Répercussions stratégiques de la guerre Iran-Israël

Un bombardier furtif B-2 Spirit de l'armée de l'air américaine décollant d'une base de la Royal Australian Air Force, à Amberley, en Australie, le 11 septembre 2024. (Crédit : Staff Sgt. Whitney Erhart/US Air National Guard via AP)
Un bombardier furtif B-2 Spirit de l'armée de l'air américaine décollant d'une base de la Royal Australian Air Force, à Amberley, en Australie, le 11 septembre 2024. (Crédit : Staff Sgt. Whitney Erhart/US Air National Guard via AP)

Le slogan « Make America Great Again » de Donald Trump ne relève pas seulement de la rhétorique politique : il traduit une réorientation fondamentale de la politique étrangère des États-Unis.

Le Moyen-Orient n’est plus un théâtre d’engagement militaire direct, mais un échiquier sur lequel Washington entend ménager ses efforts tout en consolidant son hégémonie économique et stratégique. L’intervention d’Israël contre l’Iran, sur fond de désengagement américain, marque un basculement décisif.

Trump et la realpolitik : priorité aux intérêts américains

La doctrine Trump repose sur un principe clair : les intérêts stratégiques des États-Unis passent avant les idéaux universels. Ce positionnement s’est traduit par des choix audacieux :

  • accord de trêve avec les Houthis sans concertation avec Israël,
  • contournement de l’État hébreu lors de sa tournée régionale,
  • relance du dialogue avec l’Iran,
  • et levée partielle des sanctions contre la Syrie.

Washington veut déléguer désormais la sécurité régionale à ses alliés, à qui elle fournit l’armement nécessaire pour se défendre seuls. Le contrat de 140 milliards de dollars signé avec l’Arabie saoudite, complété par 80 milliards en technologies numériques, en est une parfaite illustration. Il s’agit de contenir l’influence chinoise dans le Golfe, tout en allégeant l’empreinte militaire américaine.

La guerre Iran-Israël : l’épreuve du feu

C’est dans ce contexte de repositionnement américain que le conflit Iran-Israël a éclaté. L’opération du 13 juin, menée par Tsahal, a révélé la redoutable efficacité du renseignement israélien et sa supériorité militaire.

Les frappes ciblées ont détruit des infrastructures clés : systèmes antiaériens, sites de missiles et bases des Gardiens de la Révolution.

Des commandants de haut rang ont été éliminés, et les réserves de carburant visées. Les raffineries ont été épargnées pour éviter une flambée pétrolière mondiale.

Israël n’a toutefois pas pu atteindre les centrifugeuses nucléaires enterrées en profondeur — faute d’armement adéquat. Mais le message est clair : l’État hébreu entend ralentir, voire neutraliser, le programme nucléaire iranien, quitte à agir seul.

Le moment choisi pour cette attaque, juste avant une reprise des négociations irano-américaines, interroge : Washington en avait-il été informé à l’avance ? Rien ne permet de l’affirmer, mais le silence des États-Unis suggère, au moins, une tolérance stratégique.

Les failles du régime iranien et les fractures internes

Le pays des mollahs est devenu l’otage d’une idéologie expansionniste qui sacrifie sa population au profit d’un rêve nucléaire et d’un réseau de proxys armés. En Iran même, le régime théocratique est de plus en plus fragilisé :

  • inflation galopante,
  • effondrement du rial,
  • chômage massif chez les jeunes,
  • et pauvreté endémique.

Le mécontentement gronde.

Les Kurdes du Nord-Ouest, les Arabes du Khouzistan, les Azéris du Nord et les Baloutchis de l’Est expriment ouvertement leur défiance, parfois avec l’appui de puissances régionales.

Israël cherche à assurer l’affaiblissement stratégique durable du régime des mollahs et souhaite idéalement un changement de régime en Iran.

Et l’Europe dans tout cela ?

D’un côté, la France et le Royaume-Uni ont critiqué les actions israéliennes et ont brandi la menace de sanctions, eu égard la situation dramatique à Gaza, où Israël veut faire cesser le piratage des vivres par le Hamas et œuvre pour des solutions alternatives.

De l’autre, les pays européens multiplient les achats d’armement israélien – près de 8 milliards en 2024 – tout en espérant obtenir des transferts technologiques, notamment en matière de défense antimissile et d’armement laser.

Trump est revenu d’une tournée au Moyen-Orient avec plus d’un milliard de dollars en contrats. Dans cette recomposition régionale, la France et le Royaume Uni cherchent à regagner une influence dans le monde arabe et à séduire l’électorat musulman européen en critiquant Israël.

Bien que traditionnellement aligné sur les États-Unis, le Canada s’en distancie depuis que Trump évoque la possibilité d’en faire un 51e État. Il s’est joint à la déclaration franco-britannique, dans une tentative d’affirmation diplomatique.

L’autonomie stratégique d’Israël

Au lendemain de l’attaque israélienne, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont exprimé leur soutien au droit d’Israël à se défendre et la récente déclaration du G7 va dans ce sens. Ces nations, engagées dans un ambitieux programme de réarmement, voient également dans les technologies israéliennes – qui ont prouvé leur efficacité – une opportunité stratégique.

Dans l’idéal, la Turquie aurait pu jouer un rôle clé dans la défense de l’Europe, notamment en interceptant les missiles balistiques tirés dans sa direction. Toutefois, l’instabilité et l’imprévisibilité du président Erdogan rendent cette perspective incertaine. Israël pourrait ainsi s’imposer comme un atout central dans la sécurité du continent européen.

Alors que les États-Unis redéfinissent leur rôle au Moyen-Orient, Israël s’affirme comme puissance régionale de premier plan, capable d’intervenir seul, tout en entretenant des alliances tactiques.

Le Pentagone a été surpris par les modifications israéliennes apportées aux F-35 : autonomie de mise à jour, polyvalence accrue, adaptations techniques. « Nous leur avons vendu un canif, ils en ont fait un couteau suisse », a-t-on entendu. Cette autonomie dérange Washington, mais elle illustre la volonté d’Israël de conserver sa liberté d’action face aux pressions internationales, y compris de ses alliés les plus proches.

Il n’en demeure pas moins que les stratégies évoluent et que des opportunités stratégiques peuvent en changer la direction. C’est ce que le président Trump a conclu en bombardant les trois principaux sites nucléaires iraniens.

à propos de l'auteur
Dr. David Bensoussan est professeur d’électronique à l’École de technologie supérieure. Il a été président de la Communauté sépharade unifiée du Québec et a à son actif un long passé d’engagement dans des organisations philanthropiques. Il a été membre de la Table ronde transculturelle sur la sécurité du Canada. Il est l’auteur de volumes littéraires dont un commentaire de la Bible et du livre d’Isaïe, un livre de souvenirs, un roman, des essais historiques et un livre d’art.
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