Sansal sans censure 2/3 : la voix de la vérité face à l’oppression

Boualem Sansal est derrière les barreaux, mais son esprit demeure libre car nul ne peut censurer une plume qui éclaire l’histoire, questionne le présent et défie l’oubli.
Intellectuel insoumis et plume incisive, Sansal traverse aujourd’hui l’une des épreuves les plus sombres de sa carrière. Enfermé dans les geôles algériennes, il incarne le destin faustien de celui qui, en quête de vérité, s’expose à la damnation politique. Car parait-il, dénoncer serait par les temps qui courent un acte de défi face à un régime qui érige l’amnésie et le déni en doctrine.
D’ailleurs, dans Le Village de l’Allemand (2008), Sansal explore cette tension dramatique entre la lumière de la connaissance et les ombres du déni. À travers les récits croisés de Rachel et Malrich Schiller, l’écrivain livre une méditation sur les héritages conflictuels d’un passé chargé. Rachel, incapable de porter la culpabilité d’un père ancien SS, incarne un dilemme tragique, où la quête de vérité se transforme en chemin vers l’autodestruction. Malrich, de son côté, doit naviguer dans un univers manichéen, où les extrêmes – entre mémoire et oubli, idéologie et rébellion – le confrontent à des choix impossibles.
Loin de se contenter de scruter le passé, ce roman établit une comparaison entre les atrocités de la Seconde Guerre mondiale et les violences de la guerre civile algérienne des années 1990 à travers lesquelles l’auteur souligne les processus habituels de la haine et de la déshumanisation qui, tels des hydres, réapparaissent dans des environnements variés mais avec une terrible régularité.
Une figure de résistance et d’éveil collectif
Aujourd’hui, alors que Sansal endure l’oppression d’un régime hermétique à l’esprit critique, son œuvre résonne avec une actualité glaçante. Ses écrits rappellent que l’effacement de la mémoire, qu’il soit le fait d’une idéologie ou d’un pouvoir autoritaire, est une forme de violence en soi. Plus qu’un romancier, Sansal est un témoin faustien, sacrifiant sa quiétude personnelle sur l’autel d’une vérité qu’il juge nécessaire à l’émancipation collective.
Ceux qui lisent ou relisent ses œuvres, en particulier Le Village de l’Allemand, y trouveront un cri d’alarme : le passé, qu’il soit glorieux ou sombre, reste un filigrane inaltérable du présent. Et dans un monde où les régimes manichéens prolifèrent, l’écrivain nous enseigne que c’est précisément dans la confrontation à l’inconfort que réside la liberté.
Quant à sa détention, elle reste une injustice qui résonne bien au-delà de l’Algérie. Elle symbolise une menace contre tous ceux qui, par la pensée et l’écriture, osent questionner l’ordre établi.
Si Sansal doit absolument retrouver sa liberté, c’est parce qu’il incarne une vérité universelle : celle que la pensée critique est la clef de voûte de toute société démocratique.
Sa libération revêt un caractère impératif car elle contribuera à rétablir une parcelle de légitimité dans un système politique algérien gangrené par l’inertie et la crainte et réaffirmera avec force que l’exercice de l’esprit critique ne constitue pas un délit, mais une condition sine qua none de la construction d’un avenir collectif. Enfin, elle sera à même d’envoyer un message retentissant à l’échelle mondiale : la liberté d’expression est une valeur inaliénable, et aucune geôle ne peut ternir l’éclat intemporel de la vérité.
Somme toute, libérer Sansal, c’est libérer une part de notre humanité, réaffirmer que la vérité est une force qui ne ploie ni sous les coups ni sous les chaînes. Le moment est venu de briser le silence, de faire entendre un cri unanime : justice pour Boualem Sansal, justice pour la pensée libre.