Un Pessah cher pour les Israéliens

Achats alimentaires pour la fête juive de la Pâque.
12 avril 2011, photo de Sophie Gordon / Flash 90
Achats alimentaires pour la fête juive de la Pâque. 12 avril 2011, photo de Sophie Gordon / Flash 90

En cette veille de Pessah, les Israéliens n’ont pas d’humeur à faire du shopping, et ce n’est pas seulement à cause de la réforme judiciaire.

Cette année, la fête coûtera cher aux Israéliens, peut-être plus cher que jamais ; l’incapacité du gouvernement à faire face à la cherté de la vie y est pour quelque chose.

En période d’inflation rampante, la coalition gouvernementale avait promis de tout faire pour arrêter les hausses de prix ; or la réforme judicaire a fini par prendre le dessus, repoussant à plus tard les mesures destinées à alléger le coût du panier de la ménagère.

L’Israélien se souvient comment, dès sa prise de fonction en janvier dernier, le Premier ministre Netanyahou avait réuni une conférence de presse pour exposer les mesures immédiates que son gouvernement entendait prendre pour abaisser le coût de la vie.

Trois mois ont passé et les promesses s’entassent dans les tiroirs des ministères des Finances, de l’Economie et du Logement. Avec une seule exception : une taxe sur les boissons sucrées que le ministre des Finances vient d’annuler.

Faute d’un véritable plan de lutte contre la hausse des prix, l’inflation a redressé la tête (5,4% sur les douze derniers mois), de quoi faire grimper les dépenses des ménages et ternir l’humeur des Israéliens.

Curieusement, la lutte contre la cherté de la vie ne figure pas comme une priorité du budget 2023-2024 qui vient d’être déposé sur le bureau de la Knesset ; voici quelques exemples de promesses non tenues qui vont renchérir la fête de Pessah.

Importateurs exclusifs

On sait qu’une des causes de la cherté de la vie en Israël est liée à l’existence de monopoles qui augmentent leurs prix sans souci de la concurrence ; ces monopoles dominent aussi bien la production et la distribution des produits de première nécessité, que l’importation d’alimentation et de cosmétiques.

En Israël, les importateurs exclusifs de produits alimentaires disposent d’un pouvoir anormalement fort qui leur permet de dicter leurs prix aux consommateurs.

Le gouvernement avait promis de lutter contre le monopole des importateurs exclusifs ; il s’agirait de réduire le nombre de produits qu’un importateur peut importer en exclusivité de l’étranger, et donc d’introduire un peu de concurrence pour tirer les prix vers le bas.

Cette mesure qui s’impose semble avoir disparu du budget 2023 ; les Israéliens continueront de payer au prix fort les produits de Pessah fabriqués à l’étranger.

Produits sans marque

En Israël comme ailleurs, les produits sans marque ont un coût moins élevé pour le distributeur et sont donc vendus moins cher que les marques de renom, ce qui permet de réduire substantiellement les dépenses des ménages.

Seulement voilà, les produits sans marque sont rares dans les supermarchés israéliens ; à peine 25% des articles vendus par les grandes chaînes de distribution sont sans marque, soit la moitié de la moyenne européenne.

Pour abaisser les prix, le gouvernement avait promis d’obliger les distributeurs à augmenter la part des produits sans marque proposés à leur clientèle ; une mesure qui ne figure pas comme une priorité des pouvoirs publics pour l’année en cours.

Certes, l’arrivée en Israël du géant français de la distribution Carrefour est une bonne nouvelle pour le consommateur israélien ; mais la gamme de produits proposés est encore réduite et l’influence de la marque reste modeste.

Logements bon marché

Le logement est un des principaux postes de dépense d’une famille israélienne. Dès sa formation, la coalition gouvernementale avait promis de présenter rapidement un plan d’action qui viserait à augmenter l’offre de logements et donc à abaisser les prix.

Trois mois plus tard, rien à l’horizon ; le ministre du Logement se contente de déclarations tonitruantes, sans les accompagner d’un programme précis et chiffré.

A défaut de logements bon marché, les jeunes couples continuent de débourser beaucoup d’argent pour payer leur loyer ou rembourser leur prêt hypothécaire.

A l’approche de Pessah, l’Israélien va devoir payer cher son repas du Seder ainsi que tous les frais liés à cette semaine de fête et de vacances scolaires ; et ce n’est pas (seulement) la faute à la réforme judiciaire…

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
Comments