Quelques leçons des élections municipales

Avec un taux de participation de 49,5% soit 10 points de moins qu’à l’accoutumée, les élections municipales du 27 février 2024 ont confirmé ce que l’on savait d’avance : en pleine guerre, ce scrutin risquait de laisser indifférents beaucoup d’électeurs. Mais dans certaines villes, le taux de participation a été élevé : 70 % à Bnei Brak.

En mobilisant leur électorat, les partis ultraorthodoxes ont enregistré des succès. Ainsi, à Jérusalem, ils sont en passe de devenir majoritaires au Conseil municipal avec 16 sièges sur 31. C’est surtout Shas qui bénéficie de ce courant favorable, par exemple en enlevant la mairie d’Elad au judaïsme ashkénaze de Yaadout ha Thora. Arieh Déry s’était beaucoup investi dans ces élections, multipliant les déplacements.

D’ailleurs le thème de la place de la religion a été dominant dans nombres de communes. Á Mitspé Ramon, le candidat issu de la Yeshiva extrémiste contestée a emporté nettement l’élection sur la candidate qui voulait maintenir le pluralisme dans cette petite ville.  Le parti d’extrême droite Puissance juive (Otsma Yéhoudit) d’Itamar Ben Gvir arrive à s’implanter dans des villes pauvres, là où il avait déjà emporté des succès lors des dernières élections à la Knesset.

Le Likoud prétend avoir maintenu ses positions mais oublie de dire que ses candidats n’ont pas revendiqué cette étiquette et encore moins leur proximité avec Binyamin Netanyahou. Le contraire de ce qu’ont fait les candidats de Nouvel espoir (Tikva Hadasha), la fraction de droite du Camp de l’état, qui ont connu quelques succès parfois en se présentant sur des listes différentes de celles de leurs associés au niveau national de Bleu et Blanc (Kahol Lavan) : les candidats proches de Benny Gantz n’ont pas concrétisé au niveau local la bonne tenue de leur leader dans les sondages. Pour le reste, ces élections n’ont réservé guère de surprises, favorisant les maires sortants, y compris ceux ayant des démêlés avec la justice (comme à Ramat Gan).

Ron Huldaï, à Tel-Aviv et Moshé Leon à Jérusalem ont bénéficié de cette prime au sortant. Le premier a nettement battu Orna Barvibaï, soutenue par le chef de son parti, Yaïr Lapid. Mais celui-ci devrait se consoler avec l’élection de son candidat contre le maire sortant à Herzlia.

Au total, et contrairement à ce qu’on avait cru (y compris l’auteur de ces lignes), on peut tirer de ces élections municipales quelques leçons intéressantes au niveau national : l’importance de la question religieuse dans le débat politique, la surprenante bonne tenue des partis de la coalition au pouvoir.

Mais peut-être pas si surprenante que cela dans un pays qui reste à droite, surtout sans Binyamin Netanyahou.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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