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Terrorisme. La victoire des crétins

Driss se demande comment l'Occident peut se laisser humilier par des voyous de seconde zone, qui arrivent à nous frapper au cœur, alors que le monde entier est contre eux

Paris, Orlando, Londres, Berlin. Loups solitaires et autres voyous se chargent de rendre la vie impossible à une civilisation sophistiquée. L’Occident a tous les attributs de la puissance, de l’économie à l’armement en passant par la technologie, mais il échoue dans son combat contre le terrorisme.

Les pays les plus avancés au monde sont encore loin d’éradiquer Al Qaeda et l’Etat Islamique. Les Américains sont en Afghanistan depuis 2002 et les Talibans sont toujours debout. Irak, Mali, Somalie, les résultats sont fragiles voire décevants car les terroristes reprennent le terrain perdu dès que les armées occidentales tournent les talons.

Et en Europe, il suffit d’embrigader des losers comme les frères Kouachi ou Abdessalam pour infliger des pertes importantes à des métropoles extrêmement riches comme Nice ou Manchester.

Face au danger, nos démocraties mobilisent des fonctionnaires de grande qualité. Nos forces de l’ordre sont admirées dans le monde entier et en particulier dans les pays où les Droits de l’Homme sont les plus fragiles.

Quand un crétin égorge un policier, il inflige une double peine au pays concerné. Celui-ci perd un capital humain de grande valeur et se fait humilier en tant qu’Etat de Droit.

L’image du policier français en uniforme demandant clémence aux frères Kouachi rentrera dans l’histoire comme le symbole de la défaite de notre camp, celui des démocraties occidentales. L’assassinat de l’agent de police, Ahmed Merabet, achevé sans pitié boulevard Richard Lenoir en janvier 2015, signe la victoire des crétins. Ce fut un signal donné à tous les « allumés » avides de faire d’une pierre de coup : verser le sang des autres et donner un sens à leur vie minable.

Que ce soit à Manchester ou à Londres, la même humiliation se reproduit. On voit des jeunes (symboles de la force vitale) courir dans tous les sens. Quel message passons-nous à nos ennemis ? Ceux qui sont censés nous défendre, se font tirer comme des lapins. Le lendemain, ils ne trouvent rien de mieux que d’aller fleurir l’épicentre du massacre de la veille. Il n’y a pas de quoi intimider les terroristes en herbes… J’imagine les ricanements dans les grottes d’Irak et de Syrie.

Ce n’est pas la première fois que l’Occident se fait humilier. En  Indochine entre 1948 et 1954, des milliers de soldats français ont été pris en otage par les combattants communistes. Ils ont été affamés et transformés en épaves. En Algérie, le FLN a émasculé des appelés (embuscade de Palestro en 1956) et n’a pas hésité à filmer la captivité de certains soldats tombés entre ses mains.

Au Vietnam plus tard, les Américains ont perdu la face devant des insurgés mal-équipés et sous-alimentés. Mais, à chaque fois, nous étions aux prises avec des génies comme Ho-Chi Minh ou Mao. Nous menions un bras de fer diplomatique contre des leaders extrêmement déterminés dont Ben Bellah et Boudiaf en Algérie. Ils avaient le soutien de Sartre, du PCF et de Nasser. Des figures de premier plan.  

De nos jours, ce sont des voyous de seconde zone qui changent notre manière de vivre. Alors que le monde entier est contre eux, ils arrivent à nous frapper au cœur.

Les crétins ont marqué des points. Ils ont réussi à créer une fissure entre les musulmans d’Europe et leurs concitoyens d’autres confessions. Qu’on le veuille ou non, la méfiance est là. Et ce n’est pas crier « pas d’amalgame » qui va changer les choses.

L’Occident n’est pas exempt de responsabilités. Nous avons laissé des irresponsables, parvenus au pouvoir démocratiquement, commettre leur lot de sottises en notre nom.

Fallait-il démanteler la Libye pour en faire un parc d’attractions pour djihadistes ? Merci David Cameron ! Kadhafi était un malade mental mais au moins il décrochait le téléphone quand nous avions besoin de lui parler. Désormais, le pouvoir en Libye est revendiqué par deux autorités sans compter les milices islamistes et tribales.

Vers quel saint se vouer pour transmettre un avis de recherche Interpol ? Vers le gouvernement de Tripoli ou vers celui de Tobrouk ? Theresa May était la ministre de l’Intérieur sous Cameron, elle sait très bien à qui elle doit tirer les oreilles.

Les erreurs commises par certains leaders européens ont validé le scénario d’une guerre de civilisations. A force de faire le jeu des islamistes (de la Libye à la Syrie), nous avons mis hors-jeu les modérés. Ceux qui ont survécu aux printemps arabes ne partagent pas, en général, nos idéaux fondés sur le Progrès et les Droits de l’Homme.

Nous avons tellement perdus le nord que nous ne sommes même plus capables de faire de la real politik. L’Iran, le seul pays en mesure de combattre sincèrement et sérieusement (avec des hommes sur le terrain) l’Etat Islamique est mis aux bans des nations.

Hormis Téhéran, on ne peut compter sur personne au Moyen Orient pour éradiquer le noyau dur du djihadisme. L’Irak ne fonctionne pas, la Turquie joue un billard à trois bandes que peu parviennent à déchiffrer, l’Arabie Saoudite et ses 5 000 princes sont occupés à détruire le Yémen et Israël est isolé.

Pour un pays comme la France ou le Royaume Uni, se fâcher avec l’Iran relève de l’auto-sabotage. Chapeau l’artiste !

En résumé, les derniers de la classe nous ont mis dans de beaux draps. Il revient à la majorité silencieuse, c’est-à-dire nous autres, de siffler la fin de la récréation. Les communautés musulmanes d’Europe doivent prendre leur responsabilité et condamner dans les termes les plus durs ceux qui tuent et mutilent au nom de l’Islam.

Pour le moment, ce grand réveil des musulmans d’Europe n’a pas eu lieu.

A la société civile de faire un appel pour refonder notre politique étrangère. Moins de copinage avec les wahhabites et un peu plus de collaboration avec ceux qui ont l’Etat Islamique comme ennemi. En matière de diplomatie, nous ne devons pas rechercher la Perfection, l’essentiel est de trouver des bons alliés.

Il n’est pas question de se jeter dans les bras de Poutine ou d’Assad. Il suffit juste d’arrêter de miser sur les islamistes et de maintenir à flot nos armées. Le soft power a ses limites, surtout quand votre ennemi se nomme Etat Islamique.

à propos de l'auteur
Driss est un jeune auteur de 37 ans. Il possède une solide formation académique française (EDHEC Lille et Ecole Centrale Paris). Driss est aussi Lauréat du Concours Général d’Arabe. Son parcours initial l’a mené à lancer et diriger plusieurs activités commerciales dans le domaine de la téléphonie cellulaire. C’est au tournant de l’année 2010 qu’il a décidé d’approfondir son intérêt pour les sciences sociales, il a profité de sa présence au Brésil pour suivre les cours de sciences politiques de la prestigieuse Pontifica Universidade Catolica à São Paulo. Tel fut le point de départ d’une aventure intellectuelle au cours de laquelle Driss a produit deux romans en Portugais ainsi qu’un essai en langue française. Son travail sur David Galula a suscité des échos favorables aux Etats-Unis où il a donné lieu à une publication dans une revue spécialisée dans les affaires militaires.
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