Un appel désespéré à Arié Déry !

Le leader du Shas Aryeh Deri lors d'une réunion du comité du panier de soins, au centre médical Sheba à Ramat Gan, le 18 janvier 2023 (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
Le leader du Shas Aryeh Deri lors d'une réunion du comité du panier de soins, au centre médical Sheba à Ramat Gan, le 18 janvier 2023 (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

En tant que proche qui a connu de près tes regrettés parents, moi-même originaire de Meknès – berceau de notre éducation commune toute de tolérance et de fraternité – je t’implore, avec audace et indulgence, de t’élever et de poser un acte salutaire qui contribuerait à libérer notre nation de cette affliction épouvantable dans laquelle elle est plongée.

La conjoncture sinistre, post-Shabbat noir, où le pogrome a frappé nos compatriotes juifs, rend scandaleuse la persistance de Netanyahu à la tête du gouvernement, unanimement considéré comme le responsable de cette catastrophe. Plus consternant encore est son acharnement à faire prévaloir ses propres intérêts à ceux de la nation.

Établi à Paris, je scrute avec acuité les dynamiques politiques d’Israël et de l’Occident. Dans tout État démocratique, quiconque occupant la fonction de ministre, a fortiori de Premier ministre, responsable, cède sa place de son propre chef, dans un élan d’intégrité pour la gestion judicieuse du pays et pour sa dignité personnelle.

Toi, jadis modéré, à l’aube de ton engagement politique, tu fus perçu comme un espoir pour Israël et surtout pour notre communauté qui manquait de figures de leadership.

Certes, tu as trébuché en chemin. On prétend que le pouvoir corrompt. Hélas, suite à tes démêlés judiciaires, tu t’es endurci, aussi bien politiquement qu’idéologiquement, contrairement à tes convictions fondamentales. Comme l’énonce le Talmud : « L’endroit où se trouve celui qui a accompli techuva (repentance), même les justes irréprochables ne peuvent séjourner ». Il ne s’agit pas là de repentance religieuse, mais d’une réflexion morale, éthique et sociétale.

À présent, ton expérience et ta notoriété te positionnent au sommet du gouvernement. Voici l’instant de racheter ta dignité, en initiant un processus qui propulsera une transformation pacifique, pour la fraternité si ardemment implorée par le peuple. À la tête d’un parti fort de 11 sièges à la Knesset, où prime la modération, ton leadership demeure inébranlable.

Fort de ton influence et de tes aptitudes, forge une nouvelle alliance, brandissant la « loi constructive », celle qui offre aux députés de présenter un nouveau gouvernement suite à un vote de censure. Shas a la capacité de s’allier sans heurts aux partis centristes et même de gauche, suivant un agenda convenu, comme ce fut réalisé jadis. Œuvre à l’établissement d’un gouvernement transitoire, chapeauté par une figure d’intégrité, en unisson avec la majorité de la nouvelle coalition. Abandonner le pays, entre les mains d’un homme qui dénie le tragique de la situation actuelle risque de nous entraîner jusqu’au fond des ténèbres.

Des législateurs israéliens assistent à la cérémonie de prestation de serment du Parlement israélien, à la Knesset à Jérusalem, le mardi 15 novembre 2022. (AP Photo/ Maya Alleruzzo, Pool)

Une date pour des élections anticipées sera déterminée préalablement. La durée du nouveau gouvernement ne dépassera 12 mois. Sa mission se bornerait à la gestion des urgences sécuritaires actuelles ; au rapatriement des évacués dans leur maison, aux alentours de Gaza et du Liban ; à la régie des institutions étatiques, et surtout le retour de tous les kidnappés dans leur foyer au prix d’accepter de quitter la bande de Gaza, la fin de la guerre et de rendre les prisonniers palestiniens même avec du sang sur les mains.

Si le Hamas ne répond pas positivement à une telle offre aussi claire, Israël pourra poursuivre sa guerre avec le soutien des États-Unis et d’autres pays du monde éclairé. La guerre peut-être reprise. La vie des malheureux otages ne peut-pas l’être. Et comme l’a dit Maïmonide : « Il n’existe pas de devoir plus sacré que le rachat des otages. »

En ce temps où le débat sur la loi sur le recrutement militaire des ultra-religieux s’inscrit au cœur même de notre survie en tant qu’État, une initiative d’Arié Déry à la tête d’un Shas revigoré pourrait être le prélude à une ère nouvelle. Ce sera également une preuve irréfutable distinguant le Shas, dont la majeure partie des sympathisants sont sionistes et patriotes, d’Agudat Israel, parti orthodoxe contestataire du sionisme depuis ses origines.

Une telle initiative pourrait être le gage d’un peuple unifié. L’unité ne signifie pas l’uniformité des opinions, mais plutôt le respect mutuel de la diversité politique et sociale et de l’aspiration à une coexistence aussi pacifique que possible.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se promène à la Knesset avant le vote sur un projet de loi visant à dissoudre le parlement, à la Knesset, le parlement israélien, à Jérusalem, le 30 juin 2022.(AP Photo/Ariel Schalit)

Je dois confesser qu’avant le « Shabbat Noir », mon opposition aux partis sectaires, notamment à Shas, était sans équivoque. Dans la réalité actuelle où pas même cinq « justes » (au Likoud) ne sont capables d’avouer leur faillite collective, toi, Arié, dont le prénom hébraïque inspire le respect, érige-toi pour sauver non seulement le peuple mais également ton honneur. Ana hoshi’ana ! (Je t’en conjure, sauve-nous !) de Netanyahu, ce dirigeant narcissique et destructeur comme le pays n’en a jamais connu auparavant.

C’est un appel déchirant au nom d’un peuple que je me permets d’exprimer. Si aucune âme juste ne se démarque (dans la coalition actuelle), notre destin pourrait ressembler à celui de Sodome. Néanmoins, j’ai confiance en notre peuple. Il exprime déjà son amertume. Il amplifiera sa rage et la scission pourrait se transformer en violence. C’est facile de détruire. En revanche il est très difficile de reconstruire, et encore plus quand il s’agit de valeurs et d’éthique.

à propos de l'auteur
Né en 1947 à Meknès, au Maroc, il a vécu en Israël de 1962 à 1988 avant de s’installer à Paris. Éditeur franco-israélien, il a conçu et dirigé de nombreux projets culturels à Paris, en particulier : une galerie d’art moderne israélien, un club littéraire et artistique autour du judaïsme contemporain ainsi qu’une librairie-café méditerranéenne. En1998, il a conçu et dirigé, le stand « Israël – hôte d’honneur » (400 m2) au Salon du livre et de la presse à Genève. Auteur d’une thèse de doctorat socio-littéraire sur la littérature israélienne traduite et publiée en français, depuis la création d’Israël (1948) jusqu’à 2005, année de la soutenance. Mickael Pariente a également publié deux bibliographies : 2000 titres à thème juif - 1420 biographies d’auteurs, préfacée par Emmanuel Le Roy Ladurie, ancien président de la Bibliothèque nationale, éd. Stavit, Paris 1998 et Littératures d’Israël, éd. Stavit, Paris 2003. Écrivain bilingue (hébreu-français), il a publié : L’Autre Parnasse – Confessions de femmes dans un café littéraire, roman paru en hébreu et en français en 2011, et en anglais et en espagnol en 2013, éd. StavNet ; A l'Ombre des murailles – souvenirs d'enfance au mellah de Meknès, récit paru en hébreu et en français en 2015, ainsi qu’en anglais et en espagnol en 2023, éd. StavNet ; Israël : politique et société – de Ben Gourion à Netanyahu, paru en français, en anglais et allemand en 2021, éd. StavNet ; Papi, vient vite ! Papi, tu dérailles ?! Papi vient au désert ! – trilogie pour enfants, écrite en hébreu et accompagnée d’une traduction en français, illustrée par Alec Borenstein ; Sarah – Née sous X, roman paru en français, hébreu, anglais et en espagnol, en 2022, éd. StavNet Mickael Pariente publie régulièrement des articles d'opinion dans la presse israélienne : Haaretz, Ma’ariv, Zman Israel, Ynet... en hébreu et en français, Libération, Le Monde, et Times of Israel…
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