Prisonniers de guerre Juifs Français d’Algérie

Montage - Christophe Woehrle
Montage - Christophe Woehrle

Un nom en particulier fait l’objet de mon étude de ce jour : Atlan
Un lieu en particulier : Bougie – Bejaïa

Bejaïa est située en bordure de la mer Méditerranée dans la région de la Kabylie, à 220 kilomètres à l’est d’Alger.

Bien que la question de la citoyenneté soit épineuse et divise les dirigeants de la colonie (cf.Attali), les jeunes Juifs algériens sont mobilisés comme tout citoyen français. Ils se retrouvent sur les fronts de l’est et du nord de la France, et entrent en captivité lors de la Bataille de France de mai-juin 1940. Parmi eux :

Gaston Atlan est né le 11 décembre 1903 à Bougie en Algérie, fils de Serron Atlan et de Ghida Atlan, époux de Louise Alphonsine née Vallée. Avant guerre, il réside au 6, rue de Picardie à Alger. Lors de la déclaration de guerre, il est mobilisé comme soldat de 2e classe au 65e Régiment d’Infanterie. Il est fait prisonnier le jour de l’Armistice entre Vichy et le 3e Reich le 21 juin 1940 à Saint-Malo.

Les listes de prisonniers de guerre montrent qu’il est le seul de son régiment à être fait prisonnier à Saint-Malo. Ses autres camarades de captivité appartenaient en grande partie à des régiments de sanitaires. Il apparaît donc que Gaston Atlan était déjà malade et pris en charge par un régiment sanitaire.

Il est interné au Frontstalag 133, camp de la Marne à Rennes où il reçoit le matricule 145. Malade il n’est, de ce fait, pas transféré vers l’Allemagne et se voit libéré le 8 novembre 1940 et obtient un congé de captivité. Il s’installe à Saint-Malo au 14, rue François Dubreil d’où il est expulsé en 1942. Il se réfugie alors à Château-Gontier comme marchand de primeurs. C’est là que le 9 octobre 1942, il est arrêté par les autorités allemandes.

Transféré au camp de Mulsanne dans la Sarthe, il est dirigé neuf jours plus tard vers Drancy. Il y reste jusqu’au 9 mars 1943 et est envoyé au camp de Beaune-la-Rolande et renvoyé à Drancy le 23 mars 1943. De là, le 25 mars 1943, il est déporté par le convoi n°53 en direction de Sobibor. Le 30 mars 1943, il est exterminé au camp de Lublin-Majdanek en Pologne.

Robert Rohan Atlan est né le 15 mars 1915 à Bougie en Algérie, fils de Mardochee Atlan et de Tefaha Levy. Recruté à Constantine en 1935, il a le matricule 21. Lors de la mobilisation, il intègre le 3e régiment de Zouaves avec le grade de sergent. Avant la guerre, il réside rue du 59e de Ligne à Bougie en Algérie. De profession aide-comptable, il travaille dans la quincaillerie familiale.

Le 16 juin 1940, il est capturé à Angerville et interné dans les haras du Bel-Ebat au château de Beauregard à La Celle Saint-Cloud qui sert de camp de prisonniers de guerre et appelé Frontstalag 112. Le 2 août 1940 il est transféré au Stalag XIIIB de Weiden en Bavière.

Il contracte sans doute la tuberculose, car il est transféré au courant de l’année 1942 vers l’hôpital de Regensburg (Ratisbonne) d’où il est rapatrié inapte le 8 septembre 1942. Quatre jours plus tard, il arrive au centre de triage de Châlon-sur-Marne en provenance du Stalag XIIIA de Nuremberg. Il se réfugie à Marseille où il est arrêté, puis transféré vers Drancy où il reçoit le matricule 22268, commissionnaire de métier. Déporté à Auschwitz par le convoi n° 74 au départ de Drancy le 20 mai 1944, sa mère continue les recherches encore en décembre 1950.

Raymond Atlan est né le 20 juillet 1912 à Setif en Algérie, fils de Moïse Atlan et de Rosala Arfi. Avant la guerre, il réside au 12, rue Sillegue à Setif, arrondissement de Constantine en Algérie. Il exerce le métier de secrétaire au bureau de recrutement à Setif. Mobilisé à la déclaration de guerre, il intègre le 3e régiment de Zouaves de Constantine et la 10e compagnie en tant que soldat de 2e classe.

De fin mai 1940 au 25 juin 1940, le 3e zouaves lutte sans répit de Beauvais à Angerville (nord-ouest d’Orléans). Fait prisonnier, il est envoyé dans la 13e région militaire en Bavière et interné au Stalag XIIIA de Hohenfels dans le Haut-Palatinat où il reçoit le matricule 104787.

Rapidement il est envoyé dans les commandos de travail, d’abord le 2450 de Forchheim puis le 2563 de Nuremberg. C’est là que le 16 mars 1942, alors qu’il est accusé de voies de faits sur une sentinelle (version officielle), il est tué d’un coup de feu et inhumé plus tard au cimetière sud de Nuremberg. L’avis officiel de son décès est envoyé par la mission Scapini à la famille le 14 août 1942. Raymond Atlan est « Mort pour la France » en captivité. Il fait partie des 51 000 prisonniers de guerre Français décédés en captivité. N’ayant pas été repéré comme Juif et ne s’étant pas déclaré comme tel, Raymond Atlan échappe au rassemblement avec d’autres Juifs et intègre un commando de travail ordinaire. Aucun élément ne permet de considérer son décès comme ayant un lien avec sa judéité ou pour motif racial.

Si le destin des soldats coloniaux de la Seconde Guerre mondiale est très peu étudié, celui des Juifs d’Algérie l’est sans doute encore moins. Je lis actuellement l’ouvrage de Jacques Attali, L’année des dupes: Alger, 1943 publié chez Fayard qui éclaire ma connaissance des Juifs en Algérie et la difficile question de la citoyenneté et de l’identité de 1870 jusqu’en 1943. Il est évident que la connaissance de l’histoire des Juifs d’Algérie et du traitement de nos colonies est un préalable indispensable pour aborder la question de la captivité des Juifs d’Algérie.

Si dans votre famille ou dans vos connaissances, vous avez des destins similaires, n’hésitez pas à me contacter à l’adresse cwoehrle@laposte.net afin de m’aider dans mes recherches sur la captivité de la Seconde Guerre mondiale et particulièrement sur celle des Juifs Français, Algériens, Alsaciens, Polonais, Russes, Hongrois, etc.

Chaque destin est une ouverture sur la connaissance et sort de l’oubli ces hommes que la guerre a emporté, que la barbarie nazie a tenté de faire disparaître, je veux honorer leur mémoire par un travail et des recherches approfondies, merci de votre aide.

Déportés de la Sarthe – Atlan Gaston
à propos de l'auteur
Christophe Woehrle est docteur en histoire contemporaine - Chevalier de l'ordre des arts et des lettres
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