Quand le crime paie, la démocratie israélienne vacille

Il faut appeler les choses par leur nom sans avoir peur des mots : frauder le fisc, c’est détourner de l’argent des caisses de l’Etat, c’est donc du vol.
Lorsqu’un citoyen fraude le fisc, par exemple en « oubliant » de déclarer une partie de ses revenus, il n’est pas exagéré de le qualifier de « voleur » ou « escroc ».
Les juristes retorqueront que la fraude fiscale est un délit et non un crime ; il n’empêche que lorsque le fraudeur est ministre ou député, son infraction à la loi (dont il est le garant) devient une atteinte à la démocratie.
Criminalité économique
Dans tous les pays occidentaux, le détournement de fonds est un délit puni par la loi ; si son auteur est un délinquant économique récidiviste, qui a déjà un casier judiciaire et qui avoue sa fraude, la peine devrait être lourde et le jugement rapide.
Pas en Israël, le député Aryé Déry en sait quelque chose ; il vient de reconnaître avoir commis de multiples infractions fiscales, notamment des transactions non-déclarées et des sous-déclarations de revenus.
La peine qu’il encourt selon l’accord qu’il a signé avec le procureur de l’Etat semble dérisoire : une amende symbolique (180 000 shekels équivalents à 50 000 euros) et sa démission de la Knesset.
Il s’agira de la seconde condamnation du chef du parti Shass ; compromis dans une affaire de corruption alors qu’il était ministre de l’Intérieur, Déry fut condamné en juillet 2000 à trois ans de prison.
Sa nouvelle peine accomplie, Aryé Déry réintègrera Shass, sera réélu à la Knesset et redeviendra même ministre de l’Intérieur.
Son retrait de la Knesset ne l’empêchera donc pas de revenir à la vie politique, voire de se faire réélire aux prochaines législatives ; jamais deux sans trois.
Sport national
En Israël, frauder le fisc est considéré comme un « sport national » pratiqué par beaucoup de contribuables.
Or si ailleurs, le contrevenant est mis au ban de la société, en Israël il est presque présenté en héros.
Même les élus du peuple n’hésitent plus à se mettre en marge de la loi ; la corruption, fraude fiscale et détournement de fonds, rongent le sommet de l’Etat et mettent la démocratie israélienne en péril.
Sans compter les enquêtes criminelles qui s’étirent en longueur et qui se terminent sans inculpation, comme le cas récent de Yaakov Litzman, député de Yahadout HaTora.
Anarchie institutionnelle
Quant au procès en cours de Benyamin Netanyahou sous l’accusation de corruption, fraude et abus de confiance, un éventuel accord avec le procureur de l’Etat reviendrait à annuler certaines charges et à atténuer la peine encourue.
Reste à savoir si, dans le cas d’un élu du peuple, une négociation de peine ne serait pas contraire à l’intérêt général ; celui-ci exige que le procès soit conduit à son terme et que toute la lumière soit faite sur les accusations portées à l’encontre d’un ancien Premier ministre, sans raccourci ni compromis.
Un régime politique qui ne condamne pas sévèrement les délinquants et fraudeurs, notamment s’il s’agit d’élus du peuple, porte un autre nom : l’anarchie.
Si la démocratie israélienne ne veut pas sombrer dans l’anarchie institutionnelle, elle doit cesser de pardonner trop facilement aux élus qui se sont mis en marge de la loi ; surtout s’ils sont récidivistes…