Saudi Vision 2030
La vision 2030, prônée par Mohamed Ibn Salmane, repose sur l’élaboration et l’achèvement de 12 axes. Dans ce billet, nous allons les énumérer et nous concentrer sur quelques programmes, qui affectent illico le citoyen.
Bien qu’en évidence, la vision 2030, dans sa globalité, interpelle l’ensemble des citoyens, mais à défaut de tout couvrir, nous traiterons l’essentiel. Un chantier digne des douze travaux d’Héraclès, sa réalisation, comme dans la mythologie grecque, devrait mener, en principe, le prince ibn Salmane vers l’immortalité et transcender les défis que devra affronter le pays de cocagne post-pétrole.
Pour rappel, au public, les 12 axes, ambitionnent à :
· Transformer le tissu national.
· Considérer des budgets étatiques équilibrés (équivalent des lois sur l’équilibre budgétaire/règle d’or budgétaire en occident).
· Créer un fonds public, qui aura pour mission de financer le programme des projets stratégiques et nationaux, ce dernier commanditera à son tour le programme de partenariat stratégique avec des pays développés, et par ricochet, on crée aussi un sous-programme pour la promotion / relations publiques.
· Lancer un programme de création d’un pôle financier.
· Appliquer une politique d’ajustement structurel (privatisations).
· Instaurer un programme national de logement et d’accès à la propriété (objectif, atteindre le taux de 70% de Saoudiens propriétaires)
· Planifier un plan touristique (notamment le tourisme de loisirs) qui comprend un programme indépendant pour le Hajj/Omra (objectif : 30 Millions de visiteurs). L’ouverture aux touristes étrangers non-musulmans va donner un coup de pouce à ce secteur, un désir de dupliquer l’expérience de Dubai.
· Un programme d’amélioration de la qualité de vie.
· Instaurer un programme idéologique pour mousser une identité nationale saoudienne, à cheval entre libéralisme et islam.
Si nous décortiquons le premier objectif de cette vision, nous réaliserons que les grandes promesses réalisables sont d’abord dépendantes de la volonté du système politique et de la morphologie sociologique de la société, ainsi sa capacité à admettre un changement de paradigme socioculturel.
Pour y parvenir, il requerra naturellement une réforme, au-delà de 2030, du système d’éducation, donc un changement de mœurs. La métamorphose sociologique et la transmutation de mentalité requièrent des révolutions tranquilles, qu’il faut piloter prudemment. Tout musulman, singulièrement celui du Golfe, entrevoit encore l’ombre de Juhaïmane Al-Otaibi autour de la Mecque, et l’effet du mouvement de la Sahwa qui s’en est suivi.
Les sociologues impliqués dans la vision 2030 devraient prendre le temps d’étudier certaines révolutions tranquilles, comme celle du Québec et l’adapter aux réalités locales. La province canadienne vivait sous la joute de l’Église catholique, celle-ci régissait le quotidien des Canadiens-français et avait un pouvoir réel sur le politique, donc sur toutes les facettes de la société.
Hélas, Mohamed ibn Salmane a opté pour le chemin facile. Il désire capitaliser politiquement à très court terme. Pour une simple raison, son accession à la royauté est incertaine aujourd’hui, tout comme elle l’était en 2016, lors du lancement de la Saudi Vision 2030. En évinçant Mohamed ibn Nayyef, additionnons à cela l’emprisonnement des princes de sa famille et la crise de l’hôtel Ritz, Mohamed ibn Salmane se doit de faire des gains rapides pour mousser sa popularité et assurer une main mise sur les institutions-clés du royaume.
Avant de passer à la section économique, jusqu’à présent, la vision 2030 a réalisé sa promesse de divertir la jeunesse, d’ouvrir certaines activités professionnelles et d’octroyer une certaine autonomie limitée à la femme saoudienne. La prolifération des activités culturelles et sportives est un fait aujourd’hui palpable.
Par ailleurs, comment améliorer la vie citoyenne sans modifier la structure politique du royaume ? Quelle réussite prévoit-on à un projet monumental sans réforme judiciaire et imputabilité politique ? Le changement, affectera-t-il aussi la mentalité citoyenne, celle qui préjuge encore la supériorité du Saoudien sur l’immigré ? En répondant à ces questions, nous pouvons naturellement spéculer que la section économique de la vision risque de tomber à l’eau, si une réforme profonde et sincère n’est pas opérée.
Certes, la vision 2030 octroie une part importante aux projets pharaoniques, Neom à titre d’exemple. Il est cependant important de rappeler que le socle des économies développées repose sur les petites et moyennes entreprises. Comment attirer un petit investisseur sans assurer des institutions économiques-juridiques neutres d’influences de la famille régnante et indépendantes des volontés politiques via une constitution progressiste, respectant un partage des pouvoirs ? Le modèle Singapourien en est la preuve. Lee Kwan Yew a réussi économiquement, car il a avant tout instauré une commission anti-corruption, un parlement indépendant, une justice viable et une politique multiculturelle inclusive.
S’il est difficile de résumer une réponse concise dans ce billet, un petit aperçu est possible.
Le projet Neom est mené de facto par le prince et en fait une priorité. Pour aboutir, il a procédé à son élaboration en un temps record, sans consultations des tribus et de la société civile. Son comportement vis-à-vis de la tribu « Houweitat » est révélateur du règne à venir à travers le royaume. Sa précipitation vers la guerre au Yémen, croyant une victoire armée éclaire, afin de mousser sa popularité, a empêtré les finances du royaume dans un bourbier infernal. Il sera ainsi le cas pour la vision 2030, s’il ne redresse pas son comportement politique et managerial