Réforme des retraites en France : le contre-exemple israélien
Le débat houleux autour de la réforme des retraites en France reste incompréhensible pour l’Israélien qui se demande pourquoi le Français s’entête à quitter le monde du travail prématurément.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, le recul de l’âge légal de départ à la retraite est devenu une nécessité à laquelle l’Israélien s’est déjà plié ; pourquoi le Français y échapperait-il ?
L’Israélien envie la protection sociale française, très généreuse à ses yeux ; en revanche, il ne comprend pas pourquoi le Français travaille si peu (35 heures hebdomadaires contre 42 heures en Israël), bénéficie de beaucoup de jours fériés et de vacances annuelles, mais part si tôt à la retraite.
Si la France de 2023 est un des pays occidentaux où les départs à la retraite sont les plus précoces, Israël est, au contraire, un pays où l’âge légal de la retraite est particulièrement élevé.
Système libéral
Le système de retraite d’Israël est à l’opposé de celui de la France : il est libéral, minimal et semi-privé ; tout le contraire de la France qui jouit d’un système public, social et généreux.
C’est en 2004 que le ministre des Finances Benyamin Netanyahou lançait la réforme de l’assurance retraite dans le cadre d’un vaste plan de libéralisation de l’économie israélienne.
Afin d’assurer l’équilibre financier des comptes de la protection sociale, il fut décidé d’allonger les cotisations en reculant l’âge légal de la retraite ; le départ à la retraite a donc été relevé de 65 à 67 ans pour les hommes et de 60 à 62 ans pour les femmes.
La différence entre les systèmes français et israélien se retrouve aussi dans le vocabulaire employé ; le système libéral israélien n’utilise pas la même terminologie que le système protecteur français.
Par exemple, plusieurs notions utilisées fréquemment en France sont inconnues en Israël : ici pas de « pénibilité », pas de « régimes spéciaux », pas de « points de retraite » et pas de « majoration pour enfant » ; le régime de retraite israélien est simple, uniforme et minimal.
Pension minimale
En Israël, la sécurité sociale de l’Etat (appelée Bitouah Leoumi ou assurance nationale) verse une retraite de base, qui est la même pour tous ; arrivé à l’âge de la retraite, le travailleur israélien reçoit une somme fixe qui se monte à 2.520 shekels par mois en 2023, soit 720 euros.
Ce n’est que tardivement que le gouvernement israélien a compris qu’il était difficile de vivre correctement avec une pension aussi minime ; en 2008 seulement, il a rendu obligatoire pour les salariés de souscrire à une assurance-vieillesse complémentaire mais privée.
Le montant de cette pension complémentaire est fixé en fonction des revenus et de la durée des cotisations ; elle est gérée par des fonds d’investissement privés et donc soumise aux fluctuations du marché financier.
Ce qui fait que durant les années de crises financières et boursières, les Israéliens voient le montant de leur retraite complémentaire se rétrécir, sans que l’Etat libéral n’intervienne pour garantir un pouvoir d’achat correct aux retraités israéliens.
Âge maximal
Pendant longtemps, Israël fut considéré comme le pays ayant un âge de la retraite parmi les plus élevés au monde ; c’est ainsi qu’il a été le premier pays de l’OCDE à relever l’âge légal de la retraite des hommes de 65 à 67 ans, passage progressif qui a démarré en 2004 et s’est achevé en 2011.
En ce qui concerne les femmes, un nouveau recul a été voté en 2022 : l’âge de la retraite de la femme passera de 62 à 65 ans, à raison de trois mois supplémentaires par an pour s’achever en 2035.
Le report de l’âge légal à 65 ans pour la femme vise à atteindre un autre objectif ; réduire l’écart actuel de la retraite entre les hommes et les femmes (cinq ans), écart qui paraît injustifié dans une société libérale et moderne.
Alors que l’espérance de vie ne cesse d’augmenter dans les pays occidentaux, allonger la durée du travail semble un choix logique qui a vite convaincu les Israéliens.
À 62 ans, les Français bénéficient de cinq années de retraite de plus que les Israéliens ; on peut comprendre que l’opposition des Français à la réforme des retraites reste injustifiable pour beaucoup d’Israéliens.
Ce qui ne veut pas dire que la France doit tendre à appliquer le modèle israélien, trop parcimonieux ; mais la recherche d’un juste milieu devient nécessaire pour sauvegarder une protection sociale à laquelle les Français sont si attachées…