Un projet franco-israélien d’archéologie sous-marine distingué par l’UE

Emmanuel Nantet (Crédit : Autorisation/Laboratory for Nautical Archaeology and History)
Emmanuel Nantet (Crédit : Autorisation/Laboratory for Nautical Archaeology and History)

L’Université de Haïfa vient de décrocher un prestigieux projet de recherche européen en histoire et archéologie, et nous avons de nombreuses raisons de nous en réjouir.

C’est un projet franco-israélien dans son ADN, financé par le European Research Council (ERC) attribué par un comité très sélectif, formé de scientifiques internationaux.

Le projet sera piloté par Emmanuel Nantet, enseignant-chercheur à l’Université de Haïfa dans le Département des Civilisations Maritimes, et membre de l’Institut Leon Recanati des Études Maritimes (École d’Archéologie et des Cultures Maritimes). Le docteur Nantet est l’un des 24 récipiendaires israéliens pour 2022, et le seul en histoire et archéologie pour cette année en Israël.

Une collaboration franco-israélienne

Alors qu’on a souvent tendance à privilégier les sciences dures dont la portée utilitaire semble plus convaincante, l’archéologie peut aider à vérifier ou à infirmer une démarche historique, et les progrès scientifiques ont permis de faire avancer notre compréhension de l’archéologie.

Réciproquement l’archéologie, qui étudie les matériaux transformés par les hommes, permet de mieux comprendre la variété des cultures humaines.

Ainsi, parmi les nombreux domaines de recherche où la France et Israël collaborent, il en est un qui passe souvent sous les radars : c’est l’archéologie sous-marine. La collaboration déjà existante, assez forte, est appelée à connaître un solide coup de pouce grâce au projet soumis par Emmanuel Nantet auprès de l’ERC et qui a été distingué par cette institution.

Les projets de recherche accordés par l’ERC portent habituellement sur un budget d’environ 2 millions d’euros sur 5 ans, destinés à financer des opérations (fouilles, prospections…), l’acquisition d’équipements sophistiqués, des bourses doctorales et post-doctorales, des analyses, ainsi que des colloques et des publications.

La subvention, qui jouit d’un grand prestige au plan international, n’est accordée qu’à un nombre très limité de récipiendaires.

Le navire au port

Israël peut se réjouir d’avoir décroché cette année 24 bourses Consolidator, ce qui constitue une belle performance. La catégorie des bourses Consolidator est réservée aux chercheurs européens qui ont soumis leur projet entre 7 et 12 ans après avoir fini leur doctorat.

Emmanuel Nantet, qui a fait ses études à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne avant d’être élu maître de conférences à l’Université du Mans, exerce à l’Université de Haïfa depuis 2017.

Le projet s’intitule : Ships Harbouring In Ports (SHIPs). Il permettra d’élaborer une méthodologie afin de comparer les ports antiques. Cette approche soulignera la nécessité de prendre en compte le navire pour comprendre le fonctionnement du système portuaire. La recherche reposera sur plusieurs ports en Méditerranée, principalement situés en Israël, en France, et en Italie.

Ce sont des questions qu’Emmanuel Nantet a eu l’occasion d’aborder dans son ouvrage de synthèse sur la marine antique : Phortia. Le tonnage des navires de commerce en Méditerranée du VIIIe siècle av. l’è. chr. au VIIe siècle de l’è. chr. (Presses Universitaires de Rennes, 2016, Prix Sophau et Prix Etienne Taillemite).

La France a été son port d’attache

Ce projet s’inscrit dans la continuité de plusieurs fouilles terrestres et sous-marines dirigées par Emmanuel Nantet, notamment sur une épave romaine à Césarée et des structures qui s’étendent sur la rive du lac de Tibériade. Lors de ces fouilles, la collaboration avec la France s’est illustrée entre autres par la participation de nombreux chercheurs et étudiants liés à l’Université de Perpignan-Via Domitia (UPVD). Les travaux menés à Tibériade ont été financés par l’Université de Haïfa, l’Israel Science Foundation (subvention n° 512/19) et le LabEx Archimède.

En outre, Emmanuel Nantet intervient régulièrement dans la formation en archéologie sous-marine dispensée à l’UPVD, et a dirigé des étudiants de master et de thèse au Mans et à Perpignan. Il faut souligner qu’il est aussi un pilier des opérations menées par l’Association pour les Recherches sous-marines en Roussillon (ARESMAR) à Port-Vendres près de Perpignan.

À l’évidence, la collaboration franco-israélienne en archéologie portuaire joue un rôle essentiel dans ce projet. De ce fait celui-ci va contribuer à renforcer les relations entre Israël et l’Union européenne dans le domaine de l’histoire et de l’archéologie. D’autres pays européens seront en effet impliqués puisque la démarche s’étendra à d’autres sites méditerranéens.

Le projet permettra d’envisager comment les ports « arrimaient » entre eux des territoires aux cultures différentes, connectant l’Europe et le Proche-Orient par notre mer commune, la Méditerranée.

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