Souvenirs souvenirs : Sousse et la mafia sicilienne

L’arrestation lundi 16 janvier 2023 du parrain de la mafia sicilienne Matteo Massina Denaro nous replonge dans une très vieille affaire qui n’est pas sans lien avec Sousse.

En effet ,le 25 janvier 1983 le juge anti-mafia Giangiacomo Montalto Ciaccio était assassiné par des tueurs de la mafia à Trapani (Sicile). Le juge qui venait d’arriver chez lui prévoyait de travailler ses dossiers tard dans la nuit. Raison pour laquelle les policiers trouvèrent un thermos de café à côté de son corps criblé de 23 balles de gros calibre, ne lui laissant aucune chance.

Ne en 1941 à Milan, le juge Montalto Ciaccio était le fils du docteur Enrico Ciaccio, médecin qui a exercé des années à Sousse comme chirurgien, notamment au tout jeune hôpital Farhat Hached, inauguré en 1938.

Le Dr Enrico Ciaccio habitait, non loin de l’actuel tribunal de Sousse, une petite villa sur un terrain desservant deux artères qui existe toujours et qui est encore à ce jour, pour partie, propriété des trois filles du juge assassiné. Ce bien appartenait à l’origine à la famille de l’épouse du Dr Enrico Ciaccio, Mme Irène Montalto qui lE tenait elle-même de son oncle, le Dr Vincenzo Montalto et de son grand oncle le Dr Benedetto Montalto.

Tous exerçant à Tunis ou à Sousse depuis le début du XXe siècle.

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes devenus proches et les mandataires des trois filles du juge assassiné.

Le Dr Enrico Ciaccio, par ailleurs très engagé dans des dispensaires de la région à une époque où les hôpitaux étaient rares ou inexistants, fait également partie des médecins ayant créé l’association « la goutte de lait », qui favorisa longtemps la distribution de lait dans les écoles de Sousse.

La famille Ciaccio rentra en Italie au milieu des années 1930 et s’installa d’abord dans la région de Milan, ou naquit en 1941 le juge Ciaccio Montalto.

Les auteurs et commanditaires de l’assassinat furent jugés très longtemps après leur crime et c’est principalement Toto Rinaa, le « prédécesseur » comme parrain de Cosa Nostra de celui qui a été arrêté hier 16 janvier, qui fut le plus lourdement condamné en 1998.

Il n’est d’ailleurs pas tout à fait impossible que les enquêtes actuelles démontrent qu’il y ait pu avoir des liens entre le parrain arrêté Massimo Denaro et le désormais lointain assassinat du juge Montalto Ciaccio.

En Italie, des rues, des bibliothèques, des centres culturels et une fondation portent le nom du juge assassiné.  Ses filles veillent avec soin et persévérance à la perpétuation de la mémoire du père dont elles ont été privées. Elles, dont les racines familiales sont doublement Soussiennes et sur plusieurs générations.

Il n’est pas sûr qu’il y ait encore grand monde à Sousse pour s’en soucier. Le temps a passé. La mémoire peu à peu s’est effacée, les docteurs Ciaccio et Montalto sont oubliés depuis bien longtemps mais il demeure comme un signe du destin que leur petite maison est située à moins de 50 mètres d’un lieu de justice. Justice pour laquelle leur fils Giangiacomo a sacrifié sa vie.

à propos de l'auteur
Né en 1963 à Paris il est collaborateur de plusieurs hommes politiques français avant d'intégrer une compagnie d'assurances entre 1984 et 1994 puis dirige un cabinet de courtage en Afrique de 1994 à 2001. A Bordeaux il dirigera les campagnes électorales de plusieurs élus et sera commissaire d'une importante exposition d'art africain en 2000. Depuis 2007 il est le gérant d'Axys biens étrangers en Tunisie chargée de recenser et de mettre à jour les titres immobiliers ayant appartenu aux juifs de Tunisie et de les vendre.
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