Temple vide

« De l’argile, nous faisons un pot, mais c’est le vide à l’intérieur qui retient ce que nous voulons. »

Lao-Tseu

« Tout ce qui est creux, lourd, femelle, obscur, stable est yin, et tout ce qui est plein, léger, mâle, lumineux, volatil est yang. Lao-Zi (Lao-Tseu) explique ainsi que l’un sans l’autre n’est rien : un bloc d’argile n’est pas une cruche, sans le vide on ne peut pas y mettre d’eau. La cruche est un mélange de plein et de vide. Qu’un des éléments vienne à manquer, l’autre ne sert à rien. » (Ekopedia.fr)

Lorsque Manitou (Yéhouda Léon Askénazi) parlait de la restauration d’Israël et du retour des Juifs en Eretz il employait l’expression בית שלישי « Beit chlichi », « troisième Maison ». En effet, au cœur du projet de la Torah il y a non seulement l’établissement d’un peuple sur une terre définie mais aussi la construction d’une Maison pour son dieu.

Aussi, le véritable objectif d’Israël n’est pas seulement sa sécurité mais la construction d’une « Maison de prière pour tous les peuples » (Isaïe 56,7). La sécurité d’Israël ne sera en effet assurée que lorsque cette Maison sera construite.

Or, si cette Maison est destinée à tous les peuples elle devra nécessairement être construite AVEC tous les peuples. C’est seulement à cette condition que l’on pourra parler de Divin universel et non pas du dieu exclusif d’Israël. Manitou disait qu’un jour les nations diront à Israël « Écoute : HaChem est (aussi) notre Dieu »…

Est-il possible d’envisager une conception universelle du Divin qui ne serait ni exclusiviste ni impérialiste ? Est-il possible d’envisager une conception du Divin qui ne serait pas uniquement occidentale mais engloberait vraiment toute l’humanité. Pour cela, le plus simple serait de construire un temple vide. C’est un peu ce que propose Abennour Bidar lorsqu’il compare la laïcité française à un temple vide.

Notre laïcité est malheureusement encore mal comprise car nous avons toujours du mal à accepter la présence des religions et même l’éventualité de la foi. Un temple vide à Jérusalem, ce ne serait ni un temple laïc ni un temple athée ; un temple vide ne serait pas vide du Divin. Cette absence permettrait une présence, une Présence appelée en hébreu שכינה « Shekhina ».

Pour le moment, à l’emplacement prévu il y a déjà un temple, ou plus précisément une mosquée. Lorsqu’en 1917, les Anglais demandaient au rav Kook (Abraham Isaac HaCohen Kook, premier Grand Rabbin d’Israël entre 1921 et 1935) comment il ferait, il avait répondu qu’il irait prier dans cette mosquée. En effet, un Juif peut très bien prier dans une mosquée puisqu’il n’y a aucune représentation idolâtre du divin. Et sous cette mosquée de Jérusalem il y a le rocher d’Abraham, là où il aurait emmené son fils offrir avec lui un bélier en sacrifice au Dieu unique.

Ce n’est bien évidemment pas à New York que l’on peut construire un temple pour l’humanité mais à Jérusalem. Et ce n’est pas à l’ONU de gérer ce temple mais aux Juifs d’Israël en bonne intelligence avec les Arabes du pays.

– À quoi servirait ce temple ?

– À symboliser le fondement spirituel de l’humanité qui permettrait à toutes les religions non pas de fusionner mais de trouver un socle commun.

– Comment ?

– En la matérialisant par un bâtiment unique.

– Qu’y aurait-il dans ce temple ?

– Rien.

– Alors pourquoi est-ce à un peuple particulier de le construire ?

– Parce que le peuple d’Israël a été dispersé dans le monde entier pour en ramener des fragments de spiritualité et les assembler à Jérusalem.

– Ce peuple est-il mûr pour démarrer cette construction ?

– Non.

– Pourquoi ?

– Parce que les autres nations n’approuvent pas encore ce projet.

– Pourquoi ?

– Parce qu’elles n’en comprennent pas le sens et n’en voient pas l’utilité.

Le taoïsme peut nous aider à comprendre l’utilité de construire un temple vide…

Lorsqu’en 70 l’empereur Titus est entré dans le Saint des saints du Temple d’Israël il a été très étonné de n’y trouver aucune statue, aucune idole, aucune « chose », rien. Du vide. Dans le premier Temple il y avait les tables de la Loi ; mais ayant été perdues, dans le deuxième, elles ont été remplacées par un espace libre, une absence. Une Absence.

Étant donné qu’il y a une mosquée à l’emplacement du Temple disparu, pourquoi la détruire ? Pourquoi ne pas demander aux Musulmans d’en faire une « Maison de prière pour tous les peuples » ? Chacun viendrait y prier le Dieu d’Abraham, tout simplement. Pourquoi compliquer ce qui pourrait être simple ? Même les Bouddhistes viendraient y prier…

à propos de l'auteur
Passionné de judaïsme et d'Israël, Pierre Orsey est né en 1971 et habite près d’Avignon.
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