Quand la justice se trompe d’accusé…
Un étrange procès se déroule à Jérusalem ; l’accusé principal crie à l’erreur judiciaire, les témoins sont menacés et les avocats placés sous protection policière.
A priori, beaucoup de signes laissent croire qu’il s’agit du procès d’un gang de criminels ou, tout au moins, d’une famille de mafieux prise la main dans le sac.
Dans tous les cas, le déroulement du procès devant le tribunal de Jérusalem laisse perplexe plus d’un observateur ; voici quelques symptômes de ce malaise collectif.
L’acte d’accusation, long de 92 pages, désigne par des surnoms codés les actes délictueux reprochés au principal accusé (1000, 2000 et 4000).
Des témoins à charge reçoivent des menaces anonymes et arrivent au tribunal sous haute protection policière.
Le procureur général est entouré de gardes du corps qui le protègent en permanence.
L’accusé principal attaque la justice pour avoir inventé des accusations de toutes pièces et qualifie le procureur et son équipe de « gang » qui cherche à le faire tomber.
La proche famille de l’accusé collabore aux faits délictueux reprochés, notamment en passant commande de produits de luxe auprès de richissimes hommes d’affaires, tout en prenant soin de ne pas être découverts.
Des marchandises secrètes auraient été transportées et livrées dans des sacs-poubelle noirs pour éviter tout regard indiscret.
Des cadeaux ostentatoires échangés entre les protagonistes « achètent » une amitié qui accentue les conflits d’intérêts.
Des mots de code sont utilisés par les protagonistes pour sécuriser leurs conversations et tromper d’éventuels espions.
Un chef cuisinier réputé, qui a préparé un repas à la résidence du Premier ministre, fait polémique dans la salle d’audience autour d’une controverse sur le règlement de la note de frais.
La défense a pour tactique principale de mener un procès-fleuve qui finira par tomber dans les oubliettes de l’Histoire.
Qu’on ne s’y trompe pas : il n’est pas question ici du procès d’un gang de criminels – comme il en existe beaucoup en Israël.
Il est question du procès d’un ancien Premier ministre accusé de corruption, d’abus de pouvoir et de prise illégale d’intérêts ; reconnaissons que les similitudes sont troublantes…
République bananière
C’est ce même ex-Premier ministre qui affirmait à l’ouverture de son procès en mai 2020 : « Ces dernières années, des éléments de la police et de l’accusation se sont joints à la presse de gauche que j’appellerai le gang Tout sauf Bibi pour me coudre des dossiers exagérés et hallucinants » (traduction libre de l’hébreu).
Autrement dit, l’accusé n’hésite pas à dénigrer ouvertement tous ceux qui refusent de croire en sa bonne foi (journalistes, juges, politiciens, intellectuels, etc.), arguant qu’il est poursuivi pour des raisons purement politiques.
On comprend mieux pourquoi certains parlementaires israéliens ont tenté, et tenteront encore, de faire adopter par la Knesset une loi dite « Loi française » qui exempterait le Premier ministre de poursuites pénales pour des actes accomplis pendant l’exercice de ses fonctions.
L’enjeu principal des législatives du 1er novembre prochain est clair : l’Israélien est appelé à se prononcer pour le renforcement de la démocratie libérale.
A contrario, Israël pourrait devenir une « république bananière » régie par des intérêts privés…