« Comment oserions-nous oublier la Shoah ? »
Le 27 janvier était la Journée internationale de commémoration de la Shoah. Cette année, il se trouve que c’était également le 70ème anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau.
Peu après la libération des camps de la mort et du sauvetage de ceux qui avaient miraculeusement survécu en 1945, une devise est née : PLUS JAMAIS ÇA. Des personnes squelettiques ambulantes crurent à cette déclaration et beaucoup d’entre elles ont voulu se diriger vers un avenir meilleur. Soixante-dix ans plus tard, la plupart de ces survivants sont décédés.
Serait-il possible qu’ils aient emmené leur devise avec eux ?
Il semblerait qu’à l’époque actuelle, il y ait une certaine “fatigue de la Shoah” dans le monde. La BBC a récemment tweeté la déclaration suivante : « Est-il temps de mettre la Shoah à la retraite ? ». Cela démontre clairement que soit certaines personnes ont la mémoire très courte à propos des événements récents à Paris, ou soit qu’elles ont tout simplement un culot monstre pour dire des choses aussi inappropriées.
Mais ces personnes ne sont pas seules dans cette quête postmoderne pour minimiser la Shoah. Elles ne sont peut-être pas des révisionnistes, mais en édulcorant la « catastrophe » ou même en la remettant en question, elles aident tous ceux qui nient la Shoah ! Alors ces personnes posent la question : « Pourquoi nous souvenons-nous ? » Je pourrais répondre à cette question, mais je vais laisser Evelyn le faire à ma place.
Dans les années 1970, Evelyn, qui avait la quarantaine, était assise dans le bois de Vincennes et surveillait son jeune fils qui jouait avec ses camarades après l’école. C’était une activité quotidienne pour Evelyn qui était assise sur un banc à regarder les gens. Soudain, elle entendit deux dames qu’elle connaissait, en pleine discussion. Il ne fallut pas longtemps avant que les deux dames commencent à dénigrer les Juifs. Or, personne ne savait dans la ville qu’Evelyn était juive. Mais ce jour-là s’en fut trop, donc elle interrompit les deux dames et avec toute l’audace dont elle était capable, elle les regarda dans les yeux et dit : « Vous savez que moi aussi je suis juive ? » Les deux dames furent très surprises et très embarrassées, tandis qu’Evelyn se sentit enfin libérée de la prison qu’était son identité juive.
Cet après-midi-là, alors qu’Evelyn se dirigeait vers sa maison avec son fils, je me demande ce qu’elle ressentit ? Je me demande si, quand elle s’approcha de sa maison, elle se rappela le jour où – 25 ans auparavant, elle a vu la Gestapo arriver chez elle et emmener son père Maurice vers une mort certaine à Auschwitz–Birkenau ? Tandis qu’elle marchait à travers le petit couloir menant à sa porte d’entrée, elle pouvait probablement visualiser son père caché dans la cave en 1942, juste sous ses pieds.
Il avait fallu 25 ans pour qu’Evelyn ose s’exprimer et dire aux autres qu’elle était juive. Elle se souvenait du temps qu’elle avait passé dans le Sud-Ouest de la France, en se cachant dans une ferme, dans un petit village près de Pau. Elle ne le savait pas alors, mais sa vie allait être préservée par une famille de simples paysans qui allaient plus tard être reconnus comme des « Justes Parmi les Nations » par Yad Vashem.
Evelyn à maintenant 87 ans et elle vit toujours dans la même maison. Elle a eu une vie bien remplie. Elle a deux enfants, cinq petits-enfants et quatre arrière-petits-enfants. D’une certaine manière, c’est la meilleure vengeance que le peuple juif ait pu avoir après la Shoah. Les survivants se sont levés et ont fondé des familles, prouvant une fois de plus que Dieu n’abandonnera jamais complètement Israël (Jérémie 31: 35-37).
Evelyn se souvient très bien de tous ces événements. Mais elle vit de nouveau dans la peur. Quand les attaques terroristes de Paris de janvier 2015 ont eu lieu, elle avait très peur. Le supermarché casher était seulement à quelques centaines de mètres de sa maison, et à seulement 30 mètres de l’appartement de sa petite-fille. Lorsque son fils a appelé pour vérifier sa sureté et pour lui demander de rester à l’intérieur, elle a commencé à pleurer et lui dit: « Tu croies qu’ils reviennent ? » pensant à sa jeunesse et à la Gestapo. Son fils ne savait quoi dire.
Pourquoi donc nous souvenir encore de la Shoah ?
Car cette recrudescence de l’antisémitisme pourrait conduire à une autre catastrophe si nous permettons à nos esprits de penser que la Shoah puisse être archivée dans l’histoire.
Pourquoi donc nous souvenir encore de la Shoah ?
Parce que six millions de gens comme Evelyn existèrent et qu’ils ont vécu un véritable cauchemar.
Pourquoi donc nous souvenir encore de la Shoah ?
Ce n’est même pas la bonne question, à vrai dire.
Evelyn est ma mère… et la bonne question, c’est : « Comment oserions-nous oublier la Shoah ? »