Un silence assourdissant
Il existe plusieurs types de silence.
Le silence pastoral où seuls les chants des oiseaux et la douce musique du clapotis d’une rivière viennent rythmer ce silence paisible.
Le silence de la solitude, du désert où seule sa propre respiration vient troubler l’absence de bruit.
Au Moyen-Orient, le silence est d’habitude une denrée rare. Le bruit est constant et en Israël, seul le jour de Kippour où la circulation s’arrête, le silence est rythmé par le bruit des enfants qui s’emparent des routes armés de leur vélo.
Mais depuis le 7 octobre, j’ai découvert un autre silence. Le silence assourdissant de la sidération.
À l’heure où j’écris ces lignes, le pays est entré avec appréhension dans la journée du Souvenir. Le souvenir de tous ceux qui sont tombés au cours des guerres et des attentats qui ont parsemés la vie des Israéliens depuis que le projet sioniste à été relancé à la fin du 19eme siècle.
Et cette année, les cérémonies sont encore plus difficiles que d’habitude.
Dans ma ville, durement touchée par cette guerre déclenchée par le Hamas, les noms des victimes se sont rajoutés à la liste déjà longue de disparus. Et cette année, lorsque la liste a été lue, ce n’était plus juste des noms pour beaucoup. Les visages nous sont tous familiers. La douleur des familles nous est proche et connue.
Et malgré la foule, malgré la culture méditerranéenne qui fait que d’habitude personne ne peut rester silencieux plus de quelques minutes, cette fois le silence était total. Malgré la foule. Un silence assourdissant. Fait de douleur et de tristesse.
Une foule diverse mais unie dans cette douleur.
Mais comme me l’a dit quelqu’un aujourd’hui, c’est un peu le Jour du Souvenir, Yom Hazikaron, tous les jours depuis le 7 octobre.
Malgré la résilience nationale, malgré la volonté farouche de continuer à chérir la vie, la douleur et la tristesse sont visibles pour celui qui connaît le pays.
Ce silence assourdissant nous accompagne depuis 7 mois. Le silence dans les rues lorsque les roquettes tombent. Le silence des villes qui ont été évacuées.
Et le silence du monde face à ce que nous vivons. Ou à tout le moins des élites et des groupes extrémistes et de leurs idiots inutiles qui se sont engagés dans une campagne génocidaire à l’échelle mondiale en accusant justement Israel de génocide. L’inversion de la réalité. Les pressions intensives pour qu’Israël cesse de traquer les terroristes du Hamas, lui retirant ainsi tout outil de pression pour forcer ces sanguinaires à nous rendre les otages qu’ils ont arrachés à leur vie.
Le silence assourdissant du monde face à une réalité banalisée qui exclut les Juifs des campus universitaires. Comme dans les années 30 en Allemagne.
Le silence assourdissant face aux bruits des émeutiers qui empêchent une simple chanteuse de se produire lors de l’eurovision. Ironie cruelle alors que cette tragique guerre a débuté lorsque des violeurs fanatiques s’en sont pris à des jeunes participant à un festival de musique.
Alors ne me parlez de la situation terrible que vivent les gazaouis. Car votre silence assourdissant est complice de leur malheur. Il suffirait que le monde hurle que le Hamas doit rendre les armes et les otages pour que cette tragédie s’arrête.
Mais il n’en est rien.
Le monde a découvert l’usage à outrance de la conjonction “oui mais”.
Pourtant je garde espoir que la fameuse majorité silencieuse finisse par se rebeller et refuse de se voir imposer le totalitarisme face auquel Israël demeure le seul rempart.
Et peut-être qu’une simple compétition de musique laisse entrevoir cet espoir. Car alors que les jurys officiels des différents pays ont choisi la voie de l’apaisement chère à Daladier, le public de ces mêmes pays a choisi de soutenir en masse une jeune chanteuse de 20 ans qui a dû se déplacer dans un convoi blindé digne des présidents des plus grandes puissances pour pouvoir aller chanter.
Je suis peut-être naïve et me raccroche à de fols espoirs.
Mais justement, le Yom Hazikaron enchaîne directement sur la fête d’indépendance de mon pays dont l’hymne est l’Hatikva, l’espoir.
Alors je garde espoir que tous ces jeunes dont le visage nous est à tous familier et qui se sont battus pour que nous puissions vivre, ne sont pas tombés en vain.
Et que si nous continuons de les pleurer et de tenter de consoler leurs familles, nous pourrons vivre de nouveau et écouter les silences paisibles.