Un « couple messie », Rivka et Yitzhak
יִצְחָק מְצַחֵק, אֵת רִבְקָה אִשְׁתּוֹ
« Yitzhak rit avec Rivka sa femme » Genèse 26,8
Rivka est l’épouse d’une figure messianique, le patriarche du milieu, Yitzhak, celui dont on parle très peu en comparaison avec son père Avraham et son fils Yaakov. D’ailleurs lui-même parle peu, il laisse son père tout décider et semble assez passif. Avraham envoie Eliezer lui chercher une femme qu’il épouse dès qu’elle descend de chameau. Il fait confiance à son père et au serviteur de son père. Il est le seul patriarche à n’être jamais sorti de la terre d’Israël et il est le seul à n’avoir eu qu’une seule épouse. En effet, le Messie n’est pas uniquement un homme mais plutôt un couple, un couple messianique.
Le couple Yitzhak-Rivka a été prévu par HaChem de toute éternité. Les Maîtres d’Israël disent qu’HaChem passe Son temps à faire des mariages et à provoquer la rencontre d’âmes sœurs. C’est Sa principale activité, parce que tout Son projet pour le monde dépend de ces mariages réussis. Lorsqu’Eliezer s’inquiète en pensant que, peut-être, la femme qu’il aura trouvée pour Yitzhak ne voudra pas le suivre, Avraham répond : « L’Éternel, le Dieu des cieux, qui m’a retiré de la maison de mon père et du pays de ma naissance, qui m’a promis, qui m’a juré en disant : « Je donnerai cette terre-ci à ta descendance », lui, il te fera précéder par son ange et tu prendras là-bas une femme pour mon fils » (Genèse 24,7).
C’est la raison pour laquelle Rivka accepte sans la moindre hésitation de suivre Eliezer vers une destination qu’elle ne connaît pas, parce qu’elle possède une confiance indéfectible en HaChem (emouna). Et dès qu’elle voit Yitshak de loin, elle comprend qu’il est celui qu’HaChem lui a destiné. Aussitôt ils vont dans la tente sans avoir même pris le temps de faire les présentations ! Ils laissent HaChem diriger leur vie.
Rivka possède une bonté démesurée. Cette bonté est d’ailleurs le signe convenu entre Eliezer et HaChem pour la reconnaître : non seulement Rivka ne se contente pas de puiser de l’eau pour désaltérer Eliezer, mais elle lui propose de faire boire aussi ses dix chameaux ! On découvre aussi en elle une épouse attentive, qui connaît les goûts culinaires de son époux et cherche à les satisfaire, ce dont elle usera par ailleurs dans son plan pour que Yaakov obtienne la bénédiction d’Yitzhak.
Yitzhak est celui qui rira à la fin des temps (de l’hébreu yitzhak signifiant « il rira ») et qui rit déjà dans un seul passage de la Torah : lorsqu’il caresse Rivka, celle qu’il a qualifiée de sœur auprès du roi Abimélekh et qui en réalité est son épouse (Genèse 26,8). Sœur, épouse, mère sont les caractéristiques de la véritable épouse capable de combler son époux à tous les niveaux. Non seulement Yitzhak trouve en elle une épouse, mais il retrouve aussi une mère : « Il l’aima et se consola d’avoir perdu sa mère ». Rachi dit que Rivka est devenue comme Sarah, qu’elle a pris sa ressemblance.
Rivka est enceinte de deux jumeaux qui remuent beaucoup en son sein. Dans sa vision prophétique, elle sait que l’aîné servira le second, et elle est l’instrument dont se sert HaChem pour réaliser Son projet. Elle sait que de Yaakov doivent sortir les douze tribus d’Israël, et elle fait tout pour que ce soit lui qui reçoive la bénédiction de son père à la place de l’aîné. C’est aussi la raison pour laquelle elle envoie Yaakov chez son propre frère Lavan afin de le protéger et pour qu’il trouve là-bas son épouse.
L’aîné c’est Esav, le roux, le sanguinaire, le violent. Le second, Yaakov, d’un caractère doux et discret, aime rester dans la tente à étudier, près de sa mère. Esav n’est pas complètement mauvais, il y a en lui à la fois du bon et du mauvais. Il est même le fils préféré d’Yitzhak, alors que Rivka affectionne Yaakov. Pour les commentateurs de la Torah, Esav représente le christianisme romain, et avec lui la civilisation occidentale tandis que son petit frère Yaakov est Israël. La partie irrécupérable et sanguinaire d’Esav s’appelle Edom ; il a pour masque l’humanisme civilisé et poli, mais c’est en réalité un barbare. Il a choisi une religion de bonté mais c’est pour mieux dissimuler et exprimer son absence de compassion, son égoïsme et son instinct guerrier, agressif, destructeur, mortifère.
Esav et Yaakov : deux peuples, deux religions, deux mentalités qui s’opposent et pourtant proviennent du même ventre. Il est dit que Yaakov rejoindra « lentement » (Genèse 33,14) son grand frère… en vue de quoi ? De le tuer ? Non : de le soumettre.
Yitzhak avait prédit à Esav qu’il s’éloignerait de la terre fertile d’Israël, et de la Torah authentique qualifiée de « rosée qui tombe du ciel ». Il lui a annoncé qu’il arracherait le joug de la Torah de son cou. C’est cela, le drame d’Esav : par jalousie, il s’est éloigné de ce qui aurait pu lui procurer la vie et la prospérité. (Genèse 27,39)
Comment le puissant Esav pourrait-il se soumettre au petit Yaakov ? Esav ne respecte pas Yaakov mais il respecte Israël, c’est une première réponse. La seconde est plus subtile et dépend de la féminité manquante à Esav. En effet, puisque la petite sœur Rahel était destinée au petit frère Yaakov, la grande sœur Léa était destinée au grand frère Esav. Mais Yaakov s’est marié avec les deux… Alors comment peut-il se faire pardonner ? Et comment Esav peut-il se marier avec une femme qui l’amènerait à « se convertir », à se retourner, à changer d’attitude et de mentalité ?
On dit que Dina, la fille de Yaakov et Léa, aurait pu se marier avec son oncle Esav. Dina aurait pu l’aider à faire téchouva, à devenir plus doux, elle aurait pu ainsi réconcilier les deux frères ; Yaakov serait ainsi devenu le beau-père de son frère et par conséquent un peu son « père ». Yaakov a refusé cette solution, il a caché sa fille à son frère, il ne voulait pas marier sa fille avec un méchant. Alors comment faire ? Comment sauver Esav ?
Esav (l’Empire romain) s’est marié avec le christianisme, cette religion est son épouse. Lorsque l’empire romain a disparu, l’Église a hérité de son système juridique et de son organisation administrative centralisée. La religion chrétienne s’est parfaitement intégrée à l’empire romain. L’Empire a changé d’idole mais pas de spiritualité. L’esprit romain est devenu synonyme d’esprit chrétien. L’Église détachée de son époux Israël s’est mariée avec Rome-Esav et en a pris la mentalité. La spiritualité romaine a contaminé l’Église… Mais pas totalement. Il est resté dans l’Église une nostalgie de l’époux véritable, une mélancolie qui parfois s’est transformée en rancune ou en haine mais qui au fond est un manque dû à une absence.
Aujourd’hui, comme Rome se tourne peu à peu vers Israël, Rome (l’Église) se détourne de Rome (l’Empire) : l’Église est en pleine mutation, une mutation à la fois lente et rapide. Elle a été fécondée par son époux véritable, comme fécondée à distance par Israël ressuscité. Israël qui était mort en 70 est ressuscité en 1948. Le troisième millénaire il est ressuscité ! (car « mille ans sont comme un jour », Psaume 90,4) Ou bien, après sa mort durant la Shoah en 1945, trois ans plus tard le peuple-Messie est ressuscité ! Et alors son épouse le voit et commence à l’aimer car elle se reconnaît en lui. Grâce à lui, elle devient elle.