Trump, la paix ou le paradoxe d’Héraclite

La plus récente étude de l’Arab Barometer note une baisse significative du soutien populaire arabe aux Accords d’Abraham, notamment après les événements du 7 octobre 2023.
Le soutien au processus de normalisation, un processus contesté et rejeté, a connu une chute démesurée. Seulement 13% des Marocains soutiennent la normalisation avec Israël, une baisse par rapport aux 31% en 2021, et cela malgré les progrès diplomatiques du Maroc, notamment sur le dossier du Sahara, et les ententes de défense, qui ont été justifiées par la sécurité régionale du pays. Un an après la signature des Accords d’Abraham, en 2020, le soutien populaire atteignait 31% au Maroc et 39% au Soudan. Des taux jamais enregistrés auparavant et qui pourraient paraître comme utopiques aujourd’hui.
Le manque d’investissement de l’administration Biden pour soutenir ces accords (notamment l’hostilité de départ face au prince Mohammed Ben salmane) et les conséquences de la guerre à Gaza, déclenchée après les attaques du Hamas, peuvent expliquer cette différence. Ces événements ont profondément modifié la perception populaire, en plus d’autres facteurs.
L’exemple du Maroc est particulièrement révélateur. Il montre comment des gains diplomatiques, tels que la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara, peuvent susciter un soutien initial à la normalisation. Toutefois, ces bénéfices ont été anéantis par la guerre à Gaza et la colère populaire. La question palestinienne est probablement l’unique cause qui ne polarise pas les opinions au Maroc et dans le monde arabe.
L’étude du Baromètre Arabe permet de saisir l’évolution de l’opinion publique arabe à l’égard des Accords d’Abraham. Ces accords visaient à dépasser les relations strictement gouvernementales pour atteindre une normalisation populaire. Cependant, les bouleversements postérieurs au 7 octobre, conjugués à une politique attentiste de l’administration Biden, ont eu un impact négatif sur les perceptions publiques.
À la fin du mandat de l’administration Biden, la région est malheureusement plus instable qu’à la fin du premier mandat de Donald Trump. Cependant, cette instabilité pourrait représenter une occasion exceptionnelle pour l’administration en place. Il est possible que les États-Unis jouent un rôle essentiel dans la réalisation d’une résolution régionale incluant les Palestiniens, ce qui répondrait aux attentes des pays sunnites.
Durant le mandat Biden, les relations entre l’Arabie Saoudite et Israël n’ont pas abouti à une entente explicite, du moins sur le plan officiel. Les demandes saoudiennes n’ont pas été prises en compte. L’administration Biden a aussi sonné le glas pour le processus de normalisation avec d’autres pays arabes, alors que Jared Kushner affirmait que les discussions étaient entamées avec au moins 6 pays.
De 2020 à octobre 2023, toute signature d’accords aurait pu changer la donne régionale. Acquiescer aux revendications saoudiennes concernant un accord militaire avec les États-Unis, la conclusion de contrats militaires et l’aide à un programme nucléaire civil auraient pu enthousiasmer le pouvoir saoudien et convaincre l’opinion publique.
L’attaque du Hamas a marqué un tournant important au Moyen-Orient
L’attentat a causé un électrochoc dans le monde. Nonobstant l’échec sécuritaire d’Israël et l’exercice de force du Hamas, les événements du 7 octobre ont révélé la situation catastrophique de la gestion du dossier palestinien par la communauté internationale et l’incapacité des instances internationales de peser sur le conflit.
Par conséquent, ce 7 octobre restera gravé dans l’Histoire. Cette date a causé la mort de 1 200 Israéliens et l’enlèvement de 250 autres. La riposte israélienne, la plus sanglante depuis 1948, avec plus de 60 000 Palestiniens tués, entraînera une répercussion historique sur le cours des événements. 60% des bâtiments résidentiels sont détruits, et le reste est dans un état lamentable.
Le retour du controversé Donald Trump à la présidence des États-Unis est un événement qui, semble-t-il, mettra du temps à être compris par l’opinion publique arabe, notamment après le choc de la chute rapide de l’ex-président Bachar Al-Assad et l’accession au pouvoir des islamistes à Damas.
Les capitales arabes sont en mode recalcul et repositionnement des politiques. Quels sont les dossiers que les Arabes attendent que Trump mette à l’ordre du jour de sa nouvelle administration ?
La position de Trump sur la question palestinienne ne rassure pas les Arabes, puisqu’il est moins enthousiaste à l’idée de résoudre le conflit sous l’égide des deux États. Les Israéliens expriment ouvertement une satisfaction démesurée face au retour de Trump dans le contexte actuel.
Malgré tout, ce contexte est favorable à un accord de paix global où Arabes, Israéliens et Turcs pourraient négocier un accord « d’Abraham Pro Max ». Un accord qui pourrait évoluer vers une coopération régionale à la fois économique et politique, tout en neutralisant l’Iran en le réduisant à un rôle passif dans la région.
En 2020, les relations turco-arabes étaient encore marquées par des tensions et une méfiance réciproque, mais la dynamique actuelle ouvre la voie à une recomposition des alliances.
Le président élu Donald Trump entend adopter une nouvelle stratégie face au régime iranien, aux crises à Gaza/Cisjordanie et en Syrie, en se concentrant sur le renforcement des relations avec les régimes arabes.
Il est fréquemment mentionné qu’Abba Eban a déclaré :
Les Palestiniens n’ont jamais raté une occasion de rater une occasion.
Aujourd’hui, c’est toute la région qui ne doit pas manquer cette occasion pour renouveler le pacte de coexistence, et instaurer une paix effective.