Sorry Soros

Il y a la chasse à courre, en battue, à l’approche, à tir, aux chiens courants, à cor et à cri… Et un type de chasse bien moche, bien commode, sans risque. La chasse en meute. Agglomérant toute personne, de toute condition, pour la destruction d’une cible commune.
La version sale du ‘’tous pour un’’. Une meute qui vise, en tirs continus et divers, le milliardaire juif américain, Georges Soros. Accusé d’être juif et milliardaire. Juif anti musulman… et antisémite. Milliardaire socialisant… anti démocratie.
Jonathan s’était toujours demandé d’où pouvait bien provenir cet ‘’excès d’indignité’’, mais également, cet ‘’excès d’honneur’’. Le concert, bien orchestré, à tonalité d’halali, le poussa à ‘’aller voir’’.
S’efforçant de s’en tenir d’abord aux faits, il découvrit, effectivement, un personnage si extra ordinaire qu’il ne pouvait que conduire à un grand écart d’appréciation.
Indéniablement, une force de caractère qui lui permet de traverser des périodes de drames. Qui auraient abattu pas mal de ses pales détracteurs. Echapper, lui juif, aux nazis, à la déportation, dans Budapest occupé. Partir adolescent, seul, à Londres. Sortir, diplômé en philosophie de la’’ London School of Economics’’. Se passionner pour la finance, et start-uppeur avant l’heure, créer un fonds spéculatif, le Soros Fund Management.
Acquérir en accéléré une fortune, signer une lèse-majesté historique en faisant chuter la monnaie anglaise. Et comble du comble, associer philosophie et finance en créant la Fondation Soros. Qui subventionne des organismes à vocation sociale, humanitaire, Transparency International, Amnesty International, Right Watch, Global Witness… Servant les bonnes causes, éducation, santé, démocratie. Luttant contre les mauvaises, injustice, non-respect des droits de l’homme. C’est-à-dire, ô injure, plutôt de gauche.
Face à une figure devenue en quelque sorte mythique, auréolée de puissance, de mystère, d’invincibilité, un caravansérail d’aboyeurs. Des figures célèbres entre autres pour leur haute valeur morale, comme Donald Trump, qui parle ‘’d’apprenti dictateur’’. Ou l’inénarrable Elon Musk, qui n’a pas peur de parler, lui, ’’d’éroder le tissu même de l’humanité’’. En passant par les plus dignes représentants du racisme et de l’antisémitisme international.
Avec mention ‘’très bien’’ pour le chef du pays d’origine de G. Soros, la Hongrie. Le ‘’démocrate illibéral’’ Victor Orban. Qui va jusqu’à ériger le milliardaire hongrois, par ailleurs mécène national, en ennemi de l’Etat. Osant parler de ‘’Führer libéral’’.
Et puis il y a, toute honte bue, les ultras réactionnaires, ultras religieux, ultra politicards israéliens, qui le dépeignent, eux aussi, en ennemi de la nation. Allant jusqu’à lancer une coalition, ‘’Juifs contre Soros’’.
Sans se rendre compte qu’ils se tirent une belle balle dans le pied. En alimentant la complosphère internationale. Qui trouve ainsi une sorte d’auto validation de ses attaques conspirationnistes, de ses idées et actions racistes, xénophobes.
Car, homme simplement, mais homme mettant un pouvoir gagné à la force du poignet, au service de ses convictions philosophiques, Georges Soros est devenu, statutairement, le personnage mondial, cible idéale d’un des maux majeurs des temps modernes.
Le complotisme. Canal naturel de la chasse en meute. Vecteur naturel de tous les préjugés, toutes les déformations idéologiques, toutes les jalousies, toutes les haines. Bien commode car il les amalgame et les dissimule tous dans un narratif apparemment crédible. Servi comme sur un plateau par tous les enfants d’internet, réseaux sociaux, désinformation, fake news, fake images.
En définitive, Jonathan en aurait mis sa main au feu. Probablement pas totalement ange, même s’il mérite le respect et l’admiration, probablement un peu démon, mais il aurait des excuses, Soros porte sans doute dans le temps présent, la charge du complotisme éternel. Celui porté par l’antisémitisme.
Et, se dit-il, si la meute ne s’est pas trompée de cible, elle a devant elle, encore beaucoup de fil à tordre. Car, tout couturé qu’il soit par la vie, du haut de ses 92 ans, Georges Soros, milliardaire philanthrope, déploie toujours son crédo. Le crédo d’un humanisme judaïque, laïc, actif, intransigeant, pour une vie de partage.