Une ville de Tunisie conserve la mémoire d’un héros français: le colonel Vautrin
Bembla est une petite ville de Tunisie située sur l’axe Sousse-Mahdia, à une vingtaine de kilomètres de Monastir. Elle vit principalement de la récolte des olives et du commerce de détail et de gros, son souk est l’un de plus dynamiques du sahel après celui de Moknine et l’on retrouve beaucoup de ses natifs à Sousse car ils sont réputés courageux et travailleurs. Des familles d’avocats connus de Sousse viennent également de Bembla.
A l’entrée de Bembla venant de Monastir, un petit massif enfoui sous des tilleuls et des arbustes sauvages dissimule une étonnante pierre ayant la forme d’un petit dolmen. Sur cette pierre une inscription que le temps n’a pas réussi a effacé : « A la mémoire du colonel Jean VAUTRIN chef d’état major de la 1ère Division blindée des forces françaises libres mort en mission le 28 avril 1943 »
Engagé dans les forces françaises libres du général de Gaulle en 1943, le colonel Vautrin s’était dès 1940 illustré dans la résistance intérieure française en créant et en structurant les premiers réseaux de résistance du sud est. Sabotages, départs en mer, parachutages, préfiguraient un engagement plus strictement militaire à Londres, auprès du BCRA (services secrets de la France Libre) puis à la tête de l’état major de la 1ère division française libre. Les témoignages de ses supérieurs comme de ses troupes sont unanimes : « soldat d’élite, d’une très grande classe, d’une grande efficacité ».
A la tête de l’état major de la 1ère division FFL il est au début de 1943 à Tobrouk ou il dirige les préparatifs de la libération de la Tunisie par les alliés en avril. Il décide de se rendre à Tripoli d’où il partira pour Monastir afin de superviser pour la France les discussions stratégiques au Quartier général de la VIIIe armée. Parti en avion avec quelques hommes et son pilote, son avion tournera de longues minutes au-dessus de l’aéroport de Monastir, ne pouvant y accéder car aucune piste n’était disponible. Une erreur de pilotage et l’avion se crasha en flammes au-dessus de Bembla.

80 ans plus tard, en 2023, Bembla a conservé la mémoire de ce héros et de sa triste fin.
Mais l’histoire de Jean VAUTRIN et de la Tunisie ne s’arrête pas là. Comme un incroyable signe du destin, la fille de Jean VAUTRIN, madame Colette VAUTRIN, épousa un important homme politique français des années 1950/1974, Christian FOUCHET. Ministre de l’outre-mer sous Pierre MENDES FRANCE, c’est lui que l’on distingue à gauche sur la photo aux côtés de Tarak Ben Amar et qui négocia au nom de la France les accords pour l’autonomie interne de la Tunisie.
Jusqu’à sa mort le président BOURGUIBA entretint le souvenir ému de Pierre MENDES FRANCE, Alain SAVARY et Christian FOUCHET et c’est d’ailleurs peut-être lors d’une visite de Christian FOUCHET comme ministre de l’Intérieur en 1968 que le président BOURGUIBA fît ériger la petite stèle en l’honneur du colonel VAUTRIN.
Il y a une dizaine d’années j’avais envoyé la photo de la stèle de Bembla à Mme Colette FOUCHET, fille du colonel VAUTRIN. Elle en avait été très émue. Aujourd’hui décédée là ou elle est elle sait que le souvenir de son héros de père est à jamais conservé à Bembla au milieu des odeurs de jasmin et d’oliviers.
