Vote juif américain

Le "second gentleman" Doug Emhoff apporte son soutien à Kamala Harris lors d'un événement pour les électeurs juifs dans la banlieue de Détroit, le 20 octobre 2024. (Crédit : Andrew Lapin via JTA)
Le "second gentleman" Doug Emhoff apporte son soutien à Kamala Harris lors d'un événement pour les électeurs juifs dans la banlieue de Détroit, le 20 octobre 2024. (Crédit : Andrew Lapin via JTA)

Les États-Unis ont bien changé. L’évolution démographique, avec la montée en puissance des minorités latino et asiatique, font que le Parti démocrate voit régresser deux de ses bastions traditionnels : la communauté afro-américaine et la communauté juive. Lors d’élections précédentes, on soulignait l’importance du vote juif. Aujourd’hui, on préfère s’intéresser au vote latino ou au vote arabo-musulman. Dans aucun des sept États clés (swing states), le vote juif ne sera déterminant.

Dans les États où les Juifs sont nombreux, le résultat ne fait pas de doute : en Californie et à New York, c’est la candidate démocrate qui l’emportera. La Floride n’est plus un État-clé depuis que l’évolution du vote latino l’a fait passer du camp démocrate au camp républicain.

Le vote des Juifs américains se porte traditionnellement sur le Parti démocrate qu’ils jugent plus attaché à la démocratie que ne le serait le Parti républicain. Ensuite, le Parti démocrate a toujours lutté contre l’antisémitisme. L’époux juif de Kamala Harris, Douglas Emhoff, mène ce combat à Washington, et son colistier, Tim Walz, a consacré un travail universitaire à l’enseignement de la Shoa. Last but not least, le soutien des présidents démocrates à Israël n’a jamais fait défaut.

Joe Biden se considère comme « sioniste bien que non juif » et pas seulement en paroles : sans les armes américaines et les 20 milliards de dollars consacrés en une année à la défense de l’État juif, où en serait Israël ?

Sur ce plan, les Juifs américains n’ont pas la même confiance en Kamala Harris, dont on voit bien qu’elle poursuivra la même politique mais en étant plus exigeante sur des questions comme l’aide humanitaire à Gaza ou le respect des droits de l’homme en Cisjordanie.

Plus encore, les Juifs américains, comme tous leurs coreligionnaires dans le monde, sont en crise : depuis le 7 octobre ils doutent de tout et d’abord de leur avenir en diaspora. D’où la tentation pour l’abstention ou un vote en faveur de candidats marginaux, voire un soutien à Donald Trump. Des choix minoritaires mais qui priveront la candidate démocrate de précieux suffrages. On la crédite aujourd’hui de 65 % des voix juives, alors que Joe Biden en avait obtenu 75 % en 2020, Barack Obama 78 % en 2008, et que Lyndon Johnson avait battu tous les records en 1964 avec 90 %. Il est vrai qu’à l’époque, les Juifs se sentaient en sécurité et optimistes. Israël aussi.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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