Ukraine : l’élusive paix

Le 12 décembre 2022, le Président Zelensky proposa au G-7 un « Sommet de la Paix mondiale », pour la mise en œuvre du plan qu’il avait soumis à la réunion du G-20, un mois plus tôt. Articulé autour de dix points, il contient des mesures immédiates, comme le retour des Ukrainiens déportés, les exportations de céréales, la sécurisation des centrales nucléaires et la fin des bombardements sur les infrastructures. D’autres dispositions portent sur le retrait des troupes, l’intégrité territoriale et les garanties de sécurité. De plus, le plan préconise la punition des crimes de guerre et la réparation des dommages causés, dispositions figurant dans les actes de capitulation !
L’OTAN n’a jamais défini ses buts de guerre, si ce n’est d’affaiblir la Russie. Correspondraient-ils totalement à ceux de l’Ukraine ? Beaucoup en doutent. Moscou a déjà fait savoir que la Crimée et les quatre divisions administratives, devenues russes après des référendums contestés, ne seront pas rendues. La négociation sera donc ardue.
Les criminels allemands de la Seconde guerre mondiale furent jugés à Nuremberg et les japonais à Tokyo. Les vainqueurs furent épargnés. Dans le conflit russo-ukrainien, les coupables présumés ne seront pas poursuivis par la Cour pénale internationale, car ni la Russie, ni l’Ukraine n’ont signé le Statut de Rome. Si le Procureur devait néanmoins ouvrir des enquêtes, la Russie s’y opposerait en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité. Rien ne forcerait l’extradition des coupables. La création d’une juridiction ad hoc, comme pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, subirait également le véto russe. En l’état actuel du droit, la punition des crimes de guerre en Ukraine paraît bien aléatoire.
Concernant la réparation des dommages, on en connaît une dizaine depuis le début du XIXe siècle. La France y a été condamnée deux fois, en 1815, après la défaite napoléonienne et 1871 suite au conflit avec la Prusse. L’Allemagne le fut deux fois également, après les Guerres mondiales.
Plus récemment dans le cas de l’Irak, par une Commission d’indemnisation, l’ONU parvint à compenser l’État de Koweït et plus d’un million de demandeurs, pour un montant de 55 milliards de dollars, entre 1991 et 2022.
Il aura fallu un demi-siècle aux juristes internationaux pour s’accorder, en 1974, sur une définition commune de l’agression. Encore est-elle contestée au prétexte de légitime défense. La Russie fait état de la non-application des accords de Minsk pendant huit ans. La guerre préventive, ou préemptive, la « doctrine Bush », reste illégale pour la majorité des juristes. L’histoire jugera.

Par ailleurs, le conflit en Ukraine n’a, de loin, pas désigné un vaincu qui devrait se plier aux exigences des vainqueurs. Les propositions de Zelensky sont irréalistes. La demande qu’elles soient débattues à l’ONU connut une fin de non-recevoir. L’Ukraine voulait y interdire l’accès à la Russie ! Personne n’imagine Moscou signer un acte de capitulation, même si disparaissait Poutine, qui vient de conditionner tout « dialogue » à l’acquiescement « des nouvelles réalités territoriales ». Proposition pareillement irréaliste. Les positions des deux parties paraissent irréconciliables pour l’immédiat.
Les cas susmentionnés de retraits des troupes, de condamnation pour crimes de guerre et de réparation des dommages ont une caractéristique commune : ils n’ont frappé que des États vaincus. La justice internationale est celle des vainqueurs ! Ce n’est malheureusement pas le droit, mais le faix des armes qui détermine les issues.
Le conflit va durer. Selon l’hypothèse la plus crédible, ni l’une, ni l’autre armée ne devrait s’effondrer dans les mois qui viennent. Simultanément, aucune ne peut revenir en arrière. Les intentions des Occidentaux sont indéchiffrables. À défaut d’accepter la co-belligérance, ils déclarent qu’il appartient aux Ukrainiens de décider.
Par-delà les condamnations répétées de la Russie, des voix se font entendre pour la recherche de la paix. Moscou mobilise. L’OTAN élargie décide sur la base de Ramstein en Allemagne de ne pas livrer des armes lourdes.
Des blindés de combat le seront néanmoins, quelques jours plus tard. Biden déclare que les livraisons de chars lourds « visent à aider l’Ukraine à se défendre, mais ne constituent pas une menace pour la Russie ». Allez comprendre ! Zelensky réclame alors des missiles à longue portée et des avions de chasse. Ces requêtes seront sans doute rejetées dans un premier temps, puis acceptées, selon le processus de contagion des convictions propre à cet engrenage.
Quel serait l’objectif d’une escalade supplémentaire : faire durer les combats jusqu’à la destruction totale de l’Ukraine ou tenter de vaincre la Russie, malgré le danger de guerre nucléaire ? L’absurde concept de faire gagner l’Ukraine sans que la Russie ne perde a déjà causé des milliers de morts !
Il semble difficile de contenir l’intransigeance de Zelensky. Un improbable putsch au Kremlin ne changerait rien à la situation. Le point de non-retour est-il atteint ? Une alternative dangereuse serait le gel de la confrontation active, comme à Chypres, en Corée et au Moyen-Orient, depuis 50, 70 et 75 ans respectivement.
Ce serait consacrer une rupture définitive malvenue d’avec la Russie. Les Ukrainiens pleureraient sur le sort de leur pays, amputé, dépeuplé, dévasté et endetté. Il faut absolument faire cesser cette très périlleuse spirale en cours.