Référendum en Israël, un remède miracle ?

© Stocklib / tnehala
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Les récents attentats à Jérusalem n’arrêteront pas la réforme du système judiciaire proposée par le gouvernement Netanyahu.

Si plusieurs hommes politiques israéliens ont réclamé l’organisation d’un référendum, ce n’est pas forcément le meilleur outil pour combattre une réforme qui affaiblira la démocratie israélienne.

Les référendums n’ont jamais eu lieu en Israël ; en revanche, une loi fondamentale de 2014 en autorise la tenue, mais uniquement sur la question du retrait de territoires occupés depuis 1967 par Israël.

Expression du populisme politique, le référendum a été proposé plusieurs fois par Benjamin Netanyahu durant les trois dernières décennies. Quel que soit l’objet de la consultation, un référendum aurait tourné au plébiscite en faveur du chef de l’exécutif ; ce qui aurait permis à Netanyahu de se présenter en « homme-sauveur » des dysfonctionnements de la démocratie israélienne et de se maintenir au pouvoir.

Loi fondamentale

L’idée d’un référendum avait germé dans l’esprit du législateur israélien au début des années 2000 ; il s’agissait de soumettre au vote populaire d’éventuelles concessions territoriales dans le cadre d’un accord de paix, comme le retrait (total ou partiel) du plateau du Golan, de Jérusalem-Est, de la bande de Gaza ou de la Cisjordanie.

En septembre 2004, par exemple, le ministre des Finances, Netanyahu, proposera de tenir un référendum sur le retrait israélien de la bande de Gaza que la Knesset venait d’approuver ; face à l’opposition du Premier ministre Ariel Sharon, Netanyahu démissionnera du gouvernement l’année suivante, lorsque le retrait deviendra réalité.

Après avoir formé son second gouvernement en mars 2009, Netanyahu décida de relancer la préparation de la loi sur le référendum ; celle-ci sera approuvée par la Knesset en novembre 2010. Pour renforcer le caractère particulier du texte voté et éviter son éventuelle annulation, Netanyahu décida de la transformer en loi fondamentale.

Dès l’investiture de son troisième gouvernement en mars 2013, Netanyahu relança la procédure législative ; la « Loi fondamentale : Référendum » fut définitivement adoptée par la Knesset en mars 2014 : désormais, tout retrait israélien de territoires occupés devra être soumis à un référendum après un vote d’approbation de la Knesset.

Caricature de la démocratie

Israël n’est pas la Suisse, championne du monde du référendum populaire ; en Israël, l’organisation d’un référendum ne serait qu’une autre facette du populisme qui caricature la démocratie israélienne, tout en contournant le modèle parlementaire libéral.

C’est ainsi que Netanyahu profitera de la crise politique de 2019-2021 pour relancer l’idée d’un référendum qui lui aurait permis de se maintenir au pouvoir.

En avril 2020, alors qu’il peinait à former une coalition, Netanyahu appela à l’organisation d’un référendum pour élire le prochain chef de gouvernement au suffrage direct ; il tenta de convaincre les députés arabes de soutenir sa proposition, mais en vain.

Après les législatives de mars 2021, le Premier ministre intérimaire Netanyahu appellera à nouveau ses adversaires politiques à l’organisation d’un référendum pour élire directement le chef de gouvernement ; il était arrivé en tête du scrutin mais ne parvenait pas former une coalition stable.

Expression du populisme politique, un référendum aurait peut-être permis à Benjamin Netanyahu de se maintenir au pouvoir, mais il aurait fragilisé un peu plus la démocratie israélienne ; ses opposants politiques ont préféré s’en remettre aux législatives.

En 2023 aussi, soumettre une réforme judiciaire au suffrage universel n’est pas une bonne idée ; le référendum n’est pas un remède miracle aux maux dont souffre la démocratie israélienne…

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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