Tunisie : immeubles en ruine

Depuis des décennies les plus grandes villes de Tunisie sont littéralement défigurées par des immeubles vétustes où en ruine qui menacent gravement la sécurité et la vie des riverains. Il y a quelques années à Sousse un immeuble à l’origine appartenant à des familles italiennes de Sousse puis vendu à la société nationale immobilière de Tunisie, puis revendu à des particuliers s’était effondré causant la mort de plusieurs personnes.

Durant le mois d’avril, la municipalité de Sousse, dans la même rue a obtenu une décision de justice lui permettant de détruire en urgence un immeuble là aussi à l’origine  » bien italien » puis revendu à des Tunisiens.

Les cas vont se multiplier, à Sousse mais aussi à Tunis ou a Sfax. Les autorités tunisiennes sont de bonne foi sur ces dossiers. Elles respectent la propriété privée et autant que faire se peut n’interviennent que lorsqu’il n’y a pas d’autre solution possible.

Les chiffres sont clairs : environ 4973 biens immobiliers « titrés » appartiennent encore à des « étrangers ». Sans doute près du double si l’on compte les biens « non titrés » mais dont l’origine « étrangère » est clairement établie. Dans ces 4973 biens « titrés » 2800 environ sont « confiés » à la gestion de la SNIT (société nationale immobilière de Tunisie).

C’est cette société qui encaisse ou est sensée encaisser les loyers, se charge ou est sensée se charger de l’entretien de ces biens. Sur ces 2800 biens « confiés » à la SNIT, la moitié environ lui appartient par suite d’expropriations anciennes. Mais un millier de ces biens sont toujours propriété « d’étrangers ».

En cas d’effondrement la responsabilité des légitimes propriétaires risque fort d’être invoquée, et des poursuites pourraient parfaitement être engagées.

Les « étrangers » encore propriétaires de ces biens doivent se protéger. Comment ? Tout d’abord recenser les documents relatifs à leur(s) bien(s), missionner un avocat sur place et un expert foncier. Déterminer l’état du bien, et vérifier qui l’occupe où s’il est vacant.

Ensuite deux options se présenteront : vendre le plus vite possible ce qui menace de s’effondrer ou engager les travaux indispensables pour sécuriser l’immeuble et ses riverains voire ses occupants. Vendre dans ces conditions à un prix bas ou effectuer les travaux urgents et vendre mieux. Pas d’autre solution.

Souscrire ensuite une assurance des mûrs et du bâti.

L’état Tunisien y trouvera son compte. Des centaines de biens devenus dangereux changeront de mains, des projets urbains ou commerciaux peuvent naître, des possibilités de créer des logements sociaux avec la SNIT également, des familles modestes peuvent enfin y trouver une réponse adaptée aux graves difficultés du logement en Tunisie.

Les propriétaires « étrangers » où qu’ils vivent actuellement doivent en avoir conscience. Ne rien faire pourrait se révéler criminel : au sens propre et au sens figuré.

Rien ne pourrait empêcher un juge tunisien qui, devant enquêter sur les responsabilités liées à l’effondrement d’un immeuble causant des morts, déciderait d’engager des poursuites contre ses propriétaires.

La Tunisie contrairement à ses voisins immédiats n’a jamais globalement exproprié les « étrangers » détenteurs de titres de propriété. La propriété privée a toujours, et quel que soit le régime politique, été préservée en Tunisie. Qui dit droits dit devoirs ! Les « étrangers » encore propriétaires de ces biens qui se transmettent par héritage doivent en prendre conscience.

 

Cette question en soulève d’autres. Lorsque nous engageons des recherches généalogiques pour identifier les ayants droit (héritiers) d’un bien, nous trouvons quasiment dans tous les cas. Mais le temps passant, nous trouvons de plus en plus un nombre d’ayants droit de 15,20 voire 40 personnes.

Les formalités à accomplir (acte notariés à récupérer, état civil, attestations diverses) et les déplacements occasionnés pour la remise de ces documents (consulat, service de l’apostille des tribunaux etc…) deviennent beaucoup plus délicats à accomplir dès lors qu’on a affaire à un grand nombre de bénéficiaires, qui plus est, souvent âgés.

Toute mise à jour des titres fonciers dans ces conditions devient aléatoire voire impossible.

Le coût des actes à faire établir, les frais de déplacements , et le temps qu’il faut y consacrer compliquent encore la tâche.

La création d’un fonds d’investissement dédié qui recevrait les titres en dotation pourrait être une solution pérenne. Les familles n’auraient en fait qu’un déplacement à accomplir: se rendre chez un notaire commun pour signer l’acte de donation. Le fonds ainsi créé se chargeant de la liquidation des biens et de l’utilisation des sommes reçues selon les règles édictées dès sa création (musées, entretien d’écoles, bourses, etc…).

Un certain nombre de famille liées à ces biens ne vivent pas nécessairement dans l’aisance, des personnes âgées dépendantes ont quelquefois du mal à réunir les sommes réclamées par les EPHAD, des enfants n’ont pas toujours les moyens d’assurer leurs frais de scolarité. On le voit, les idées ne manquent pas pour dégager des pistes . Ce qui manque, comme toujours, c’est la volonté et l’impulsion.

à propos de l'auteur
Né en 1963 à Paris il est collaborateur de plusieurs hommes politiques français avant d'intégrer une compagnie d'assurances entre 1984 et 1994 puis dirige un cabinet de courtage en Afrique de 1994 à 2001. A Bordeaux il dirigera les campagnes électorales de plusieurs élus et sera commissaire d'une importante exposition d'art africain en 2000. Depuis 2007 il est le gérant d'Axys biens étrangers en Tunisie chargée de recenser et de mettre à jour les titres immobiliers ayant appartenu aux juifs de Tunisie et de les vendre.
Comments