Une période de miracles

Des réservistes, des anciens combattants et des militants rassemblés devant la Cour suprême pour protester contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, à Jérusalem, le 10 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des réservistes, des anciens combattants et des militants rassemblés devant la Cour suprême pour protester contre la réforme du système judiciaire prévue par le gouvernement, à Jérusalem, le 10 février 2023. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

On pensait que le gouvernement consacrait tous ses efforts à gagner la guerre, à ramener les otages, ou à renforcer une économie qui en a bien besoin. Erreur : il s’efforce aussi de mettre en œuvre ses réformes les plus contestables.

S’il n’y avait pas eu l’assassinat à Mjadal Shams de douze enfants et adolescents tués par une roquette lancée par le Hamas, la dernière journée de la session d’été de la Knesset aurait été consacrée à l’examen de textes controversés. Comme cette loi qui prive en pratique les ultra-orthodoxes d’abandonner leurs « téléphones cacher » pour des appareils connectés à Internet ; Itamar Ben Gvir a promis que son parti voterait cette loi en échange d’un texte lui permettant de réprimer plus durement les constructions illégales dans le secteur arabe, particulièrement chez les Bédouins du Néguev. Vise-t-il en particulier ceux qui ont été victimes du Hamas le 7 octobre, ou ceux qui n’ont pas hésité à porter secours aux citoyens sans défense ?

Le ministre de la Justice, Yariv Levin, n’a pas abandonné sa grande œuvre visant à ôter son indépendance à la justice. Il veut faire adopter une loi qui autoriserait des personnalités sans compétence professionnelle à exercer des fonctions au sein du système judiciaire. On n’arrête pas le progrès.

Le ministre de la Culture, Mickey Zohar, entend modifier les critères de soutien à la production cinématographique en privilégiant les productions qui rencontrent du « succès auprès du public ». Une façon comme une autre de priver les jeunes créateurs et les cinéastes innovants de financements publics.

Le ministre des Finances, Betzalel Smotrich, a décidé, en sus des coupes budgétaires qui affectent tous les ministères, de réduire de 15% les dotations aux localités arabes, alors que celles-ci sont de nouveau la proie des gangs.

Cette liste est loin d’être exhaustive. On se gardera d’oublier ce qui se passe sur le terrain, en Cisjordanie : le gouvernement légalise des colonies sauvages, autorise des saisies de terres (1 200 hectares dans la vallée du Jourdain) et la construction de nouveaux logements (5 300 dans la dernière période).

Last but not least, il ferme les yeux sur les exactions des « jeunes des collines » qui sèment la terreur dans des villages palestiniens, détruisant les récoltes et attaquant les habitants. C’est sans doute ce qui a conduit la ministre Orit Strok à déclarer que l’on vivait dans la région une « période de miracles ». Les otages, les combattants sur le front, et leurs familles apprécieront.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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