Sortir d’Égypte, encore et toujours

La sortie d'Egypte, Moïse dans le désert. (Crédit : @rcascoherrera / pixabay ; image générée par IA)
La sortie d'Egypte, Moïse dans le désert. (Crédit : @rcascoherrera / pixabay ; image générée par IA)

La fête de Pessah est une fête merveilleuse. Son miracle réside peut-être dans le fait qu’un enfant de trois ans, émerveillé par l’histoire, s’y attache avec autant d’intensité que son père, pourtant pétri d’expérience, de complexité, et de profondeur.

L’enfant se laisse porter par la magie : des miracles, des fléaux, la mer qui se fend, Moïse le héros, Pharaon le tyran. Son monde s’ouvre – vaste, fascinant, plein d’aventure et d’espoir. Mais le père ? Il en a déjà vu d’autres. Le récit, il le connaît. Il en a mâché les mots, digéré les symboles. Il ne peut s’en contenter tel quel ; s’il ne découvre pas, chaque année, une nouvelle lumière dans cette ancienne histoire. Alors il la lit comme un nourrisson qui n’a pas encore appris à mordre dans la vie.

Encore l’Égypte. Encore Pharaon. Encore la mer Rouge. Toujours la même histoire. Alors, qu’est-ce qui a changé (מה נשתנה) ? demande l’enfant. C’est ma lecture qui change, mon enfant. Et si tout cela – Moïse, Pharaon, l’Égypte, la mer – se jouait en moi ?

Moïse, c’est cette voix intérieure, sage, humble, lucide mais timide, qui bégaie et n’ose s’exprimer.

Pharaon, c’est la voix dure, celle de l’ego, de l’orgueil, de l’obstination, qui refuse de lâcher prise.

L’Égypte, c’est l’endroit étroit en moi, celui qui me persuade qu’il n’existe pas d’autre manière de vivre.

La mer Rouge, c’est ce moment où la peur se fend, et où l’espace s’ouvre devant moi, me révélant la possibilité de sortir de mes propres prisons.

Et voici que revient, comme un souffle sacré, cette phrase mystérieuse que nous répétons chaque année :

À chaque génération, un homme doit se voir comme s’il était lui-même sorti d’Égypte.

Le maître hassidique, Rabbi Mordekhaï Yosef d’Izhbitz, dans son livre Mei Shiloach, éclaire cette exigence : Ce n’est pas seulement à chaque génération, mais à chaque instant. Car à tout moment, l’être humain peut se retrouver enfermé dans une Égypte intérieure. Et à tout moment, il peut choisir d’en sortir.

Ce n’est pas un souvenir du passé, c’est un mouvement du présent. Une invitation constante à ne pas se laisser définir par ses peurs, ses blocages, ses limitations. La sortie d’Égypte, c’est un appel : celui d’une liberté toujours possible. Une voix divine, logée au plus profond de nous, nous pousse doucement vers la mer, vers l’espace, vers le large.

Et parfois, c’est au cœur même de l’étroitesse que jaillit le courage. Le courage de franchir l’inconnu. Le courage de vivre libre.

Alors peut-être que je suis l’Égypte, je suis aussi Pharaon, et peut-être que je suis Nahshon, celui qui a plongé dans les eaux le premier. Et peut-être que moi aussi, cette année, je saurai me laisser émerveiller à nouveau, comme mon enfant. Et croire, vraiment, dans cette histoire. Et me voir comme si – oui, vraiment – j’étais sorti d’Égypte.

à propos de l'auteur
A l'age de 19 ans, David décide de quitter la Belgique pour venir s'installer en Israël. Après avoir servi l'armée, dans la brigade des parachutistes, il commence ses études au centre interdiciplinaire d'Herzlya (IDC) et y termine avec une maitrise en sciences politiques. Il a également étudié pendant deux ans, les arts de la scène au seminar hakiboutzim. Il est aujourd’hui enseignant à Ra’anana. Spécialisé dans le travail et la proximité avec les jeunes olim hadashim.
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