Un an après le 7 octobre, Emmanuel Macron décide de ne pas être solidaire de l’Etat solitaire
En ce jour si particulier, je vais ici tenir ici le discours de la dure mais nécessaire vérité. Au risque de choquer. Le 7 octobre est un jour sans fin. Il n’est pas fini. Et ce n’est pas un jour mais une nuit. Il a commencé par la surprise et la douleur infinie. D’être redevenu un Juif massacré dans son État refuge. Et de craindre pour la fin de celui-ci et pour la fin des siens. À la douleur s’est mêlée une sourde humiliation d’être redevenu l’espace d’une journée le Juif qui s’enfuit. Mais le huit au matin, je croyais que le temps de la surprise avait pris fin. Pour le meilleur mais pour le pire aussi.
J’avais prévenu dans un journal de guerre que le juif pogromisé allait être nazifié. Je le savais d’avance, connaissant mes classiques. Que rien n’est plus jouissif pour le pervers médiatique que de grimer en nazi le Juif. Qu’Israël minuscule n’est pas de taille contre le nombre et l’argent majuscules. Et qu’Israël allait être contraint dans sa riposte salutaire et nécessaire de tuer de nombreux civils utilisés, de gré ou de force, comme des boucliers. Et j’en viens à ce stade à mes choquantes vérités. Avant cela, une précaution qui n’a rien d’oratoire, mais écrite dans la peine.
Rien ne me serre davantage le cœur que la mort d’un enfant. Qu’il soit des miens ou non. Qu’il soit de Gaza, de Jérusalem ou bien de Gottingen, c’est toujours un enfant. Je ne puis davantage regarder les photographies des pauvres petites victimes de Gaza que je n’ai pu regarder les corps suppliciés des femmes juives éventrées. Et je rappelle cette forte phrase de Golda Meir : « Je pourrais peut-être excuser les Arabes d’avoir tué mes enfants, mais je ne leur pardonnerai jamais de m’avoir obligée à tuer les leurs ». Mais Golda avait dit aussi : « Je préfère les condamnations aux condoléances ». Car elle savait le combat ingrat d’Israël, existentiel et que dans l’alternative entre tuer et se faire tuer, elle avait opté pour la moins diabolique.
Cette précaution posée, trois cruelles vérités : tous les civils de Gaza, biberonnés à la haine, ne sont pas innocents, contrairement à l’épithète obligatoire. Ceux qui accueillaient en masse les otages en les frappant durement ne l’étaient pas. Ceux qui criaient leur joie en apprenant le pogrom, pas davantage. J’affirme solennellement qu’aucun Israélien n’exulte de plaisir en apprenant la mort d’un enfant ou le viol d’une femme.
J’affirme également que les guerres sont cruelles, comme les bombardements alliés bien plus aveugles sur la France occupée ou plus récemment sur la Syrie pour vaincre l’État islamique sans que je n’aie lu le mot de génocide. D’ailleurs je n’ai lu nulle critique sur eux. Sauf que seul le conflit obsessionnel concernant l’État Juif ne donne lieu à des bilans humains invérifiables mais tenus pour indiscutables livrés à chaque heure tandis que les Noirs du Soudan peuvent crever en silence par milliers sous les coups des milices Arabes.
Enfin, le mot « disproportion » est un mot récurrent. La première des disproportions est la taille géographique, démographique, économique, médiatique du minuscule État Juif observé à la loupe, entouré d’ennemis mortels implacables. Seule une réponse malheureusement disproportionnée est de nature vitale à être dissuasive. J’ajoute qu’élevé depuis mon enfance diasporique la moins tendre dans le souvenir de la Shoah et de l’antisémitisme du quotidien, l’idée que celui qui touche sans raison à un cheveu d’un enfant juif peut y perdre la tête, est une idée qui résonne fortement dans la mienne pourtant éprise de paix et d’humanité.
J’ai écrit plus haut que j’avais prévu sans surprise la diabolisation nazifiante d’Israël car je connaissais mes classiques. Certes, mais je l’avais tellement sous-estimée que je me suis lamentablement trompé pour cause de monstrueuse modernité. J’avais mésestimé le wokisme pathologique qui ne peut plaindre le viol d’une femme blanche par un mâle non blanc forcément non détestable car victime statutairement. J’avais mésestimé l’antisémitisme pas seulement électoraliste d’une extrême gauche française désormais soumise à l’islamisme par passion et cynisme. Mais je n’avais pas prévu, à côté de cette diabolisation diabolique, quelques divines surprises.
C’est ainsi que je n’aurais jamais imaginé autant de solidarité de la part de mon peuple français. Je veux écrire ici que jamais je ne me suis senti seul dans ma détresse au milieu de lui. Cette attitude combien réconfortante est d’autant plus remarquable que celui-ci n’aura pas été épargné par une partie de l’idéologie médiatique acharnée contre un État-nation occidental accablé de critique acérée n’ayant d’égale qu’une indulgence effrayante pour les terroristes orientaux du Hamas et du Hezbollah qu’il ne faut surtout pas nommer par leur nom.
Cette solidarité n’est pas que compassion, elle est aussi compréhension du fait que l’Israélien et le Français sont dans le même bateau livré aux mêmes flots méchants de la haine du blanc. D’ailleurs, Thomas et Lola ne sont pas mieux traités par une partie des médias que Moshe ou Sarah. L’autre bonne surprise, après le désastre, aura été la supériorité technologique de l’État agressé. L’affaire des bipeurs entrera dans l’histoire militaire. Ayant promis la sincérité, ayant confessé l’humiliation, j’ai bien le droit de confesser la fierté. Ces deux sentiments étant au demeurant aussi immérités l’un que l’autre.
Je gagerais néanmoins que cette supériorité sera, à nouveau, vectrice d’humiliation. Mais ici encore plus qu’ailleurs, et de manière existentielle, il vaut mieux inspirer la jalousie que la pitié, dans cette alternative cruelle. Je m’apprêtais à commémorer aujourd’hui, ici et ainsi le souvenir du 7 octobre, quand, comme chaque jour, l’actualité me dicte sa triste loi. C’est d’abord le leader islamo-bolivarien qu’il est inutile de nommer qui demande que nos universités agitées soient arborées de bannières palestiniennes, alors que les autorités aspirent au calme. La ficelle de la conflictualisation à tout prix est tellement grosse, qu’il est inutile de la démêler. En l’espèce, son prix est celui d’un antisémitisme peut-être sanglant, qu’il n’est pas prêt à barguigner.
Mais c’est un second événement d’actualité qui rompt vraiment l’aspect rétrospectif de cette chronique. Samedi, au sommet de la Francophonie, Emmanuel Macron a cru devoir appeler à un embargo sur les ventes d’armes à Israël. Nous ne sommes là que sur le seul terrain symbolique, puisque la France ne vend pas d’armes à ce pays. Mais ce symbole est tellement déplorable à trois jours du jour mémorable. Ainsi, l’État Juif a été agressé par le Hamas le 7 octobre. Il a été agressé par le Hezbollah le 8 octobre. il vient d’être agressé à coups de missiles supersoniques par l’Iran islamique. Mais c’est de l’État solitaire que le président français décide de ne pas être solidaire. Et d’accabler publiquement en recevant de La France insoumise les compliments.
Dans une chronique récente, j’avais déjà souligné le caractère surréaliste de cette adresse de notre président « aux Libanaises et aux Libanais » au lendemain de la mort de Nasrallah, sans un mot sur nos 58 parachutistes assassinés par le Hezbollah. Le polémiste pourrait ainsi faire le lien cruel entre Messieurs Macron et Mélenchon qui ont en commun de ne pas avoir marché contre l’antisémitisme mais de courir derrière la radicalité islamique. La réalité, plus pitoyable, nous oblige à observer que ces déclarations sont surtout dommageables pour lui-même.
Quelle étrange pulsion peut inciter un président de la République encore en exercice, mais désormais privé de fait de ses principaux pouvoirs, à faire de telles dans le seul domaine qui lui soit encore réservé ? Et si c’était l’illusion infantile de pouvoir encore peser et exister ? D’un sept octobre à l’autre. Du désespoir infini au dérisoire fini.
Article publié par LE FIGARO le 07/10/24. Avec l’aimable autorisation de l’auteur