Se lever pour lutter contre la haine des Juifs !

Aurore Bergé présente la campagne de visuels contre l'antisémitisme aux Assises de lutte contre l'antisémitisme, le 13 février 2025 à Paris. (Crédit : Capture d'écran Youtube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Aurore Bergé présente la campagne de visuels contre l'antisémitisme aux Assises de lutte contre l'antisémitisme, le 13 février 2025 à Paris. (Crédit : Capture d'écran Youtube ; utilisée conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

SEMMO n°20 – Savoir Écouter les Maux du Moyen-Orient

Info n°1 : Paris, 13 février 2025 : les Assises contre l’antisémitisme n’étaient qu’une posture.

Pour faire suite à une vague d’antisémitisme sans précédent depuis la Shoah, vague qui se déploie depuis le 7 octobre 2023, la France a organisé une demi-journée pour « lutter contre l’antisémitisme ». Sans aucun espoir que ces quelques heures ne contribuent le moins du monde à réduire le tsunami de haine à l’égard des Juifs en France, il est intéressant d’écouter les témoignages de jeunes collégiens et lycéens.

Ces témoignages sont bruts et brutaux. Ils obligent des jeunes écoliers français, juifs, qui croient (voire croyaient) en l’école de la République, à prononcer des mots qui trouvent leur origine au sein des maux du Moyen-Orient.

Ils permettent de constater que ces écoliers souffrent doublement : non seulement de la solitude imposée par leurs camarades, mais aussi de l’abandon du corps professoral.

J’ai perdu presque tous mes amis du collège [depuis le 7 octobre]. C’est une autre réalité. Sur notre groupe WhatsApp, je suis devenu une cible. Je ne suis plus Liora. Je suis seulement : La Juive.

La même élève poursuit :

Un de mes amis les plus proches m’a dit en face qu’il ne voulait plus me fréquenter parce que j’avais, selon lui, une arrière-pensée sioniste. Puis, les autres ont suivi. Ils ont cessé de m’inviter. Ils ont coupé les ponts.

Un lycéen témoigne, dans le même ordre d’idées :

Le lundi suivant le 7 octobre, deux amies me disent : « nique les Juifs. Ce que le Hamas a fait est mérité ».

Mais alors que ce lycéen, au milieu de cette vague de haine déferlante, attendait un apaisement, un soutien de la part du corps professoral, c’est l’inverse qui est venu. Au lieu d’une bouée qui aurait dû être lancée à un lycéen submergé, c’est un coup sur la tête qui lui a été assené par ceux-là même qui sont chargé de l’éducation :

J’attendais une figure apaisante et à l’écoute de la part de mes professeurs. J’ai été confronté à une tout autre réalité : Gaza et les victimes palestiniennes ont été mentionnés. Le 7 octobre et les otages israéliens, non.

Un autre lycéen témoigne du même abandon de la part des professeurs. Joseph raconte, qu’après avoir été menacé de mort par d’autres élèves, il a été très surpris par l’évènement suivant :

En cours, lorsque l’Affaire Dreyfus a été abordée, le professeur a tenu un discours étrange. [L’affaire Dreyfus n’était] non pas vraiment de l’antisémitisme mais plutôt une haine anti-religieuse. J’ai essayé de réagir mais il n’a rien voulu savoir. Je me suis senti seul.

Une jeune étudiante en première année, fraîchement débarquée de province, raconte qu’à peine arrivée à Paris, un passant l’a agressée physiquement devant le centre Beaubourg.

Jetée à terre puis frappée de trois coups de pied, sous prétexte que son bourreau avait détecté une bague à son doigt portant l’étoile de David, elle a constaté l’absence totale d’aide de quelque passant que ce soit, malgré l’affluence d’un des lieux les plus fréquentés à Paris. Elle explique ensuite :

Il faut beaucoup de courage pour porter plainte et surtout, il faut avoir le luxe de pouvoir perdre du temps.

Une étudiante de La Sorbonne témoigne :

On ne nous parle plus, on ne s’assied plus à côté de nous et lorsque nous nous tournons vers les professeurs, nous nous heurtons à un mur .

Ces Assises de lutte contre l’antisémitisme sont bien nommées. Alors que de tels témoignages devraient révolter, faire marcher dans la rue, mettre tous ceux qui tiennent aux valeurs de la France debout, les ministres restent assis. Et lorsqu’ils se lèvent, face au pupitre, on n’entend que des poncifs et des paroles lénifiantes. Toute analyse de fond est évitée[1], toute recherche de cause à cette haine qui renaît depuis le 7 octobre 2023, est évacuée. Il n’y aura donc, bien sûr, aucun effet positif à ces assises.

Mais ce n’est pas tout. Lisez l’info suivante.

Info n°2 : La campagne nationale de lutte contre l’antisémitisme fut une nouvelle gifle aux Juifs.

Pour conclure ses Assises, la Ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les Discriminations, Aurore Bergé, dévoile fièrement « la campagne nationale de lutte contre l’antisémitisme ».

Le contraste entre la force des témoignages des jeunes écoliers et étudiants (voir l’info précédente), et le caractère insultant de cette campagne nationale, est une nouvelle gifle du Gouvernement français aux Juifs.

Visuels contre l’antisémitisme présentés aux Assises de lutte contre l’antisémitisme, le 13 février 2025 à Paris. (Crédit : Capture d’écran Youtube ; utilisée conformément à l’article 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Pour voir la vidéo de la présentation de cette campagne

Composées de deux affiches obscènes, montrant un homme et une femme de dos, donc sans visage, sans existence, mais surplombés, en caractères massifs d’une des insultes anti-juive la plus douloureuse offerte par la langue française : « SALE JUIF », cette campagne a été annulée dès le lendemain de cette annonce.

Il faut noter que pour être obscène, elle n’en n’est pas moins inclusive. « SALE JUIF », n’était pas suffisant. Il fallait aussi « SALE JUIVE », comme s’il fallait prévenir les harceleurs de Juifs : « ne discriminez pas les femmes Juives. Elles ont droit à leur insulte aussi ».[2]

Bien sûr, le retrait de la campagne ne faisait aucun doute. Mais le mal était fait. La gifle aux Juifs avait été donnée… Dans l’enceinte même qui devait les réconforter, les rassurer sur le fait que leur gouvernement les soutenait et les défendait.

Depuis le 7 octobre 2023, on rencontre de très nombreux exemples de sagesse hors du commun acquise par des enfants victimes, dans les kibboutzim du pourtour de Gaza, ou par des écoliers français harcelés parce qu’également juifs. On pourrait croire que cette sagesse serait contagieuse, qu’elle influencerait favorablement ceux qui prétendent, sincèrement, mais bêtement, lutter contre l’antisémitisme. Mais on se tromperait.

La France ne sait pas du tout lutter contre l’antisémitisme. Elle prétend en avoir la volonté, mais elle ne pourrait se débrouiller plus mal.

Les condamnations d’Israël de la part de son Président, les votes à l’ONU défavorables à Israël, le refus de manifester contre l’antisémitisme et la persistance à n’honorer que les Juifs morts, mais surtout pas les vivants qui se défendent… Tout cela alimente l’antisémitisme.

On peut ajouter à cette liste, maintenant, son incapacité à créer une campagne de publicité nationale qui ne soit pas insultante.

Info n°3 : le « poète » forcé d’utiliser la violence pour se faire entendre.

Interview de Mohammed El-Kurd sur la chaîne Youtube hate5six, le 10 mars 2025. (Crédit : Capture d’écran/MEMRI ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Mohammed El-Kurd se définit comme « un poète et écrivain originaire de Jérusalem en Palestine occupée[3] ». En 2021, Time Magazine le reconnaît comme une des 100 personnes les plus influentes du monde[4]. Il était alors actif dans le combat contre la décision de justice israélienne qui avait estimé que l’occupation par des habitants arabes de certaines maisons de Jérusalem était illégale. Concentrant sa lutte vers les réseaux sociaux, et reconnu par les médias internationaux, Time Magazine avait donc estimé que son influence était majeure.

Le 10 mars 2025, lors d’une interview filmée en public, El-Kurd répond à une question sur ce qui a changé après le 7 octobre 2023 pour les militants pro-palestiniens. Sa réponse est on ne peut plus claire. Et comme on sait qu’il est une des personnes les plus influentes dans le monde, elle est aussi terrifiante.

Ce que le 7 octobre nous a appris est la même chose que ce que les détournements d’avions nous ont appris, ce que les attentats suicide nous ont appris […]. C’est ce que le monde nous dit et nous répète : « pour être sur les écrans, pour que vous soyez entendus, ou pour qu’on vous parle, il faut que vous commettiez des actes de violence ». Voilà le genre de message que le monde nous envoie et je pense que les factions de résistance palestinienne agissent en conséquence.

El-Kurd a aussi une opinion très arrêtée sur l’antisémitisme :

Enfant, je faisais croire […] que je n’étais pas antisémite, que je ne haïssais pas les Juifs. […] la distinction entre Israéliens, sionistes et Juifs bla, bla, bla.

Mais maintenant, il a compris que cela était ridicule :

Les [soldats israéliens] marchent sous ce qu’ils appellent le drapeau juif, […] dans ce qu’ils appellent une armée juive ce dont ils se vantent. Ils prétendent être le seul État juif du monde, la seule armée juive du monde, et nous devrions faire la distinction [entre Juifs et Israéliens] ?

Et bien sûr, comme les Juifs seraient le peuple élu, l’antisémitisme serait une sorte de « racisme élu » :

Cela crée une hiérarchie par laquelle certains racismes sont pire que d’autres.

Et la preuve selon El-Kurd :

Si les églises avaient des drapeaux confédéraux, si les mosquées avaient des drapeaux de l’État islamique, cela poserait problème. Mais dans n’importe quelle synagogue il y a un drapeau israélien !

Quel effet ce genre d’opinions aura eu sur sa position mondiale dans le classement des personnes les plus influentes ? Il est peu probable que Time Magazine ait envie de le savoir.

Pour en savoir plus et voir des extraits de l’interview : https://www.memri.org/tv/palestinian-writer-activist-mohammed-el-kurd-oct-7-plane-hijacking-suicide-bombing

Pour voir l’interview dans son ensemble : https://youtu.be/apVwq7B_l7Y

Info n°4 : « se réclamer du Hamas ne devrait pas être mal vu. »

Conférence en ligne du CAIR (Council on American Islamic Relations. (Crédit : Capture d’écran/MEMRI ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur les droits d’auteur)

Mobashra Tazamal est chercheuse au Centre Bin Talal pour la compréhension entre Musulmans et Chrétiens à l’université américaine de Georgetown (ACMCU-Prince Alwaleed Bin Talal Center for Muslim-Christian Understanding). Dans une conférence en ligne, elle a affirmé :

La plupart d’entre nous pensons que Mahmoud Khalil[4] […] a été kidnappé. Il n’y a pas d’autre mot […] Le narratif de Trump raconte qu’il était « pro-Hamas », ou « sympathisant du Hamas » […]. Du temps de l’administration Biden et maintenant celle de Trump, le Hamas est devenu une étiquette pour dénigrer un désaccord politique justifié. [Le Hamas] est une étiquette pour diffamer et faire peur à la population, selon la même rhétorique que celle entendue après le 11 septembre : vous êtes terroristes, extrémistes, fondamentalistes, radicaux .

Ces paroles contredisent celles de de Mohammed El-Kurd (voir info n°3), qui lui revendique l’utilisation de la violence. On voit apparaitre deux pôles de « pensées » : l’un qui s’affirme vil et violent, et l’autre qui s’offusque qu’on le croie vil et violent.

On pourrait se poser la question spécieuse suivante : duquel de ces deux bords étaient ceux qui ont tué, violé, décapité, éventré le 7 octobre 2023 en Israël et qui se filmaient avec fierté ?

Pour voir cette intervention : https://www.memri.org/tv/georgetown-university-researcher-tazamal-ice-arrest-of-mahmoud-khalil-abduction

[1] https://frblogs.timesofisrael.com/lettre-ouverte-a-mme-berge-non-vous-navez-pas-tout-dit/

[2] L’absurdité dans l’absurdité à ce sujet réside dans le fait que les associations féministes du monde ont refusé de s’associer aux féministes israéliennes qui invoquaient les viols de femmes par le Hamas et ses soutiens le 7 octobre 2023 en Israël.

[3] https://www.mohammedelkurd.com

[4] https://time.com/collection/100-most-influential-people-2021/6096098/muna-mohammed-el-kurd/

[5] Mahmoud Khalil avait été arrêté par les autorités fédérales américaines le 8 mars 2025, après qu’il ait été un de leaders des protestations pro-palestiniennes à l’Université de Columbia.

à propos de l'auteur
Laurent souhaiterait partager ses observations de la vie israélienne et française à travers son regard de Juif français devenu israélien en 2008. Il a pris l'habitude de regarder et analyser les phénomènes politiques, culturels, religieux, géopolitiques, sous un regard différent de celui qu'on a l'habitude de voir. En effet, avant d'arriver en Israël, il a vécu en France, en Allemagne, en Belgique et au Royaume Uni. Il observe les phénomènes humains avec un très large point de vue, puisant dans son expérience de vie et dans son désir d'écrire. Laurent a passé son enfance en Allemagne, fait ses études de management en Alsace et passé sa carrière professionnelle au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Israël.
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