Vidéo de Simone Veil en Israël
Une grande dame vient de nous quitter. J’avais rencontré Simone Veil pour une interview en Israël en 2002 et je me souviens qu’au-delà des mots, c’était son regard lumineux qui m’avait impressionné.
En fouillant dans mes archives vidéo, j’ai retrouvé cette interview de Simone Veil à l’Institut Weizmann en compagnie de Maxi Librati, un homme extraordinaire lui aussi, rescapé d’Auschwitz et grand philanthrope.
En pleine seconde intifada, Simone Veil venait en Israël et exprimait son soutien à cette démocratie dans sa lutte contre le terrorisme. Elle nous parlait aussi du réel danger antisémite qui ne venait plus, selon elle, de l’extrême droite mais de l’extrême gauche. En voici quelques extraits :
Madame Veil bonjour, pouvez-vous nous dire pourquoi ce voyage en Israël ?
« D’abord, je viens très souvent [en Israël] pour des raisons très diverses. La dernière fois c’était pour yom haShoah et pour Yad Vashem parce que je préside en France la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et que nous travaillons maintenant beaucoup avec Yad Vashem. Aujourd’hui c’est pour l’inauguration de ce jardin de la mémoire, donc c’est encore lié à la mémoire. Mais c’est une mémoire… c’est très particulier ici parce que tout est projeté vers l’avenir puisqu’on travaille pour la recherche [Institut Weizmann], ce sont des chercheurs qui sont ici et qui travaillent pour le progrès de l’humanité, pour le bien de l’humanité. »
« Chez les juifs c’est important de dire que c’est toujours la vie qui doit l’emporter. »
– Vous n’étiez pas inquiète de venir en Israël en cette période de troubles ? [il y avait beaucoup d’attentats de kamikazes à cette époque, en 2002, pendant la seconde intifada]
« Ça ne me vient même pas à l’idée. Je suis quelquefois plus inquiète quand je traverse des fois en bas de mon bureau et qu’il y a beaucoup de voitures qui vont dans tous les sens, des motos qui arrivent, je n’y pense absolument pas.
Ce qui ne veut pas dire d’ailleurs que je ne comprenne pas l’angoisse très grande. Parce que c’est tout à fait autre chose de vivre en Israël. Et je comprends que pour l’activité des Israéliens, pour leur vie de tous les jours ce soit un très grand problème de savoir « est-ce qu’on prend le bus ou est-ce qu’on ne prend pas le bus? ».
Ici d’abord nous sommes très protégés. (…)
Quand on vit ici on est obligé d’aller dans les magasins, de prendre le bus, de faire des trajets, donc c’est une angoisse permanente que je comprends très bien. »
« Trop souvent l’opinion publique française ne comprend pas cette pression du terrorisme. C’est un terrorisme qui est en plus particulièrement redoutable avec ces actes de violence qui sont des actes de kamikazes qui se sacrifient eux-même pour tuer. Ils acceptent de se tuer mais en tuant le plus de gens possible, et notamment dans les bus ce sont des enfants, ce sont des femmes des gens qui n’ont vraiment rien à faire avec la situation. Il y a une méconnaissance je crois des dangers, d’une façon plus large, qui pèsent sur Israël, quand de nouveau on entend certains (ce qu’on entendait moins) mettre en cause la légétimité de l’état. Alors que – on ne sait pas toujours, les générations passent et ne savent pas toujours que l’Etat d’Israël a été créé par une volonté des Nations unies, sa sécurité assurée, et qu’il y a donc là une obligation pour tous les peuples de la maintenir. »
– Simone Veil une dernière question : on parle d’une montée de l’extrême-droite en France, vous qui avez justement vécu la Shoah, est-ce que vous pensez que la situation est comparable avec celle d’avant-guerre ou il n’y a aucun rapport ?
« Non il n’y a aucun rapport. Il n’y a aucun rapport parce que ce n’est pas du tout idéologique, c’était [avant guerre] une extrême droite très idéologique qui reposait d’ailleurs sur beaucoup d’intellectuels, il y avait toute une fraction… Je dirais qu’au fond en France avant la guerre, il y avait un peu l’opposition marxiste d’un côté et extrême droite de l’autre avec des gens très engagés qui admiraient l’Allemagne nazie et encore plus le fascisme italien… ça vraiment Le Pen ne s’appuie pas du tout là-dessus. Beaucoup plus sur un populisme avec de la xénophobie contre l’immigration. Mais je dirais qu’en ce moment, il faut savoir qu’en France les manifestations les plus claires, et je dirais les plus réfléchies, sont celles qui viennent d’une extrême gauche qui d’ailleurs, pour certains, emploie exactement, c’est très curieux, les termes, les mêmes arguments contre les Etats-Unis, le capitalisme international qu’incarneraient les juifs, une espèce d’alliance démoniaque qu’il faut abbattre. »
Barouh Dayan HaEmeth. Reposez en paix Madame Simone Veil.