Un héros nommé Fradji
C’est en lisant un article du Times of Israël sur les 20 000 haredim du mouvement ultra-orthodoxe Satmar, bien au chaud à New York, manifestant contre la circonscription obligatoire en Israël, que je n’ai pu m’empêcher de penser à Fradji.
Vous ne le connaissez pas mais je peux vous assurer que c’est un vrai héros.
Fradji a 22 ans. Six mois après sa naissance, il a été diagnostiqué atteint d’un syndrome génétique rarissime, le syndrome de Lowe.
Cette mutation génétique sur le chromosome X, qui n’atteint que les garçons, se caractérise par une cataracte bilatérale avec glaucome, une pathologie rénale qui empêche la réabsorption des principaux minéraux indispensables au corps humain, un développement anormal du cerveau avec un important retard psychomoteur et des trouble épileptiques, et enfin une hypotonie musculaire.
Tout cela pour dire que bien avant ses premiers pas, Fradji avait déjà été opéré de très nombreuses fois et que sa vie dépend de la prise quotidienne d’une vingtaine de médicaments. Sans parler de ses nombreuses fractures osseuses et de ses hospitalisations pour insuffisance rénale ou crises épileptiques.
Fradji ne s’est jamais plaint, n’a jamais manifesté de haine ou usé d’une quelconque forme de violence. Il est tout amour et spontanéité, n’oubliant jamais un visage ou un nom. Timide au premier contact mais très vite familier si on lui manifeste la moindre attention.
Il adore la musique, surtout celle de Christophe Mahé, et rêve de devenir un jour pompier. Il est un peu « cabot », grognon parfois. Comme lorsqu’il devait se lever à six heures du matin, six jours par semaine, pour aller attendre en bas de chez lui le bus de ramassage pour son école spécialisée.
Ou comme lorsque le médecin orthopédiste lui refuse l’autorisation de faire du vélo malgré les multiples protections dont il veut bien s’équiper. Ou encore lorsqu’il trouve qu’on ne le fait pas assez travailler dans sa base militaire de Palmahim.
Car, oui, Fradji est engagé volontaire dans Tsahal, grâce à un merveilleux programme d’intégration des jeunes handicapés dans l’armée, et il prend son rôle très au sérieux. A juste titre, puisqu’il vient de recevoir des mains du Président de l’Etat, Reuven Rivlin, une attestation de soldat d’excellence.
Et je n’ai pas assez de mots pour remercier le Times of Israël pour avoir témoigné de cette cérémonie. Fradji figure tout à la fin de la vidéo.
Bien sûr, Fradji n’est pas un combattant, mais à son poste, celui du rangement de l’approvisionnement dans sa base, il accompli une tâche indispensable dans l’esprit de Tsahal : participer à l’effort national dans la mesure de ses moyens. Et même si ils sont très… très limités.
De l’autre côté, ils sont des dizaines de milliers, en excellente santé, grâce à D…., qui estiment scandaleux que l’on veille les sortir de leur confortable yeshiva, et qui n’hésitent pas à lapider un soldat portant kippa et papillotes, pour peu qu’il vienne à se promener dans LEUR quartier, où des Maîtres Rabbis, imbus de leurs habits satinés et de leurs schtreïmels de zibeline, règnent en despote après avoir intrigué des décennies pour devenir Calife à la suite du précédent Calife.
Quelle est donc cette Torah et ce Talmud, dont ils se prévalent, qui dispenseraient un homme de l’effort de guerre parce qu’il a décidé que l’étude lui valait dispense, pendant que les Fradji de cette Terre portent l’uniforme ?
Ce n’est pas la Torah que l’on m’a enseigné, celle de Moïse qui a établi les règles de dispense de guerre. Ce n’est pas le Talmud que j’ai étudié, celui des Gaonim qui exerçaient tous une activité professionnelle, outre l’enseignement des textes.
Par quelle perversion ses nouveaux gourous osent-ils prôner la violence contre des soldats et l’insubordination ? L’engagement dans Tsahal ne serait-il bon que pour les impies ?
Du fait de sa maladie oculaire, Fradji a énormément de mal à lire et ne peut apprendre à écrire. Pourtant, au jour de sa Bar Mitsvah, il a réussi à lire, grâce au dévouement sans bornes de ses parents et de ses maitres, une « montée » complète de sa Paracha, et sans commettre la moindre faute.
Il fallait assister à ce miracle, celui d’un homme-enfant debout sur une chaise, le visage à deux millimètres du rouleau de Torah, chanter les versets qu’il ne percevait qu’au travers d’un épais brouillard. Depuis ce jour, assisté d’un adulte, il enroule quotidiennement ses tephilines et récite le Chéma, le cœur rempli d’amour.
C’est bien lui, Fradji, le vrai harédi, craignant-D…, car il aime son prochain comme lui même, au point de servir dans la base de Palmahim comme tous les autres soldats qu’il côtoie au quotidien et qui partiront peut être un jour au combat, acceptant de sacrifier jusqu’à leur vie, pour que Fradji et tous les autres handicapés puissent vivre la leur et continuer à servir leur pays.
Fradji Haïm est mon neveu, fils de ma petite sœur et d’un beau-frère qui est bien plus qu’un frère. Par son amour inconditionnel, son combat quotidien contre les méfaits de la maladie et son humble obole à un monde qui ne lui a, pourtant, pas fait de cadeau , Fradji nous a rendu tous plus forts, plus solidaires, plus courageux, en un mot : meilleurs.
C’est de cet Homme, debout, que tous ces jeunes haredim devraient s’inspirer pour vraiment comprendre ce qu’est l’amour du prochain, pilier du monde que D… nous a créé.
Fasse l’Eternel que Fradji puisse, encore longtemps, nous montrer sa bravoure et qu’un jour vous, chers lecteurs, ayez la chance de rencontrer enfin un vrai héros.