Sylvain Genevois, Mattieu Noucher, Cartes par Xematin Laborde, Le blanc des cartes, quand le vide s’éclaire. Autrement, 2024

Couverture. Sylvain Genevois, Mattieu Noucher, Cartes par Xematin Laborde,  Le blanc des cartes, quand le vide s’éclaire. Editions Autrement, 2024.
Couverture. Sylvain Genevois, Mattieu Noucher, Cartes par Xematin Laborde, Le blanc des cartes, quand le vide s’éclaire. Editions Autrement, 2024.

Quel beau livre ! Quelles belles couleurs et images qui scrutent les profondeurs des océans, connues ou inconnues, ou en voie d’être cartographiés. Je dois avouer que j’ai peu de contacts avec ces disciplines qui ne sont pas celles que j’étudie chaque jour. Mais comme on m’a envoyé ce livre (petite œuvre d’art) et qu’il a retenu toute mon attention, j’en parle volontiers.

Les couleurs et les photographies occupent la plus large partie de ce livre qui est, je me répète, vraiment très beau. Mais qu’y a-t-il sous ces blancs portés par les cartes ? Une terra incognita à l’échelle planétaire mais qui couvre bien quelque chose qui n’est pas nécessairement le vide.

Voici une citation qui résume clairement les propos des auteurs :

Le pari de ce livre est de considérer que ces sources peuvent être utilement remobilisées pour étudier à nouveaux frais les productions cartographiques contemporaines ; malgré les discours dominants sur le déluge numérique, les blancs des cartes demeurent et la diversité de leurs fonctions mérite d’être analysée. Dans cet atlas un peu atypique, nous faisons l’hypothèse que les vides graphiques n’ont rien d’anecdotique, qu’ils ne sont pas qu’esthétiques. Ils peuvent relever de choix éminemment politiques, sociaux ou culturels.

Pour un atlas du vide, mais ce vide l’est-il vraiment ? Ne contient-il rien, vraiment rien ? Ce vide nous prépare quelques surprises. Comment l’identifier sur une carte ? C’est tout l’objet de ce bel ouvrage qui se lit sans peine, même par un non-spécialiste… Essayons d’aller plus loin.

Le désert des données s’oppose au déluge de données. La démultiplication de la géo-numérisation pourrait faire croire que la planète est cartographiée dans ses moindres détails. D’après les auteurs, il n’en est rien. Cette géo-numérisation demeure très inégale.

La partie du livre consacrée à l’exploration des fonds marins est passionnante. On sait qu’une cartographie précise de ces mêmes fonds est indispensable pour la navigation. Or, celle-ci est encore lacunaire… Et les océans occupent 70% de la planète.

Aviez vous déjà entendu parler de territoires invisibilisés ? J’apprends que c’est bien le cas de la Guyane française. On va de découverte en découverte en parcourant cet ouvrage.

L’expression « faire parler les blancs des cartes » m’a beaucoup intrigué. Sauf erreur de ma part, cela signifie interpréter, voir ce qui se cache derrière une image apparemment ordinaire.

Il faut être autant géographe que cartographe. Strabon excellait dans l’une de ces matières.

Voici une citation de la conclusion de cet ouvrage :

Combler les blancs des cartes ne semble alors pas tant relever d’un projet au long cours que d’une quête chimérique. Parce qu’il est impossible de faire rentrer la complexité du monde dans les conventions cartographiques qui nous gouvernent, nous espérons avoir démontré à l’issue de cette balade cartographique, que prendre le temps de regarder les blancs plutôt que de chercher à les combler peut être une opportunité de diversifier nos manières de voir le monde.

On ne peut qu’être d’accord.

à propos de l'auteur
Né en 1951 à Agadir, père d'une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.
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