Ukraine : la victoire en chantant, le plan. Plus dure sera la chute
Alors que la Russie poursuit la destruction massive des infrastructures énergétiques du pays avant l’hiver proche, le président ukrainien affirme avoir conçu « le plan de la victoire » qu’il a l’intention de présenter au président américain (à l’ONU ?). Ce qui sous-entend son financement intégral par Washington. On pense que les deux se rencontreront lors de l’assemblée générale de l’ONU où le président Biden doit prononcer un discours le 24 septembre, et Zelensky le 25.
Les faits ne plaident hélas pas en sa faveur. À mesure que le temps passe, on assiste inexorablement à l’avance des troupes russes, même millimétriques. L’incursion de Koursk ne doit pas faire illusion.
Les apparences de la réalité
Sur son insistance, hors programmation antérieure, le président Zelensky a imposé sa visite à la réunion de vendredi sur la base américaine de Ramstein en Allemagne, où plus de 50 pays se sont réunis avec les hauts responsables militaires américains. Son but demeure d’exercer une pression sur les alliés afin d’obtenir toujours plus de matériels et de financements. Le président ukrainien a souligné le succès de l’opération de Koursk qui a permis l’occupation de plus de 1000 km2 du territoire russe. Selon lui, l’armée ukrainienne a renversé la table, en interrompant l’avance de Moscou ailleurs sur le front. Ce qu’il a qualifié de « contre-offensive » majeure.
Sur le plan militaire
Sur une ligne de front de plus de 1200 km, l’armée russe fait une pause, essentiellement à caractère stratégique, pour renouveler ses équipements et ses troupes. Kiev affirme avoir stopper cette avance, qui est le résultat de sa contre-offensive.
La réalité
Le président ukrainien subit actuellement une pression énorme, tant à l’intérieur que sur la ligne de front. Il vient de licencier la moitié de son gouvernement, dont le ministre des Affaires étrangères. Sa visite précipitée au sommet de Ramstein en témoigne.
L’incursion ou la « contre-offensive de Koursk » ne saurait faire illusion. Cette opération a entraîné une diversion importante de matériels et de troupes retirées du front. Le maintien d’une présence ukrainienne implique un coût très important et une présence militaire au détriment du front principal. Alors que Moscou a fait appel à des troupes d’autres régions, c’est devenu un boulet pour Kiev qui doit soutenir l’opération. On voit bien qu’elle n’ira pas plus loin et que Moscou choisira le moment d’y mettre fin. C’est un succès psychologique mais pas militaire.
Pendant ce temps, la Russie poursuit son matraquage sur les infrastructures énergétiques. Les alliés de Kiev cherchent à remplacer les systèmes de défense S-300 dont l’efficacité laisse à désirer (voir le nombre de morts et de blessés à chaque attaque).
Implications sociales
La mobilisation croissante des hommes au front se traduit par une grave pénurie de main-d’œuvre. Plus d’un million de femmes, généralement d’un niveau d’instruction au-dessus de la moyenne, ont fui, la plupart vers l’UE. Parallèlement, le nombre de femmes restantes occupent de plus en plus les postes vacants.
On prévoit que si la pénurie d’approvisionnement en eau et en énergie s’accroît, la pénurie de main-d’œuvre s’aggravera encore. Les démographes prédisent dès maintenant une chute massive de la natalité, car le nombre de jeunes hommes victimes de la guerre augmente sans cesse. On ne souligne pas suffisamment que le pays a déjà perdu dix millions d’habitants sur quarante, en raison de la guerre et de la perte potentielle de territoires.
Selon l’institut britannique RUSI, la destruction des infrastructures énergétiques est telle qu’en hiver il n’y aurait que quatre heures d’électricité disponible par jour. Cette situation et les souffrances endurées par le peuple provoqueront une nouvelle vague de départs vers l’ouest de tous ceux qui ne peuvent plus supporter la situation.
Implications économiques – Ce que disent et ce que font les alliés de l’Ukraine
L’Allemagne a déjà annoncé diviser par deux l’aide prévue de 8 à 4 milliards d’euros. Ce qui a provoqué une vive réaction de Kiev. Les États-Unis fourniront 250 millions d’aide supplémentaire. Washington « salue un moment dynamique » ( Koursk) malgré une forte pression russe dans le Donbass. L’Amérique, dans un langage diplomatique, n’en reconnaît pas moins la pression russe et les attaques incessantes qui détruisent l’Ukraine.
Malgré la forte insistance du président Zelensky, les restrictions imposées à Kiev sur l’utilisation des matériels fournis (pénétration plus profonde du territoire russe) n’ont pas été levées. Les demandes du président Zelensky en artillerie et en systèmes de défense aérienne, dont des avions, se font de plus en plus pressantes, symétriquement à la destruction continue des infrastructures du pays et des nombreux problèmes domestiques qui se multiplient.
Depuis 2022, les alliés ont fourni près de 95 milliards d’aide à l’Ukraine, dont plus de la moitié vient de Washington. L’aggravation réelle de la situation intérieure en Ukraine inquiète les pays de l’UE qui appréhendent mal une nouvelle vague de réfugiés ukrainiens. Les protestations se font de plus en plus vives en Pologne, où une forte majorité demande une réduction des mesures de soutien aux réfugiés. Un sondage montre que les 37% des citoyens qui étaient favorables à une installation à long terme sont descendus à 17%.
En Allemagne, certains politiques demandent la suppression des prestations sociales pour les Ukrainiens « qui ont fui » ; relativement peu en France, où la situation politique est la première préoccupation. D’autres pays de l’UE voient s’élever des protestations dans le même sens.
Les perspectives de l’élection américaine
Personne ne peut prédire son résultat. C’est ce qui explique la pression du président ukrainien sur le président Biden et Kamala Harris. L’Ukraine sait qu’en cas d’élection de Trump, la donne sera complètement différente, et qu’il aurait tout à en redouter.
La position russe
Quoi qu’en disent les experts bien informés et les stratèges, il semble bien que la prise de la ville de Pokrovsk soit imminente. Sauf avis contraire, les autorités ont demandé aux civils de l’évacuer. Même si l’armée russe marque un temps d’arrêt, il s’agit d’une pause pour relancer la progression, avec des troupes fraîches et du matériel en état de marche et de fournitures. Cette prise compliquerait très sérieusement l’approvisionnement des troupes ukrainiennes sur le front Est (Donbass).
Selon les experts militaires, Moscou serait bientôt en mesure de contrôler toute la région de Donetsk. On prend avec beaucoup de réserves la déclaration du président russe prêt à reprendre les négociations sur la base de l’accord provisoire conclu fin mars 2022 à Istanbul, puis rejeté par l’Ukraine, notamment sous la pression occidentale. La Russie a même désigné la Chine, le Brésil ou L’Inde comme médiateurs possibles. La Chine soutient officiellement le plan de paix. Il faut rappeler que seule une partie de l’occident reste favorable à la poursuite de la guerre, dont l’Union Européenne. Des grandes puissances (BRICS) comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Iran sont favorables à un cessez- le-feu.
La position ukrainienne
Elle est extrêmement fragile, car le pays est dans un état catastrophique
- militairement : dans l’incapacité d’obtenir une victoire malgré les déclarations de son président ;
- économiquement : la situation intérieure empire à la suite des destructions quotidiennes ;
- socialement : du fait de la fuite incessante de ses forces vives, au front, de ceux qui émigrent, des dizaines de milliers de victimes, de mutilés.
Zelensky n’est pas en position de force, contrairement à la Russie. L’échéance de l’élection américaine serait un tournant dans le soutien américain, son maintien ou sa remise en question.
L’Ukraine est devant une décision majeure pour son futur et le président Zelensky devra sous peu se décider, soit poursuivre un conflit dans lequel son pays s’enfonce de plus en plus dans une tragédie, ou négocier pour arrêter l’effusion de sang et la perte des forces vives encore présentes, en en payant le prix – quitte à se retirer ensuite, s’il est désavoué par ses compatriotes.