Après 15 ans d’alyah, je pense sérieusement à quitter le pays
Cette semaine le 35e gouvernement a été formé avec 34 ministres… pour le moment.
Le gouvernement le plus « gonflé », disent-ils dans l’histoire de l’État. Et au moment où le gouvernement « gonflé » gonflait, c’est à ce moment que mon rêve a explosé. Un rêve qui a commencé il y a un peu plus d’un an et qui semble finalement avorté.
J’ai voté pour un changement. La moitié du pays a voté pour un changement, et nous avons reçu un couteau dans le dos. Ils ont essayé de nous expliquer que c’était un gouvernement d’urgence qui, en raison de la situation, devait être responsable et s’unir.
Parlons donc de cette union, parce que ce que je vois n’est que scission et toujours scission. Fractionnement des emplois d’abord. Pourquoi la finance et l’économie ne sont-elles plus liées ? Pourquoi l’enseignement supérieur n’est-il pas associé à l’éducation ou, au moins (comme en France), à la science et à la technologie ? N’ont-ils vraiment pas vu de lien entre le ministère de l’immigration et celui de la diaspora, ou entre l’égalité sociale et le renforcement et la promotion communautaire – qui, soit dit en passant, avait Polyshouk comme prédécesseur ? Ou même, ces quatre bureaux auraient-ils pu être combinés. Cela aurait été plus simple, économisé beaucoup d’argent et plus efficace… C’est peut-être la raison pour laquelle ils n’ont pas été consolidés : la simplicité, l’économie et l’efficacité paraissent être l’antithèse du 35e gouvernement.
Viennent ensuite les emplois fictifs, les inventions pour que les amis et ennemis de toujours restent « proches de l’assiette » et servent leurs intérêts politiques. C’est ainsi qu’on a un ministre qui fait la liaison entre la Knesset et le gouvernement (le gouvernement qui risque de ne plus être associé à la Knesset, à cause de la loi norvégienne proposée, puis… repoussée), ou un ministre au ministère de la Défense – le ministre de la Défense ne serait-il pas assez ministre ? Je ne suis plus cette folle logique.
Sans parler des emplois irrationnels comme le ministre des affaires de Jérusalem, comme si un maire ne suffisait pas. Ou le ministre de la Construction et du Logement, qui, après s’être avéré un ministre de la Santé particulièrement virtuose de l’incompétence et de l’incohérence – qui traîne des affaires plus choquantes les unes que les autres – pourra agir dans des conflits d’intérêts aveuglants. Et la liste est longue.
Alors oui, c’est une blague, mais cela ne me fait plus rire. C’est déjà bien trop douloureux et honteux. Je suis gênée de voir un groupe de menteurs, de parties intéressées et d’égocentriques prêter serment à la Knesset, mais il semble que la honte soit quelque chose qu’un membre de la Knesset ne peut plus ressentir de nos jours. Les gens crient et pleurent dehors, il y a un million de chômeurs, ce qui signifie des centaines de milliers de familles qui ne savent pas comment finir ce mois. Où est leur humilité ?
J’ai aimé et été fière de ce pays ; mais ils auront finalement réussi à me décevoir au point de me sentir mise à la porte. Pour la première fois, cette semaine, je pense sérieusement à quitter le pays, après 15 ans d’alyah. Pendant longtemps, j’ai été outrée et fatiguée de payer autant d’impôts sur tout, mais si c’était le seul prix et que tout le reste fonctionnait, je l’aurais accepté.
Mais ce n’est pas le cas : nous avons les enfants les plus affamés de l’OCDE, un tiers des survivants de la Shoah vit en dessous du seuil de pauvreté, les appartements coûtent plus cher qu’à Paris et les hôtels moyens valent le même pris qu’un 5 étoiles en Suisse. Même si la vie au quotidien a ses avantages, la météo, des gens attentionnés, le sentiment de sécurité dans les rues, cela ne suffit plus.
Cette « grande histoire » ne suffit plus pour me retenir ici. J’ai le sentiment que ce gouvernement cherche définitivement à me chasser de chez moi. Je refuse de coopérer à cette farce, à ce sabotage. J’ai l’impression qu’un groupe de gangsters au-dessus de la loi gouverne à présent, et je préfère ne pas élever mes enfants dans ces conditions.
Il a fini en prononçant deux mots à la Knesset : responsabilité et union. Mais le peuple entier a ressenti deux autres mots : honte et disgrâce.