils ont raison d’avoir peur ».

Barakat estime que l’esprit de résistance des Palestiniens est tellement puissant que, cette fois, c’est la diaspora palestinienne qui se soulève.

Comme on le voit dans le monde entier, les manifestations, dans lesquelles ce slogan du fleuve à la mer est hurlé, montrent effectivement que le massacre du 7 octobre 2023 a donné du courage, non seulement à la diaspora palestinienne, mais aussi à de très nombreux adhérents extérieurs à leur cause.

Pour ne pas laisser de doute, Barakat rappelle d’ailleurs que le vrai slogan est : « la Palestine est arabe du fleuve à la mer », écartant bien le fait qu’il ne peut être question d’autre chose que d’un seul État arabe sur cet espace.

Ceux qui déclarent victoire sont ceux qui ont le temps, pas ceux qui portent les montres.

L’axe de la « résistance » à Israël a gagné des voix dans le monde entier, estiment-ils, et c’est cela le plus important.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/canada-palestine-pflp-khaled-barakat-river-to-sea-uprooting-israel

Info n°2 : victoire à la Pyrrhus ou défaite à la Hezbollah ?

Le nouveau Secrétaire Général du Hezbollah, Naïm Qassem, a déclaré que la victoire de son mouvement qui l’avait emporté face à Israël, était plus grande encore que celle de 2006.

Les critères que Naim Qassem cite pour juger de cette « grande victoire », montrent la particularité du système de valeurs islamique chiite : cette guerre fut plus longue que celle de 2006, plus féroce, et les « sacrifices » plus nombreux. Et il ajoute que malgré le soutien des États-Unis et de l’Occident dont l’ennemi a bénéficié, il n’a pas réussi à détruire le Hezbollah.

Rappelons que le fils de feu Hassan Nasrallah avait lui aussi déclaré, dans un message direct sur Instagram, que le nombre important de victimes libanaises était un cadeau à l’attention de Allah. Il invitait Allah à « reprendre » plus de martyrs, quand il le voulait.

Ce serait une grande erreur d’interpréter ces déclarations de victoires comme une preuve de l’irrationalité des dirigeants chiites, qu’ils se trouvent à Beyrouth, à Damas ou à Téhéran. La rationalité est une notion relative qui dépend du système de valeurs, de l’idéologie et … du temps.

C’est le fait de ne pas comprendre cette rationalité, différente de la nôtre, qui a coûté à Israël le massacre du 7 octobre. La fameuse « conceptia » israélienne reposait sur l’illusion que l’Axe de la Résistance agirait comme le système de valeurs occidentales. Le déclenchement par le Hamas du Déluge d’Al-Aqsa, autant que ces déclarations de victoires qui pourraient sembler absurdes, sont à prendre au sérieux.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/hizbullah-sec-gen-naim-qassem-victory-israel-2006

Info n°3 : une voix rare au Pays des Cèdres

Elles sont rares, mais quelques voix au Liban se prononcent contre le Hezbollah. Serge Dagher, Secrétaire Général du parti Kataeb, le parti social-démocrate libanais, anciennement appelé « Phalanges libanaises », fondé par Pierre Gemayel, est d’obédience chrétienne.

Serge Dagher félicite Israël pour sa victoire. Il n’exprime pourtant aucun soutien particulier en faveur d’Israël. Il se contente simplement d’analyser froidement la situation du Liban en 3 points :

  • Israël s’est fixé des buts de guerre qui ont tous été atteints : repousser le Hezbollah au-delà du Litani, empêcher le Hezbollah de se réarmer, et de répéter ses attaques dans quelques années.
  • Le Hezbollah est tombé au plus bas en acceptant d’être soumis à une garantie fournie par les États-Unis, la France, l’Allemagne, les Britanniques. Qui plus est, les États-Unis sont représentés par un Juif américain ancien soldat de Tsahal, Amos Hochstein.
  • Nous, les Libanais, avons commencé une guerre sous le seul prétexte que Monsieur Sinwar en avait déclenché une. Israël ne nous a pas attaqué puis envahi sans que nous l’ayons provoqué. Le Hezbollah nous a entraînés dans cette guerre. Mais en quoi tout cela nous concerne-t-il ? En quoi le fait que l’Iran soit attaqué nous concerne ?

On le voit, Serge Dagher ne va pas jusqu’à exprimer une opinion pro-israélienne. Et on le comprend. Sans préjuger de ses opinions personnelles, l’antisémitisme est tellement répandu dans toutes les composantes de la population libanaise, que cela serait impossible.

En attendant, et sans être naïf sur la capacité des pays occidentaux impliqués dans cette trêve de 2 mois à faire respecter le retrait et le désarmement du Hezbollah, saluons néanmoins cette voix du parti Kataeb.

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/tv/serge-dagher-congratulates-israel-victory-hizbullah-sinwar-october-2023-attack

Info n°4 : le saviez-vous ? l’homme de Neandertal était Palestinien

Mahmoud Abbas vient de désigner son successeur pour le cas où le poste qu’il occupe devenait vacant. Il s’agit de Rawhi Fattouh, actuel Président du Conseil National Palestinien. Abbas, âgé de 89 ans, a précisé que cette nomination ne serait valable que pour une durée maximale de 90 jours, période au cours de laquelle des élections devraient être tenues.

L’Autorité palestinienne n’ayant pas fait preuve d’une grande régularité dans l’organisation d’élections depuis l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Abbas en 2005, il serait raisonnable de s’attendre à ce que ces 90 jours durent très, très longtemps. Donc, autant apprendre à connaître Rawhi Fattouh.

Rawhi Fattouh, était en visite officielle en Algérie le 22 mai 2023. Il y a prononcé un discours mémorable dans lequel il critique Netanyahu qui, devant le Kotel Hamaaravi (Mur Occidental) venait de prétendre : « nous sommes là depuis 3000 ans ».

Mais 3000 ans, ce n’est rien, semble répondre Fattouh. Nous, les Palestiniens, nous sommes là depuis 1,5 millions d’années. On a trouvé des traces humaines de cette époque dans des grottes du Mont Carmel, estime-t-il judicieux de préciser.

« Jérusalem a été construite par nos ancêtres Jébuséens il y a 7000 ans, et cette ville appartient exclusivement aux Palestiniens, aux Arabes, aux Musulmans ».

On peut tirer deux conclusions de cette approche historiquement très peu orthodoxe, dont l’une est plus sérieuse que l’autre :

  1. Si l’homme de Neandertal était effectivement Palestinien, l’origine de son nom laisse penser qu’il était ashkénaze. Lorsqu’ils s’en rendront compte, les Palestiniens d’aujourd’hui lui demanderont sans doute de retourner en Allemagne[2].
  2. Pour ceux qui ont du mal à saisir la définition que les Palestiniens d’aujourd’hui donnent à « l’identité palestinienne », c’est très simple : c’est tout ce qui vient de la région… Et qui n’est pas Juif[3].

Pour en savoir plus : https://www.memri.org/reports/palestinian-authority-president-mahmoud-abbas-names-national-council-chairman-rawhi-fattouh

[1] « Du fleuve à la rivière, la Palestine sera libre ».

[2] Ça, c’est la conclusion pas sérieuse.

[3] Ça, c’est la conclusion sérieuse.

à propos de l'auteur
Laurent souhaiterait partager ses observations de la vie israélienne et française à travers son regard de Juif français devenu israélien en 2008. Il a pris l'habitude de regarder et analyser les phénomènes politiques, culturels, religieux, géopolitiques, sous un regard différent de celui qu'on a l'habitude de voir. En effet, avant d'arriver en Israël, il a vécu en France, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni. Il observe les phénomènes humains avec un très large point de vue, puisant dans son expérience de vie et dans son désir d'écrire. Laurent a passé son enfance en Allemagne, fait ses études de management en Alsace et passé sa carrière professionnelle au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Israël.
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