« Sommes-nous devenus fous ? »

Le ministre des Communications Shlomo Karhi lors d'une réunion de la commission des affaires économiques à la Knesset le 18 décembre 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
Le ministre des Communications Shlomo Karhi lors d'une réunion de la commission des affaires économiques à la Knesset le 18 décembre 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

C’est ce qu’écrit Benny Gantz, leader du parti Camp de l’État (centre droit) en apprenant la réaction de certains responsables du Likoud aux problèmes de santé de Naftali Bennett. Le principal challenger de Benjamin Netanyahu a été hospitalisé en raison d’un malaise ressenti alors qu’il effectuait sa séance de gymnastique. Il a fait l’objet d’un cathétérisme cardiaque et restera quelques jours dans l’établissement afin de subir des examens complémentaires.

Il n’en fallait pas plus pour qu’un député du Likoud, Osher Shekalim, publie un message dans lequel il demande :

Comment quelqu’un qui s’effondre à 53 ans après avoir fait de l’exercice peut être capable de gérer une guerre sur sept fronts ?

Non content de son appréciation, il exige que « son dossier médical soit divulgué sans délai, comme l’exige la loi ».

Naftali Bennett n’occupant aucune fonction publique depuis 2022, rien ne l’y oblige. L’inénarrable Taly Gottlieb, également députée du Likoud, a fait preuve d’un peu plus de subtilité en souhaitant un prompt rétablissement à Naftali Bennett, tout en exprimant l’espoir que ses problèmes de santé lui rappelleraient que :

Chaque jour, Dieu nous en préserve, une personne peut être appelée à rendre des comptes devant le créateur du monde.

Et d’ajouter qu’elle espère :

[qu’il] abandonnera son style de fausses promesses et se souviendra qu’il a utilisé les votes de la population religieuse de droite et s’est allié aux Frères musulmans.

On croit rêver. Dans tout autre pays démocratique, les dirigeants politiques auraient exprimé leurs vœux de bon rétablissement. Les déclarations de deux élus du parti majoritaire viennent nous rappeler que ce ne sont pas seulement les bonnes manières qui sont oubliées. Dans un pays où la démocratie est malmenée un peu plus chaque jour, ce sont des principes qui sont transgressés.

Comme dans une autre affaire bien plus grave : celui du retrait du prix Israël à Eva Illouz, au motif que cette sociologue mondialement connue avait, dans le passé, signé une pétition demandant à la Cour pénale internationale d’enquêter sur de possibles crimes de guerre commis par Israël.

Ce n’est pas la première fois qu’un délit d’opinion est ainsi institué. En 2021, le ministre de l’Éducation de l’époque, Yoav Gallant, avait refusé de décerner le prix au professeur de mathématiques Oded Goldreich qui s’était opposé au financement européen de l’université d’Ariel en Cisjordanie.

Quel rapport entre cette mini-affaire Bennett et la méga-affaire Eva Illouz ? On laissera l’intéressée y répondre :

Les sociétés autoritaires sont comme un corps réagissant de manière excessive, étouffées par leur mécanisme de défense. Elles ne savent plus faire la différence entre ennemis réels et imaginaires.

Une forme de folie.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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