USA-Israël : la raison l’emporte sur la passion

Le président Joe Biden et le président israélien Isaac Herzog dans le salon Roosevelt de la Maison Blanche à Washington, le 18 juillet 2023. (Crédit : Chris Kleponis)
Le président Joe Biden et le président israélien Isaac Herzog dans le salon Roosevelt de la Maison Blanche à Washington, le 18 juillet 2023. (Crédit : Chris Kleponis)

L’entretien du président Biden avec Benjamin Nétanyahou, suivi par la rencontre du président Herzog à la Maison Blanche et le discours au Congrès, mettent un terme à la crise entre Washington et Jérusalem. La raison, peut-être, l’a enfin emportée sur les relations passionnelles. Le président américain et le Congrès américain sont conscients que les intérêts politiques, diplomatiques, et stratégiques avec Israël sont réciproques. En fait, un affaiblissement de l’Etat juif par le mépris de Nétanyahou agira contre les intérêts des Etats-Unis au Moyen-Orient. Les Etats arabes proches de l’Amérique craignaient en effet l’abandon, une attitude similaire à leur égard. L’Arabie saoudite a déjà subi le même comportement inamical de la part de l’administration Biden.

Au fil des années, nous constatons que les relations entre les États-Unis et l’État juif soufflent le chaud et le froid. Depuis 1948, nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises parfois graves mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce. Les commentaires de certains journalistes, les analyses des anciens généraux du Renseignement, des leaders de l’opposition et des dirigeants communautaires sont toujours exagérés et alimentent, à chaque fois, la querelle pour des intérêts politiques ou personnels. En revanche, Nétanyahou a eu tort de jouer la carte des Républicains en négligeant le parti démocrate et ses nombreux militants juifs. Son intervention est interprétée de camouflet et d’ingratitude à l’égard des Etats-Unis, d’autant plus que parmi tous les présidents démocrates, ce président avait prouvé qu’il est un ami sincère de l’Etat d’Israël et que ses relations avec Nétanyahou ont débuté il y a plus de quarante ans alors que Bibi était ambassadeur à l’ONU.

Jusqu’à ce jour, Biden s’entêtait à nourrir les rancunes. Il est regrettable que les sentiments d’amertume s’exprimaient par des confidences au journaliste Thomas Friedman devenu bizarrement le porte-parole officieux de la Maison Blanche. Cette connivence entre le pouvoir américain et le New York Times est contraire à la déontologie, elle n’est pas digne de la part d’une grande puissance à l’égard d’un allié fidèle comme l’Etat juif. Elle met également en jeu la crédibilité d’un journal prétendant être indépendant et de référence. Franchement, cette attitude manque de transparence et de franchise, elle est hypocrite et même enfantine car comment expliquer les différentes versions concernant l’invitation de Nétanyahou à la Maison Blanche. Un président américain qui décide de réviser sa politique à l’égard d’Israël, doit le dire clairement, et non pas par le biais d’un journaliste prétentieux et moraliste proche de la cour et des farouches opposants à Nétanyahou… De même, comment réagir si Biden décidera demain d’aboutir à un accord tacite sur le nucléaire avec l’Iran…

La révision de la politique américaine est donc nécessaire, mais non pas pour punir Nétanyahou et isoler Israël. Washington devrait, tout naturellement, tourner la page et renforcer ses relations amicales et stratégiques avec Jérusalem. Trouver une entente et ne pas intervenir brusquement et publiquement dans nos affaires intérieures ni dicter l’ordre du jour concernant le dossier palestinien. La sagesse, la realpolitik, et la raison d’Etat devraient l’emporter sur toutes les divergences personnelles et les malentendus. Nétanyahou devra également suivre et prouver son leadership.

Dans ce contexte, le président Itzhak Herzog suit les pas de son père et joue un rôle très important dans ce sens. Il tente à apaiser les esprits en s’imposant comme intermédiaire dans les pourparlers entre la coalition et l’opposition sur la réforme judiciaire. Et à l’étranger, il demeure le représentant le plus respectable et le plus crédible de l’Etat juif et démocratique.

Son discours devant le Congrès a été remarquable et bien construit avec des messages clairs et limpides. Les multiples salves d’applaudissements témoignent de la grande amitié des Américains à l’égard du peuple juif et d’Israël. Il s’agit d’un atout stratégique considérable qui remet à leur juste proportion les divergences entre les deux gouvernements. Il n’y a pas d’autre alternative à l’alliance avec l’Amérique et nous devrions la sauvegarder tout en adoptant une politique indépendante mettant nos intérêts sécuritaires en priorité. Dans l’intérêt commun une concertation préalable est préférable avant toute décision majeure. Le président Herzog a évoqué justement le partage des mêmes valeurs universelles et que nous formons ensemble une grande famille. C’est dans ce cadre fraternel que nous devrions agir pour renforcer notre résilience et consolider nos relations avec la société des nations.

à propos de l'auteur
Ancien ambassadeur d'Israël. Journaliste-Ecrivain. Fondateur et directeur du CAPE de Jérusalem. Auteur de 25 ouvrages sur le conflit Israelo-arabe et sur la politique française au Moyen-Orient ainsi que des portraits-biographiques de Shimon Pérès, Ariel Sharon et Benjamin Netanyahou.
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